Tesla Europe : Elon Musk doit faire face à un sabotage écologiste en Allemagne et à des blocages sociaux en Suède

Les implantations européennes de Tesla sont dans la tourmente ces temps-ci. Alors que l'usine en Allemagne a été visée mardi par des militants écologistes, les ateliers en Suède sont en grève depuis plusieurs mois.
Article rédigé par Sébastien Baer - Carlotta Morteo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
La gigafactory, près de Berlin, le 1er novembre 2023. Le constructeur américain Tesla prévoit d'étendre son usine en doublant la capacité de production à un million de véhicules par an. (HANNIBAL HANSCHKE / MAXPPP)

Elon Musk avait choisi l'Allemagne pour implanter sa gigafactory "Europe", une usine Tesla qui a ouvert en 2022 près de Berlin. Depuis, le nombre des ventes automobiles s'envole et les objectifs de production augmentent sans cesse. Le deuxième constructeur mondial de véhicules électriques, derrière le chinois BYD, veut même agrandir son site et doubler sa production. Mais c'est sans compter sur une opposition écologiste locale, très virulente, qui vient de saboter un pylône électrique, mettant l'usine à l'arrêt depuis mardi 5 mars.

Parallèlement, les employés de la marque en Suède sont en grève depuis le 27 octobre. En refusant de signer une convention collective fixant notamment un salaire minimum aux ouvriers, Elon Musk a vu le mouvement gagner tout le pays depuis quatre mois. Dans ce pays très syndiqué, d'autres secteurs boycottent la marque en signe de solidarité, les blocages ont même dépassé les frontières de la Suède, atteignant la Norvège, la Finlande et le Danemark.

En Allemagne, un camp d'opposants écologistes installé dans la forêt jouxtant l'usine

En Allemagne, la seule gigafactory européenne du géant américain, située près de Berlin, est à l’arrêt depuis mardi. Un incendie volontaire a visé un pylône électrique. Ce sabotage, revendiqué par un groupe d’extrême gauche, a privé l’usine de courant et paralyse donc la production. Le groupuscule baptisé Vulkangruppe dans son courrier de revendication, s’en prend à Tesla, "qui mange de la terre, des ressources et des hommes", pour produire, "6000 SUV, machines à tuer et monster trucks par semaine". L’attaque survient alors que le fabricant souhaite agrandir son usine pour doubler sa production et atteindre un million de véhicules par an. Les travaux nécessiteraient l’abattage d’une centaine d’hectares de forêt de pins. Les opposants estiment que le projet menace de polluer la nappe phréatique et qu’il met en péril l’alimentation de la région en eau potable.

Pour Tesla, le bilan est lourd. Les 12 000 salariés de l’usine de Grünheide sont au chômage technique. La production du Model Y, le célèbre SUV électrique, champion des ventes en Europe, ne devrait pas reprendre avant plusieurs jours. Le constructeur américain estime le préjudice à plusieurs centaines de millions d’euros.

Tesla traverse un moment difficile, car son usine allemande cumule les déboires depuis quelques semaines. Début février, le groupe a dû suspendre son activité pendant 15 jours, à cause des attaques contre les cargos en mer Rouge qui ralentissait l’approvisionnement en matières premières. Ensuite, il y a deux semaines, les habitants de Grünheide, la commune où est implanté Tesla, ont voté contre l’extension de l’usine. Et depuis jeudi dernier, ces habitants sont soutenus par une petite centaine de militants écologistes, qui ont installé un campement à 300 mètres de l’usine, avec des cabanes perchées dans la forêt de pins pour empêcher le déboisement.

En Suède, Tesla contourne les blocages et le mouvement s'essoufle

En Suède, la grève s'enlise : le conflit social qui oppose une partie des salariés de Tesla au géant américain dure depuis quatre mois, le plus long conflit social que la Suède ait connu depuis 80 ans. Aujourd'hui, un tiers seulement des mécaniciens dans les ateliers et concessionnaires Tesla sont encore en grève, et la stratégie de boycott qui touche d’autres secteurs (électriciens, ramassage des ordures, distribution du courrier etc..) ne porte pas ses fruits.

Tesla parvient à contourner tous ces blocages : l’entreprise est en train d’agrandir ses propres ateliers de réparation, embauche de nouveaux mécaniciens. Comme les dockeurs danois, finlandais et norvégiens ne déchargent plus les Tesla dans les ports, elle a dérouté ses conteneurs pour acheminer les véhicules par la route. Elle cherche également une autre source d’approvisionnement à ses composants en aluminium faits en Suède.

Un modèle national remis en cause

Certains garages solidaires se plaignent d’avoir perdu 50% de leurs revenus depuis qu’ils refusent de réparer des Tesla. Mais il y a un essoufflement du mouvement, et même si toutes ces entraves coûtent cher à Tesla et lui font mauvaise presse, cela ne l’empêche pas de travailler. D’ailleurs les ventes de Tesla continuent d’augmenter.

Pour autant, les grévistes pensent que d’autres mesures sont encore possibles, que les boycott peuvent s’étendre davantage. Le syndicat If Metall dit avoir les moyens financiers de continuer encore pendant "des années". Le choc est frontal : Tesla étant par principe opposé aux accords de branche, elle ne veut pas créer de précédent, tandis que pour le syndicat, laisser faire Tesla, c’est mettre en péril tout le modèle social suédois. D'ailleurs, ce modèle fondé sur les négociations collectives reste populaire, la grève bénéficie encore d'un taux d’opinion très favorable : 60 à 70% des Suédois disent la soutenir. Mais pour que le géant américain s’assoit à la table des négociations, il faudrait peut-être une conflagration européenne, voire mondiale. Tesla a visiblement les moyens d’ignorer les revendications des travailleurs.

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