La démocratie menacée en Turquie, au Nicaragua et à Hong Kong
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde.
Direction Hong Kong, le Nicaragua et la Turquie où l'État de droit est fortement remis en cause.
En Turquie, le parti pro-kurde en sursis
En Turquie, les atteintes à l’État de droit sont quotidiennes, et elles vont de plus en plus loin. Le premier à en faire les frais, c’est le parti pro-kurde, le HDP, dont des milliers de cadres et de militants sont actuellement emprisonnés et qui pourrait bientôt être interdit par la justice. Le sort du HDP est actuellement entre les mains de la Cour constitutionnelle.
La Cour a accepté en début de semaine d’ouvrir un procès contre ce parti qui est, rappelons-le, la deuxième force d’opposition au sein du Parlement. Le ministère public, à l’origine de la plainte, l’accuse d’être affilié au PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, qui lui n’est pas un parti mais un groupe armé classé comme terroriste. En réalité, c’est le président Recep Tayyip Erdogan et son allié, le parti ultranationaliste MHP, qui ont exigé ce procès. Non seulement le HDP risque d’être interdit d’ici quelques mois, mais le parquet a aussi demandé que 451 de ses membres soient interdits de vie politique... Ceci pour paralyser le mouvement politique kurde et compliquer la création d’un éventuel nouveau parti.
Pour comprendre pourquoi le HDP est devenu une cible, il faut remonter aux élections législatives de juin 2015. Le parti de Recep Tayyip Erdogan, l’AKP, avait perdu sa majorité absolue au Parlement en grande partie à cause des succès du HDP. Le président avait toutefois obtenu l’organisation d’un nouveau scrutin, en novembre 2015, qui lui avait permis de récupérer sa majorité absolue. Cet épisode a eu pour effet de mettre fin à des pourparlers de paix avec le PKK et de sceller l’alliance entre l’AKP et le MHP. Aujourd’hui en grande difficulté dans les sondages, Recep Tayyip Erdogan veut absolument éviter un scénario similaire aux élections de juin 2023. En s’attaquant au HDP, il espère non seulement le mettre hors d’état de lui nuire, mais aussi diviser le bloc d’opposition en le forçant à se positionner pour ou contre l’interdiction du parti pro-kurde.
Au Nicaragua, Daniel Ortega s'accroche au pouvoir
La démocratie est aussi en danger au Nicaragua, où Daniel Ortega fait le ménage parmi ses opposants. Dix-neuf d’entre eux ont été arrêtés au cours des dernières semaines. Ortega, ancien leader de la révolution sandiniste de 1979, les accuse de vouloir déstabiliser son gouvernement. Parmi les critiques du régime qui sont emprisonnés, il y a cinq précandidats à l’élection présidentielle de novembre. Ces arrestations tombent à point pour Daniel Ortega, qui briguera un quatrième mandat consécutif en novembre.
L’homme fort de la révolution sandiniste s’accroche au pouvoir et ces arrestations sont interprétées comme autant de manœuvres pour s’assurer la voie libre vers une réélection. Ortega s’en est d’abord pris à la favorite dans les sondages : Cristiana Chamorro, la fille de l’ancienne présidente Violeta Chamorro. Elle a été assignée à résidence accusée de blanchiment d’argent. Quatre autres pré-candidats, mais aussi des figures de proue de l’opposition, des journalistes, et d’anciens militants sandinistes sont tombés dans les filets de la police d’Ortega. Le président dispose de tout un arsenal juridique approuvé sur mesure pour le maintenir au pouvoir. Ses opposants sont notamment accusés d’incitation à une intervention étrangère contre la souveraineté du pays.
Cette vague d’arrestations s’inscrit dans la lignée de la répression des manifestations contre Ortega en 2018. À l’époque la rébellion citoyenne avait été brutalement écrasée, avec plus de 300 morts dans les rangs des manifestants. Depuis lors, le régime n’a cessé de pourchasser les voix critiques. Il y a deux jours, le président a publiquement défendu les arrestations. Et comme en 2018, son discours prend une tournure paranoïaque : selon Ortega, ce ne sont pas des opposants mais des criminels qui planifient un coup d’Etat. Face à cette escalade autoritaire, les réactions internationales s’intensifient. Cinquante-neuf pays ont signé sous l’égide des Nations unies une déclaration condamnant la répression au Nicaragua.
À Hong Kong, Pékin ne relâche pas la pression
Plusieurs dates symboliques approchent et en particulier le premier anniversaire de la nouvelle loi draconienne de sécurité nationale, imposée par Pékin et adoptée le 30 juin dernier. Il semble que la Chine ne relâche pas la pression sur sa région administrative spéciale. Les dernières 48 heures ont été particulièrement chargées en mauvaises nouvelles pour Hong Kong, avec la fermeture du Apple Daily - le plus grand journal d’opposition a sorti son dernier numéro jeudi - et le premier procès sous la loi de sécurité nationale.
Pour continuer dans l’idée du resserrement sécuritaire, on vient également d’apprendre vendredi un remaniement ministériel. L'ancien préfet de police, Chris Tang, qui est l’un des hommes les moins populaires de Hong Kong, a été promu ministre de la Sécurité. Celui qui est ministre de la sécurité, John Lee, également très impopulaire, vient quant à lui d’être carrément promu secrétaire en chef, c’est-dire numéro deux du gouvernement, le bras droit de la cheffe de l’exécutif Carrie Lam.
Hong Kong se retrouve en somme avec des policiers dans deux des trois postes les plus stratégiques du gouvernement. C’est avec un mélange d’effroi et d’ahurissement que les Hong Kongais ont réagi à ces annonces. Un sentiment aggravé quand on entend la réponse d’une députée du camp pro-Pékin à qui les journalistes ont demandé cet après-midi si elle ne trouvait pas qu’avec ce remaniement le gouvernement ne commençait pas avoir sérieusement des allures d’État policier, "a State police" : "Je ne vois pas où le problème." Cette réponse en dit long hélas de là où on en est à Hong Kong des libertés fondamentales…
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