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Le décryptage éco. Retraites : l'angle mort des réformes Fillon et Juppé

Vincent Giret a comparé les réformes de retraites, proposées par François Fillon et Alain Juppé. Quelles leçons en tire-t-il ?

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
François Fillon et Alain Juppé assistent à la cérémonie pour les victimes du terrorisme à Paris le 19 septembre 2016. (MAXPPP)

Le sujet des retraites est tout simplement l’un des plus sensibles, un sujet susceptible de bloquer la France et faire tomber n’importe quel gouvernement, pour reprendre un mot célèbre de Michel Rocard. C’est le sujet social explosif par excellence et qui nous concerne tous. C’est un sujet qu’ils connaissent bien tous les deux, avec des fortunes diverses puisqu’ils ont affronté de grands mouvements de contestation sociale.

Quand on compare les deux projets sur la question des retraites, on est d’abord frappé par leur ressemblance : François Fillon et Alain Juppé font le même diagnostic et proposent tous les deux un allongement progressif de l’âge de départ à la retraite, par étapes, jusqu’à 65 ans d’ici 2022. On se souvient que Nicolas Sarkozy dans son projet était moins ambitieux.

Fillon et Juppé proposent une deuxième mesure identique très importante : l’alignement entre les régimes public et privé. François Fillon souhaitant inscrire dans la Constitution ce principe d’équité de traitement en matière de retraite pour le public et le privé. C’est celui qui va le plus loin, en voulant supprimer les régimes spéciaux dont bénéficient encore certaines catégories comme les cheminots, quand Alain Juppé se contente dans les aménager. Là, c'est donc une question de curseur. Enfin aucun des deux ne toucheraient au montant des pensions.

Rien de thatchérien dans ces programmes

Première conclusion : on peut, bien sûr, combattre violemment ces programmes fort ressemblants, c’est le droit de chacun, on peut les trouver injustes ou trop radicaux, mais force est de constater que qualifier ces programmes de thatchériens est non seulement une contre-vérité mais un non-sens absolu. Juppé et Fillon se proposent de réformer notre système de retraite dans le cadre existant, c’est à dire celui d’une retraite par répartition qu’ils entendent sauver et préserver tous les deux. Ils ne changent pas le système, ils le réforment, et ni l’un ni l’autre ne font le choix de la dérégulation et d’un basculement vers un système libéral de capitalisation.

La comptabilité, ce n'est pas l'économie

Ensuite, il y a un autre point commun entre les deux projets, un angle mort, un point aveugle, un impensé pour Fillon comme pour Juppé. Au sein même de l’électorat de la droite et du centre, il y a des salariés qui sont réticents, parfois très réticents, et parfois vraiment hostiles, même, au fait de travailler jusqu’à 65 ans ou plus. Il y a des gens – et pas seulement dans les métiers les plus harassants –, qui ne se voient pas prolonger indéfiniment un travail à temps plein, même avec l’allongement de la durée de la vie. Et ça c’est une réalité sociale, sociétale même, tangible, qui n’est absolument perçue par ces deux candidats.

C’est là où l’on mesure que l’approche purement comptable, aussi légitime soit-elle, n’est pas l’économie. Avec l’économie, il y a des gens, des parcours, des situations nouvelles. Des économistes ont d’ailleurs travaillé sur ces sujets, et ils expliquent l’urgence de construire et de favoriser des mobilités professionnelles.

Les temps d'une vie professionnels ne sont pas abordés

Vous pouvez avoir eu du plaisir à enseigner pendant quinze ans, sans vous résoudre à faire ce même métier toute votre vie, sans vouloir être enfermé pendant plus de 40 ans dans la même vie professionnelle. C’est donc les conditions d’une deuxième voire même d'une troisième carrière professionnelle qu’il faut inventer.

De la mobilité donc, avec de la formation et des garanties de transition, de nouvelles sécurités : voilà ce qu’il nous faut dessiner dans un monde en pleine mutation où les aspirations se transforment. Et de cela, il n’y a pas un mot, pas plus dans le programme d’Alain Juppé que dans celui de François Fillon. Et c’est pourtant, en grande partie, ce qui conditionnera demain l’acceptabilité des réformes.


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