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Le système de retraite en Suisse, au Japon et en Bulgarie

Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue depuis l'étranger. Aujourd'hui, direction la Suisse, le Japon et la Bulgarie, où le système de retraite fait débat.

Article rédigé par franceinfo - Jérémie Lanche, Karyn Nishimura et Damian Vodénitcharov
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une affiche électorale contre la réforme de la pension de vieillesse avant un référendum national, à Lausanne en Suisse, le 28 août 2022. (FABRICE COFFRINI / AFP)

En France, la Première ministre a demandé au ministre du Travail "d'engager dès la semaine prochaine" des discussions sur la réforme des retraites avec les organisations patronales et syndicales, ainsi qu'avec les "groupes parlementaires". Direction la Suisse, le Japon et la Bulgarie.

En Suisse, l'âge de départ à la retraite des femmes aligné sur celui des hommes

La retraite à 65 ans est déjà appliquée en Suisse. Enfin pour les hommes. Parce que les femmes, jusqu’à présent, avaient le droit de partir à 64 ans. Mais c’est terminé depuis le dimanche 25 septembre. Les Suisses ont voté pour aligner leur âge de départ sur celui des hommes. Et c’est passé ric-rac avec 50,6 % de oui à la réforme. La principale conséquence, c’est que les femmes devront travailler un an de plus. Condition indispensable, disait Berne pour stabiliser le système des retraites, qui n’a pas changé depuis 1995.

Ça ne veut pas dire que les gouvernements n’ont pas essayé de faire des réformes des retraites depuis. Mais les Suisses ont toujours refusé, dans les urnes, qu’on touche au système dit des trois piliers. Le premier pilier, c’est la prévoyance par répartition à la française, versée par l’État. Le deuxième, c’est la prévoyance professionnelle, pour laquelle l’employeur et le salarié cotisent à 50-50. Et le troisième pilier, pour ceux qui en ont les moyens, c’est la prévoyance par capitalisation. Totalement facultative.

La réforme ne change pas l’architecture de ce système. Mais elle fait reposer, c’est vrai, l’effort pour le maintenir à flot sur le dos des femmes.

La structure du vote peut interroger parce que si les hommes ont largement dit oui à la réforme, les femmes l’ont en général refusé. Dans un pays qui ne brille pas par l’égalité homme-femme, c’est ce que rappelle sur les ondes de la Radio Télévision Suisse (RTS) la syndicaliste Silvia Locatelli : "C'est un coup de canif dans la prévoyance globale. C'est un résultat extrêmement clivant parce que je rappelle que si on rejoint peut être le reste de l'Europe, nous sommes aussi extrêmement mal placés dans les inégalités salariales entre hommes et femmes." Une chose extrêmement rare, un lendemain de vote en Suisse : des centaines de femmes ont manifesté devant le siège du gouvernement à Berne. Elles appellent déjà à une nouvelle grève féministe en 2023.

Au Japon, de la moitié des personnes qui ont entre 60 et 70 ans travaillent

Nous partons au Japon, pays qui affronte un très rapide et irréversible mouvement de vieillissement de la population, ce qui a bien sûr des conséquences sur le système de retraite. Le système japonais est bâti sur trois étages, dont deux par répartition. Le premier étage comprend une retraite de base universelle, perçue par tous les travailleurs retraités, calculée en fonction du nombre d’années de cotisation, mais indépendamment du revenu perçu antérieurement. Le deuxième étage, toujours essentiellement par répartition, concerne les salariés du public et du privé. Il s’agit d’une pension complémentaire calculée elle en fonction du salaire antérieur. S’y ajoute enfin pour certains un troisième étage, par capitalisation facultative, gérée par les entreprises.

Face au vieillissement de sa population, le Japon s’adapte. C’est d’abord par la bonne grâce des citoyens. Même si un tiers de la population japonaise a plus de 65 ans, cela ne signifie pas qu’un tiers des habitants du Japon sont à la retraite. En fait, les Japonais acceptent volontiers de travailler plus longtemps et les entreprises sont forcées par la loi de leur proposer des contrats de travail au-delà de 65 ans, ce qui permet à ces sexagénaires ou même septuagénaires de choisir de continuer de travailler s’ils le veulent. Si bien que plus de la moitié des personnes qui ont entre 60 et 70 ans travaillent, même si la retraite peut être prise à partir de 60 ou 62 ans, un âge légal qui sera repoussé à 65 ans en 2025. La clef est dans ce volontariat des salariés.

En Bulgarie, une population vieillissante et précaire

Des législatives anticipées se tiendront en Bulgarie dimanche 2 octobre. Et les retraités font partie des électeurs très convoités par les partis politiques. La population bulgare s'amenuise. En un peu moins de 40 ans, la Bulgarie a perdu près de 2,5 millions de personnes. Les personnes âgées se disent déçues par les promesses non tenues. Elles votent de moins en moins. Le taux de participation des électeurs de plus de 65 ans a reculé de 5% entre 2017 et 2021. Aujourd'hui, ce sont environ 40% des personnes à la retraite qui préfèrent s'abstenir. Ce sont des électeurs très convoités parce que les retraités représentent un tiers de l'électorat du pays, soit à peu près deux millions de personnes. Ce phénomène est dû à un vieillissement de la population et à ce que les sociologues appellent la crise démographique. Et en ce qui concerne les politiques, amadouer les personnes âgées devient carrément une nécessité puisqu'elle demeure très active lors des élections, malgré leur déception.

Une fois les politiques élus à leurs postes, les réformes des retraites sont extrêmement laborieuses. Les augmentations sont souvent risibles : on parle de 10-15%, mais par rapport à une pension minimale de 230 euros, cela donne une vingtaine d'euros. 800 000 personnes à la retraite touchent la pension minimum, qui les place quasiment au-dessous du seuil de pauvreté. D'ailleurs, en 2021 la différence entre le seuil de pauvreté et la retraite minimum était de 50 centimes d'euros. En ajoutant l'inflation record de 17% cette année, une grande partie des retraités bulgares vivent désormais dans la précarité absolue.

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