Le débrief politique. Valls, grandeur et décadence
Mistral de face pour Manuel Valls, les vents de la recomposition soufflent sur le PS et le FN, un lapsus politique savoureux pour François Hollande... Tout ce qu'il ne fallait pas rater dans l'actualité politique de mercredi 10 mai avec Yael Goosz.
Mistral de face pour Manuel Valls
Le vent de la recomposition souffle toujours. Ce ne sont pas des alizées qui soufflent mais des vents contraires. Mistral de face même pour Manuel Valls. Nouvelle déclaration, ce mercredi matin, de Jean-Paul Delevoye, le "Monsieur investitures" d'Emmanuel Macron à propos de l'ancien Premier ministre : "À ce jour, il n'est pas dans les critères d'acceptation de sa demande d'investiture." Comme si ça ne suffisait pas, Manuel Valls est sous le coup d'une procédure d'exclusion dans sa propre famille, le PS.
.@jccambadelis #Valls va être "déféré devant la commission des conflits" du PS, annonce Jean-Christophe Cambadélis. Notre direct : https://t.co/fy1QXRhDCe
— franceinfo (@franceinfo) 10 mai 2017
Même François Baroin, à droite, trouva cela brutal et limite injuste pour Manuel Valls. "Je ne trouve pas ça très bienveillant la façon dont on traite un ancien Premier ministre, a-t-il déclaré ce mercredi. Cela donne une tonalité qui, je trouve, en 48 heures, est assez radicalement différente de l'aimable sourire offert pendant plusieurs mois au cours de cette campagne présidentielle."
Sidération aussi chez les réformateurs, ce courant du PS prêt à intégrer la nouvelle majorité présidentielle. Le secrétaire d'État Jean-Marie Le Guen est dans la même situation pour sa circonscription parisienne. Il l'a joué "peace and love, ce mercredi soir, sur le plateau de Questions d'Infos sur LCP, en partenariat avec Le Monde, l'Afp et franceinfo : "Moi, personnellement, je n'imagine pas que le président de la République ne soit pas dans cet état d'esprit qui est celui du rassemblement."
L'histoire n'est pas terminée. "Ce n'est pas mort", assure un proche d'Emmanuel Macron. C'est ce dernier qui arbitrera en dernier ressort. Alors sera-t-il magnanime au nom du rassemblement ? Tout le monde a en mémoire l'une des erreurs de François Hollande, juste avant les législatives 2012, lorsqu'il a maintenu un socialiste à Pau, contre François Bayrou, alors même que ce dernier avait appelé à voter François Hollande lors de la présidentielle. On connait la suite : François Bayrou est devenu un opposant. Verdict jeudi, avant 12h. La liste des 577 marcheurs investis pour les législatives sera dévoilée. On ne connaît pour l'instant que 14 noms.
Hollande, message d'adieu
Ce mercredi, c'était jour d'adieux à l'Élysée avec le tout dernier conseil des ministres de l'ère Hollande. Le président sortant a raccompagné et salué un à un ses ministres sur le perron.
Dernier Conseil des ministres pour François Hollande et le gouvernement
Juste avant, celui qui ne se voit pas en retraité de la politique, a eu ce message politique, délivré à huis-clos dans le salon Murat, et que raconte le ministre Alain Vidalies à franceinfo : "J'ai été assez frappé lorsqu'il a dit notamment dans ce conseil des ministres que, le jour où on a oublié que le dialogue social était une nécessité, on l'avait chèrement payé. Je pense que c'était à la fois une analyse lucide sur ce qu'il s'était passé et peut-être aussi un message pour ceux qui viendront après." Suivez le regard de François Hollande. Avertissement à son successeur et à sa méthode pour réformer le code du travail. Les ordonnances ne doivent pas empêcher le dialogue social.
Marion Maréchal-Le Pen n'est pas définitive
Le vent de la recomposition souffle aussi sur le Front national. Des frontistes sont encore sous le choc du retrait de Marion Maréchal-Le Pen. Son grand-père parle de "désertion" et sa tante dit comprendre "comme maman", c'est ce qu'elle écrit sur Twitter.
Comme dirigeante politique je regrette profondément la décision de Marion mais hélas, comme maman, je la comprends. MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 10 mai 2017
En réalité, c'est une décision provisoire comme l'a expliqué, elle-même, la jeune femme, ce mercredi, sur TV Libertés : "Je ne pense pas définitive, je vous le dis franchement, je n'ai pas de plan de carrière. Je pense que je referai de la politique, déjà parce c'est vrai que j'aime ça. J'ai hérité du souci de mon pays, je suis incapable d'être indifférente. Et j'espère que, demain, si je suis amenée à revenir, ils me redonneront cette confiance et ils me pardonneront le fait de m'être éloignée d'eux quelques temps." À l'écouter, on a l’impression qu'elle est déjà de retour. Elle prend date. L'avenir de Marine Le Pen s'obscurcit avec ce débat raté d'entre-deux-tours et ce second tour où elle a échoué. Les affaires aussi vont revenir. Qui sait si Marion Maréchal-Le Pen ne jouera pas les recours ?
Floraison d'initiatives au PS
Ça souffle aussi très fort sur le Parti socialiste. Le PS n'est pas encore mort mais il y a déjà une floraison d'initiatives. Les amateurs de vieilles pierres le savent, c'est parfois sur les ruines que poussent les plus belles frondaisons. Côté ruines, justement, au parti, on est servi. La maison craque de partout et l'effondrement semble inéluctable.
Benoît Hamon annonce le lancement d'un mouvement transpartisan, et non pas un énième cartel électoral, d'ailleurs il n'a pas vocation à remplacer le PS. "Il faut profiter d'une période de deux ans sans élection, explique un proche, pour réfléchir, reconstruire et intégrer de nouvelles personnes et de nouvelles idées". Lancement annoncé le 1er juillet. Autre initiative : un "mouvement humaniste" lancé par Anne Hidalgo. "Dès demain", c'est le titre d'une tribune publié dans Le Monde et signée par 200 personnalités, dont la maire de Paris, mais aussi Christiane Taubira et Martine Aubry. Initiative, non pas concurrentielle mais "complémentaire", jurent ses promoteurs. D'ailleurs plusieurs proches de Benoît Hamon figurent parmi les signataires.
Je lance aux côtés de 200 personnalités d'horizons variés un appel pour refonder la politique en France. #DèsDemain https://t.co/RHf8v6laTU
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 10 mai 2017
Sachant que d'autres socialistes entendent peser, comme les jeunes ministres sortants Najat Vallaud-Belkacem et Matthias Fekl. Sachant aussi qu'avant de reconstruire, il faut survivre. Tous ces candidats au chantier de la reconstruction veulent faire la preuve que Manuel Valls a tort, que le PS n'est pas mort. Encore faut-il éviter le naufrage personnel et collectif aux législatives le mois prochain. Preuve qu'il devient difficile de cohabiter au sein du PS, voici le jeu de mots de Jean-Marie Le Guen sur LCP ce mercredi : "Il y a ceux qui sont en marche et ceux qui sont en marge. Il s'est marginalisé de lui-même et non seulement par son résultat. Tout cela est un peu dérisoire." Ça c'était la baffe à Benoît Hamon. C'est là qu'on mesure à quel point la clarification est devenue nécessaire au sein du PS.
Mélenchon, cap sur Marseille
On continue de filer la métaphore du vent avec l'insoumis Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier lâche le parlement européen et saute en parachute sur Marseille. Il propose sa candidature aux législatives. C'est ce qu'il a dit aux insoumis de la ville dans une lettre que franceinfo a pu se procurer. Il envisage de se présenter dans la 4e circonscription mais il compte d’abord échanger avec les militants marseillais, et les assemblées insoumises de la ville. C’est le mode de fonctionnement du mouvement. Cet échange aura lieu dès jeudi à Marseille. C’est seulement après qu’il devrait officialiser sa candidature lors d’une conférence de presse à 16h30 près du Vieux-Port.
Logiquement, cette candidature ne sera pas remise en cause. Tout au plus, il pourrait se présenter dans une autre circonscription si, pour des raisons stratégiques, le mouvement estime cela plus pertinent. Si c'est la 4e circonscription, cela annonce d’ores et déjà un duel choc avec le socialiste Patrick Mennucci, soutien de Benoît Hamon, et qui ne décolère pas depuis l’annonce. Il dénonce un parachutage.
#Législatives2017 Mélenchon compte se présenter dans la 4e circonscription de Marseille face au PS Mennucci https://t.co/fy1QXRhDCe pic.twitter.com/KTYi7SJMCD
— franceinfo (@franceinfo) 10 mai 2017
Alors pourquoi Marseille ? Parce que “Marseille a parlé fortement” lors du premier tour de l’élection présidentielle. L’expression est de Jean-Luc Mélenchon, toujours dans cette lettre. “Fortement”, parce que la ville lui a offert son meilleur score au niveau national (39% des voix), c'est donc de bon augure pour les législatives. Et surtout, il n’est évidemment pas question de prendre le risque d’être battu pour Jean-Luc Mélenchon, de faire la même erreur qu’en 2012 lorsqu'il avait été candidat face à Marine Le Pen dans son fief d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Jean-Luc Mélenchon veut gagner cette fois pour porter la voix de l’opposition de gauche à Emmanuel Macron dans l’hémicycle.
Beaucoup de parachutes et de sauts de puce dans la carrière de Jean-Luc Mélenchon ! Voilà ce qu'il répondait déjà il y a 5 ans, sur France Inter : "Ma légitimité est la suivante. Je suis un citoyen et partout chez moi."
La note du débrief : 18/20 pour Hollande
La note du rattrapage in extremis pour le lapsus de François Hollande ce matin, dans les jardins du Luxembourg, à Paris, lors de la commémoration de l'abolition de l'esclavage. Le président sortant est juste à côté de son successeur Emmanuel Macron et il fait référence au texte concernant l'abolition de l'esclavage. "Les archives montrent que les sanctions ont été effectivement appliquées chaque fois que l'on remettait en cause le crime de lèse-majesté... de lèse-humanité ! Il pouvait même arriver que la majesté puisse être lui-même un criminel de lèse-humanité", s'est rattrapé François Hollande, sous les rires et les applaudissements. "Le crime de lèse-majesté" d'Emmanuel Macron à l'égard de François Hollande, tout le monde y a pensé très fort. Lapsus politique savoureux.
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