Le choléra augmente dans le monde et la situation au Kenya inquiète les autorités

Avec 700 000 cas en 2023, l'OMS tire la sonnette d'alarme. Au Kenya, des dizaines de cas ont été recensées après les inondations qui ont touché le pays et entraîné des problèmes d'accès à l'eau potable.
Article rédigé par franceinfo, Jérémie Lanche - Albane Thirouard
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une femme porte un bidon d'eau potable à Nairobi, le 20 mars 2024. Le choléra prospère quand il y a un problème d’accès à l’eau potable, comme au Kenya, où les autorités s'inquiètent d'une résurgence de la maladie. (DANIEL IRUNGU / EPA / AFP)

En France, une petite fille de trois ans est morte du choléra à Mayotte, ont annoncé l'Agence régionale de santé et la préfecture dans un communiqué, mercredi 8 mai 2024. Une soixantaine de personnes sont contaminées. Très rare en France, le choléra est en nette augmentation sur la planète : 473 000 cas en 2022, 700 000 en 2023, de quoi mettre en alerte l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les chiffres ne sont pas bons, rien qu’au mois de mars, on compte 25 000 nouveaux cas dans 16 pays sur 24 actuellement touchés par la maladie. Parmi eux, l'Éthiopie, la Somalie, le Soudan ou encore Zimbabwe. Selon l'OMS, 44 cas de choléra ont été recensés dans le comté de Tana River, région de l'est du Kenya, parmi les plus durement touchées par les inondations, l'ONU a exprimé son inquiétude mercredi.

Ces pays sont touchés de plein fouet par des sécheresses ou des inondations, des épisodes de plus en plus fréquents avec le réchauffement. Un environnement favorable au développement du choléra, ou plutôt le bacille qui est responsable de la maladie, et prospère quand il y a un problème d’accès à l’eau potable. C’est une certitude, d’autres régions vont être touchées avant la fin de l’année, explique le Dr Philippe Barboza de l’OMS. "Les conflits n’arrangent rien, c’est ce qui explique pourquoi le choléra est aussi présent à Haïti, en RDC et en Syrie", explique-t-il. "Et encore, tous les chiffres qu’on a donnés ne concernent que les cas rapportés. Le choléra est considéré comme une maladie des pays pauvres, elle est souvent passée sous silence. C’est la septième épidémie de choléra que le monde a connue et elle dure depuis plus de 50 ans", poursuit le Dr Barboza.

Une forte demande et peu de vaccins

La majeure partie des personnes infectées n’ont aucun symptôme et pour ceux qui en ont, des sels de réhydratation suffisent la plupart du temps pour guérir. Mais pour les prendre, il faut avoir de l’eau potable et c’est bien parce que l’eau potable manque que les personnes tombent malades. D’où l’intérêt d’avoir des vaccins. Mais il n’y en pas beaucoup, trois jusqu’à présent, et même deux depuis cette année, l’un des fabricants a arrêté la production en 2023, parce qu'elle n'était pas assez rentable. Il y a quelques semaines, l’OMS a donné son feu vert à une version simplifiée d’un des vaccins pour regonfler un peu les stocks, mais ils sont quand même très bas. La demande explose à tel point que l’OMS préconise maintenant d’administrer une seule dose de vaccin au lieu de deux. Juste pour pouvoir vacciner plus de personnes.

Au Kenya, les autorités craignent une résurgence de la maladie

Au Kenya, la menace du choléra plane également, après des inondations destructrices qui ont tué plus de 250 personnes. La saison des pluies est marquée par de fortes précipitations, amplifiées par le phénomène climatique El Niño. Les pluies ont déplacé plus de 50 000 ménages. À Nairobi, dans ces conditions, les autorités sont sur le qui-vive pour une résurgence de la maladie. Quarante cas de choléra ont déjà été constatés dans le comté de la rivière Tana, une région de l’est du Kenya, qui est parmi les plus touchées par les inondations. La ministre déléguée à la santé a prévenu que le pays pourrait faire face à un désastre si la situation n’est pas contenue à temps. D’autant qu’une soixantaine d’établissements de santé ont été endommagés par les fortes pluies, d’après le gouvernement.
 
La maladie est aujourd’hui "une source d’inquiétude de santé publique" pour George Wambugu, en charge des activités médicales pour Médecins sans frontières au Kenya. Voici le constat qu’il dresse sur les camps où sont accueillis les déplacés : "Ces camps sont surpeuplés, offrent peu d’endroits pour se laver les mains et présentent des risques sanitaires pour les populations qui y vivent", explique-t-il. "Les habitants n’ont pas d’accès à une eau potable, pas accès à une nourriture saine, d’autres n’avaient pas de nourriture du tout. Certains camps ont de mauvaises installations sanitaires, qui ne sont pas propres ou se retrouvent vite bloquées. C’est un constat qui nous a d’ailleurs poussés à y installer des toilettes mobiles", poursuit George Wambugu.

Une crise humanitaire se profile

L’inquiétude est particulièrement élevée dans les bidonvilles de Nairobi. Qui sont, d’ordinaire déjà, propices au développement de maladies liées à l’eau. Ces dernières semaines, ils ont beaucoup souffert des inondations, notamment celui de Mathare dans l’est de la capitale. Le week-end dernier, les autorités y ont détruit des habitations qui se trouvaient dans des zones inondables pour évacuer de force les habitants, mais beaucoup se sont retrouvés à la rue.

D’après l’Organisation mondiale de la santé, qui a annoncé travailler avec les autorités, un centre des opérations à Nairobi surveille en effet la situation. Des camps médicaux ont été mis en place pour remplacer les infrastructures qui ont été détruites. Le président William Ruto a aussi promis une aide financière pour que les déplacés de la capitale puissent se reloger. Mais beaucoup la jugent insuffisante, et certains s’alarment d’une crise humanitaire qui se profile suite à ces inondations. Au-delà du choléra, il y a aussi des risques de paludisme, car les pluies entraînent des eaux stagnantes qui favorisent la reproduction des moustiques. D’après l’ONU, il y a plus de 5 000 têtes de bétail qui ont été tuées par les eaux, plus de 10 000 hectares de terres agricoles qui ont été dévastés. Tout ça peut avoir des conséquences dramatiques sur la sécurité alimentaire.

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