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Sécheresse : comment les États-Unis et le Mexique luttent contre le manque d'eau

Dans "Le Club des correspondants", franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction la côte ouest des États-Unis et Monterrey au Mexique, deux territoires confrontés à un climat très sec.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuelle Steels - Loïc Loury
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des habitants de Monterrey (Mexique) font la queue pour obtenir de l'eau potable, le 8 juin 2022. (JULIO CESAR AGUILAR / AFP)

En cette semaine de très forte chaleur et dans la perspective d'un été très pauvre en pluies, les entreprises françaises de l'eau appellent, mardi 14 juin, les usagers à la "sobriété". Dans le Sud-Est, les pompiers se préparent à une saison estivale particulièrement difficile. Quelles sont les mesures prises ailleurs dans le monde pour faire face à ce manque d'eau, conséquence du réchauffement climatique ? Réponse aux États-Unis et au Mexique.

La Californie envisage une interdiction totale de l'arrosage

Aux États-Unis, le lac Powell, le deuxième plus grand réservoir du pays, est à son plus bas niveau depuis sa création en 1963. L'État de Californie où il se trouve est à 97% en état de sécheresse plus ou moins avancé, 12% du territoire est même classé en "sécheresse exceptionnelle", le plus haut niveau. Au début de l’année, ce taux était de 0%. L'inquiétude monte avant l'été.

Il n’y a quasiment eu aucune précipitation en janvier, février et mars. C’est pendant l’hiver que la Californie fait ses réserves de neige sur les montagnes de la Sierra. Neige qui, quand elle fond, descend vers les centaines de réservoirs du Golden State qui alimentent ensuite en eau des millions de Californiens. Sauf que ces réserves de neige sont à moins de 40% de leur niveau habituel. Et les réservoirs sont, eux, déjà en dessous de leur capacité habituelle.

Le lac d’Oroville, le plus grand réservoir de Californie, est à 55% et le lac Shasta à son plus bas niveau depuis 1976. Ce n’est pas un phénomène propre à 2022. On parle, en Californie, de "mégasécheresse". Les deux premières décennies du 21e siècle seraient les plus sèches des 1 200 dernières années dans l'Ouest du pays. Une conséquence, en partie, due réchauffement climatique.

Le gouvernement californien a réduit la quantité d’eau attribuée aux agences qui la distribuent. Ces agences ont donc à leur tour dû prendre certaines décisions. Depuis le 1er juin, six millions de Californiens sont soumis à des restrictions. Dans plusieurs comtés du sud de la Californie, l’arrosage des pelouses est limité à huit minutes deux fois par semaine, sous peine d’amende et parfois après dénonciation de son voisin. Les jours sont déterminés en fonction de votre adresse, le lundi et le mercredi si vous vivez à un numéro pair par exemple. Si ces mesures ne suffisent pas, les autorités se réservent le droit d’interdire totalement l’arrosage à partir de septembre.

À celles et ceux qui se plaignent que leur pelouse verte risque de ne pas le rester, le directeur du Metropolitan Water District, la plus grande agence du sud de la Californie, répond : "Nous n’avons plus les moyens de nous offrir des pelouses vertes". L’été dernier, le gouverneur de Californie a demandé aux habitants d’économiser 15% de leur consommation d’eau. Cette consommation a augmenté de 18% entre avril 2021 et avril 2022. L’appel n’a pas été entendu et le gouverneur pourrait passer de la suggestion à l’obligation. Ce qu’avait fait son prédécesseur.

La Californie a de hautes ambitions en matière d’énergies renouvelables. Elle vise la neutralité carbone d’ici 2045. Et le Golden State s’appuie en partie sur l’hydroélectricité pour lui fournir environ 15% de son énergie. Évidemment, c’est plus compliqué en période de sécheresse. Ce taux pourrait descendre à 8% cet été. Or, on s’attend à des températures très élevées. Les Californiens pourraient alors forcer sur la climatisation avec le risque de blackout. Et puis, l’agriculture, on l’oublie, reste un secteur très important de l’économie locale. Elle fait des efforts de conservation d’eau depuis des années. Certaines cultures sont parfois abandonnées, comme la production d'amandes, et des agriculteurs préviennent que des produits manqueront peut-être dans les supermarchés à l’automne.

À Monterrey, au Mexique, des coupures d'eau quotidiennes

Au Mexique également, la sécheresse sévit dans le nord du pays. À Monterrey, à deux heures de la frontière avec les États-Unis et pôle industriel important, l’eau est rationnée. Des coupures d’eau ont été instaurées pendant la majeure partie de la journée. La deuxième ville du Mexique, avec plus de cinq millions d’habitants, est actuellement assoiffée. Elle vit la plus grave sécheresse des 35 dernières années et les comparaisons sont relatives car la pression démographique est aujourd’hui beaucoup plus importante qu'il y a trois décennies.

Depuis dix jours, les habitants n’ont accès à l’eau courante que six heures par jour, entre quatre et dix heures du matin. Ils font donc des réserves, remplissent des seaux d’eau pour subvenir à leurs besoins de la journée. Et il est interdit, sous peine d’amende, d’arroser les jardins ou de laver les voitures avec de l’eau potable. Les coupures d’eau devraient se maintenir pendant les prochaines semaines, à moins que les pluies intenses ne viennent abreuver la région. Mais le plus probable est que les précipitations tardent encore, alors que les températures avoisineront les 40 degrés en été.

En ce moment, les grands réservoirs d’eau de Monterrey sont à des niveaux historiquement bas, à moins de 10% de leur capacité. Et comme la ville concentre un grand nombre d’industries, notamment plusieurs brasseries qui ont signé des concessions d’eau importantes, celles-ci doivent aussi céder une partie de leurs réserves d’eau pour contribuer à l’effort commun.   

C’est une sécheresse historique mais le phénomène n’est pas neuf. Cela fait plusieurs années que le Mexique est en alerte à cause de la sécheresse. Depuis 2015, les précipitations sont en-deçà de leur niveau moyen. Et sous l’effet conjugué de l’absence de pluies et des vagues de chaleur atypiques, les réserves s’épuisent. Les spécialistes pointent le manque de prévision des autorités, qui ont vu les effets de la sécheresse se manifester graduellement au cours des dernières années et auraient pu anticiper les conséquences catastrophiques de cette année.

Le Mexique est désormais confronté à l’existence d’un trafic d’eau pour la vente clandestine : de l’eau potable est utilisée dans les campagnes pour sauver les cultures. L’été ici est une saison chaude mais c’est aussi la saison des pluies et les Mexicains prient pour que celle-ci fasse honneur à son nom et amène effectivement des précipitations en quantité.

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