"Les cactus de la conso", un palmarès des sociétés "qui se sont surpassées pour pourrir la vie de leurs clients"
Les Cactus de la consommation c'est un peu une distribution de bonnets d'âne. Le magazine "60 Millions de consommateurs" épingle des entreprises, des marques qui ont abusé leurs clients d'une manière ou d'une autre.
Hervé Cabibbo, rédacteur en chef adjoint du magazine 60 Millions de consommateurs, passe en revue dans "franceinfo conso" le palmarès des "Cactus de la conso", établi par le magazine chaque début d'année depuis 2017.
franceinfo : Les Cactus de la conso c'est un peu une distribution de bonnets d'âne. Vous épinglez des entreprises, des marques qui ont abusé leurs clients d'une manière ou d'une autre.
Pour le dire simplement, il s’agit pour nous d’épingler chaque année les sociétés qui se sont surpassées pour pourrir la vie de leurs clients. C’est un palmarès établi méthodiquement. Nous recevons chaque mois de la part de nos lecteurs, par courrier, mail ou via notre forum ou nos réseaux sociaux, des milliers de réclamations et de témoignages. Nous publions par ailleurs tout au long de l’année des études, des enquêtes et des essais. Tout cela nous permet de dresser un bilan de l’année, et une liste de professionnels qui est ensuite soumise à tous les membres de la rédaction, et discutée lors d’une table ronde. Il en ressort nos lauréats.
Le Cactus d'or est collectif, vous le décernez aux industriels de la charcuterie qui ne seraient pas des grands amis de la transparence ?
On l’a bien vu avec Yuka, l’application qui décrypte les étiquettes des produits de supermarché. La Fédération des industriels des charcutiers traiteurs, la FICT, a envoyé Yuka trois fois dans l’année devant les tribunaux (elle directement ou via un de ses membres). Yuka, c’est 15 millions d’utilisateurs qui ont accès en quelques secondes aux informations nutritionnelles des aliments industriels, ce qui inclut le nombre d’additifs qu’ils contiennent et leur dangerosité potentielle.
Parmi ces additifs, on retrouve les fameux sels nitrités que les industriels utilisent pour la conservation des produits mais aussi pour obtenir la jolie couleur rose du jambon. Or, ces sels nitrités ont été classés cancérogènes probables par l’Organisation mondiale de la santé, comme par le Centre international de recherche contre le cancer. Les industriels de la charcuterie ont gagné un premier round. Yuka a été condamné pour avoir proposé à ses utilisateurs un lien vers une pétition qui réclame l’arrêt des sels nitrités. Mais son système de notation n’a pas été remis en cause. Le bras de fer se poursuivra donc en 2022. Cette affaire pose précisément la question du droit à la transparence de la composition de nos produits alimentaires. Un dossier cher à 60 Millions de consommateurs.
Manque de transparence aussi chez SFR, récompensé du Cactus de la pire pratique.
Oui, et c’est son habitude ou plutôt celle de sa marque low cost Red by SFR. Nous l’avions déjà épinglée en 2017 et en 2019 pour la même pratique qui consiste à augmenter de 3 euros les petits forfaits (de 5 ou 10 euros), moyennant quelques dizaines de gigas supplémentaires. Ce dont les clients se fichent en général. Le problème, c’est que cette augmentation est appliquée d’emblée sans accord du client, et ce dernier doit souvent se démener pour la faire annuler. À condition que ce soit possible, ce n’est pas toujours le cas, et à condition surtout qu’il reçoive à temps l’information de cette augmentation. Car celle-ci est donnée plutôt discrètement, en général via un mail qui se mélange aux autres. Si bien que le client s’en aperçoit souvent trop tard. Evidemment, on ne va pas se mentir, c’est un peu fait exprès. Quoi qu’il en soit, si la pratique exaspère notamment ceux qui en sont les victimes, il faut préciser qu’elle reste légale. Un prestataire peut informer son client d’une augmentation des prix et l’appliquer sans attendre d’avoir son accord. Libre au client dans ce cas de changer d’opérateur, il n’y a rien de plus simple.
Il y a un Cactus d'or de la mesquinerie aussi, attribué à la banque BNP Paribas. Elle propose un nouveau service premium avec un conseiller de proximité attitré. C'est payant. Mais où est le problème ?
Avant, et je vous parle d’un temps où les banques en ligne n’existaient pas, tous les clients avaient un conseiller dédié qu’ils pouvaient appeler à tout moment. Aujourd’hui, c’est de plus en plus un conseiller de permanence, celui qui décroche le téléphone et que l’on ne connaît pas forcément. Et à la BNP, pour retrouver son fameux conseiller dédié, il faut désormais payer.
L’été dernier, la banque avait expérimenté le principe dans le cadre d’un pack de service appelé Affinité, facturé 12 euros et qui, depuis, a été généralisé. La banque est ainsi la première à rendre payant le conseiller dédié. Et c’est une brèche dans laquelle les autres risquent de s’engouffrer. Mais c’est d’autant plus mesquin ici de la part de la BNP qu’elle a affiché un bénéfice de 7 milliards d’euros en 2020 !
Avec Interflora c'est le bouquet ! Cactus de la cupidité pour cette chaîne de fleuristes ?
Oui, chez Interflora, le numéro un de la commande de fleurs à distance, le bouquet a tendance à rétrécir entre le moment où il est acheté et celui où il est livré au destinataire. L’enquête que nous avons menée au printemps 2021 est édifiante. "Interflora nous demande de livrer des bouquets qui ne correspondent pas au prix que le client a payé", témoignaient ainsi certains fleuristes partenaires obligés de rajouter du feuillage pour masquer la misère. C’est d’autant plus frustrant pour eux qu’Interflora prend une belle part du gâteau. Près de la moitié de la somme versée par le client, pour un bouquet de l’ordre de 80 euros !
Et au coin Le Bon coin ! Cactus du bug à tous les étages...
Des bugs informatiques liés aux paiements sécurisés, des colis perdus, un service client qui ne veut pas parler aux clients, des conditions de réclamation conçues pour décourager les réclamations, sans compter des arnaqueurs bien installés sur la plateforme et qui peinent à être débusqués… En 2021, Le Bon coin a cumulé pas mal de dysfonctionnements, leurs utilisateurs nous ont inondés de témoignages.
Et enfin un Cactus pour ces télévendeurs très insistants qui nous appellent au téléphone afin de nous vendre des formations.
Nous nous sommes attardés particulièrement sur le cas du Centre européen de formation qui n’est ni une institution européenne ni un service public, comme certains pourraient le penser, mais une société commerciale aux pratiques agressives. A l’instar de Comme j’aime, l’autre société du groupe, elle nous matraque de messages publicitaires à longueur de journée mais là n’est pas le problème. Le problème, c’est l’esprit marchand de tapis qui anime les télévendeurs tenus par leur direction d’insister auprès des clients potentiels jusqu’à un niveau qu’on pourrait qualifier de dérangeant. Les consignes données qui nous ont été rapportées sont brutales. Comme exploiter les failles émotionnelles des clients, insister là où ça fait mal, et rappeler cinq, dix, vingt fois si nécessaire… Ce sont presque des méthodes d’un autre âge.
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