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Le décryptage éco. Les marchés et le "risque Le Pen"

Les investisseurs étrangers s'inquiètent d'une possible victoire de Marine Le Pen à l'élection présidentielle. Et cela a déjà un coût pour la France.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Marine Le Pen, présidente du Front national, candidate à l'élection présidentielle de 2017, sur le plateau de "L'Emission politique" sur "France 2". (AFP)

Les investisseurs étrangers s’inquiètent d’une possible victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Jamais, sans doute, les investisseurs et les marchés financiers ne s’étaient autant intéressés à une élection politique française. Les marchés sont aujourd’hui plus que jamais sensibles au risque politique. Ils n’ont vu arriver ni le Brexit, ni la victoire de Donald Trump. Ils jurent donc qu’on ne les y reprendra plus.

Ils remarquent, pour s’en effrayer, que jamais l’élection présidentielle en France n’a semblé aussi ouverte et que même si aucun sondage ne donne Marine Le Pen victorieuse au second tour, tous la placent désormais nettement en tête au premier. Les investisseurs constatent en outre que les déboires du candidat de la droite auquel la victoire semblait pourtant promise, accroissent le potentiel de la candidate d’extrême droite.

Le spectre d'une sortie de l'euro 

Les investisseurs s’inquiètent en fait du programme de Marine Le Pen et ils ont en tête un scénario noir, celui de la sortie de l’euro promise dans son programme et qui aurait trois conséquences funestes :

1. Une augmentation mécanique de la dette française dès lors qu’elle serait libellée en nouveaux francs

2. Un inévitable défaut de paiement de la France, sur au moins une partie de sa dette, parce qu’elle n’aurait plus les moyens de supporter un tel fardeau financier

3. Une chute de 10%à 20% de la valeur de l’euro face aux autres monnaies du monde, avec risque de déstabilisation générale de la monnaie unique. Bref, avec Le Pen au pouvoir en France, c’est l’ensemble de la zone euro qui serait sur un volcan et risquerait l’éclatement général.  

Des emprunts plus chers

La France commence à payer plus cher ses emprunts et donc sa dette, en partie en raison de ce risque politique. Il existe deux types de taux d’intérêts, des taux à très court terme, au jour le jour, qui sont fixés par les banques centrales, et donc chez nous par la Banque de France. Et puis il y a les taux pour les emprunts de long terme, comme ceux qui concernent la dette française, qui sont eux fixés par les marchés financiers et ces taux varient en fonction de l’offre et de la demande et d’une évaluation des risques de toute nature par les marchés.

Or, la dette de la France est détenue à 60% par des investisseurs étrangers, des grands fonds, des banques, ou des acteurs institutionnels, basés à la City, à Wall Street ou à Hong Kong par exemple. Ces taux varient au jour le jour, ils ont été ces dernières années très bas, même très très bas, parce que nous avons été protégés par l’euro, par sa banque centrale, par notre économie et il faut le dire aussi par notre arrimage à l'économie allemande. Cela a eu un impact extrêmement positif, car cela nous a permis de payer moins cher nos emprunts et donc de faire des économies considérables qui se chiffrent à plusieurs milliards d’euros.

Prime de risque

Mais les choses sont en train de changer. Les taux commencent à remonter pour plusieurs raisons, notamment une fin de cycle international, mais aussi pour le cas de la France, en raison de ce que les marchés appellent désormais "Le risque Le Pen". Un risque qui se mesure en regardant l’écart de taux d’intérêt pour un emprunt à dix ans, pratiqué pour la France, comparé à celui retenu pour l’Allemagne. C’est ce qu’en langage financier, on appelle le "spread", l’écart, la différence entre ces taux.

Les investisseurs font désormais payer à la France une prime de risque, tout simplement parce que la dette française leur paraît plus risquée, voire beaucoup plus risquée, que la dette de l’Allemagne. Et plus l’inquiétude monte, plus la prime augmente. Et cet écart s’est déjà fortement creusé dès l’entrée en campagne de Marine Le Pen au début de la semaine et la chute de François Fillon dans les sondages. Au point que Michel Sapin, le ministre des Finances, a adressé une mise en garde solennelle aux marchés financiers leur reprochant "un esprit de provocation ou même de spéculation". Bref, la tension monte. 


Les marchés et le « risque Le Pen » : attention... par franceinfo

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