Fin de vie : les lois en Autriche et aux Pays-Bas

En Europe, les Pays-Bas ont été le premier pays à autoriser l'euthanasie active et le suicide assisté en 2001, et en Autriche, le suicide assisté est légal également depuis 2022. Nos correspondants nous détaillent ces législations.
Article rédigé par Pierre Benazet, Isaure Hiace
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Les lois sur le suicide assisté varient en Europe d'une forme passive qui va du refus à l'arrêt de traitement. Photo d'illustration. (SUKANYA SITTHIKONGSAK / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Emmanuel Macron a détaillé, dimanche 10 mars 2024, les contours du projet de loi sur la fin de vie, proposant une "aide à mourir", un modèle à la française, alors que beaucoup de pays de l'Union européenne autorisent une forme passive qui va du refus à l'arrêt de traitement. Les Pays-Bas ont été le premier pays au monde à voter dès avril 2001 la loi rendant possible l'euthanasie active et le suicide assisté. Quant à l'Autriche, elle a légalisé le suicide assisté fin 2021, suite à une décision de la Cour constitutionnelle autrichienne.

Pays-Bas : Une loi qui "excuse", mais ne dépénalise pas

Aux Pays-Bas, 8 720 euthanasies et suicides assistés ont eu lieu en 2022. Le pays vote, dès avril 2001, la loi rendant possible l'euthanasie active et le suicide assisté. Lors des débats parlementaires de l'époque, à la deuxième chambre des États généraux, plusieurs partis avaient estimé que cette dépénalisation permettrait en partie de sortir de l'hypocrisie. Certains affirmaient que la pratique était fréquente depuis les années 80 et il y avait même un article de la loi sur les pompes funèbres qui instituait un formulaire à remplir par le médecin et devait être transmis à la justice pour statuer sur la question d'une demande expresse du patient décédé.

Mais la loi néerlandaise de 2001 sur la "demande et l'aide au suicide", ne dépénalise pas expressément, elle "excuse" l'acte s'il est fait dans les règles. Le code pénal néerlandais a été modifié au même moment et il prévoit toujours 12 ans de prison pour celui qui ôte la vie à quelqu'un à sa demande "expresse et sincère". Mais le paragraphe suivant de cet article stipule que les faits ne sont pas punissables, s'ils sont pratiqués par un médecin qui suit les critères institués par la loi sur l'interruption de la vie.

Il y avait six critères légaux définis à l'époque. D'abord, le fait que le patient devait être majeur, qu'il devait avoir fait des demandes expresses et répétées, que ses souffrances soient insupportables et qu'il n'y ait pas de perspectives d'amélioration. Ensuite, qu'un médecin indépendant soit consulté, que le patient soit totalement informé de son état et des évolutions de sa maladie, et que le médecin pratique lui-même l'euthanasie ou soit présent pour aider un patient qui voudrait y procéder lui-même.

Un élargissement en 2023

Mais c'était il y a plus de 20 ans et ces critères ont changé aux Pays-Bas. Désormais, une demande d'euthanasie peut être faite par des mineurs, si les autres conditions sont respectées. Depuis 2023, les moins de 12 ans sont aussi concernés, mais il faut que ce soient des enfants atteints d'une maladie incurable, qui souffrent désespérément et de manière insupportable, et pour lesquels les options de soins palliatifs ne sont pas suffisantes pour atténuer les souffrances. Selon le ministère de la Santé cela concernerait potentiellement entre cinq et dix enfants chaque année.

Autriche : un délai de 12 semaines pour s'assurer du choix du patient

En décembre 2020, la Cour constitutionnelle a censuré un article du code pénal qui prévoyait de punir d'une peine allant jusqu'à cinq ans de prison toute personne "qui fournit de l'aide" au suicide, estimant que cela était contraire au principe de libre-arbitre. Dans leur censure, les juges donnaient au gouvernement autrichien jusqu'à fin 2021 pour réguler l'aide au suicide. C'est donc pour cette raison que le gouvernement écolo-conservateur s'est penché sur le sujet et a présenté une loi légalisant le suicide assisté pour les personnes atteintes d'une maladie grave ou incurable. La loi a été votée au Parlement fin 2021 et est entrée en vigueur au début de l'année 2022.

Aujourd'hui, en Autriche, les personnes atteintes de maladies graves ou incurables, qui sont majeures et capables de prendre une décision, peuvent bénéficier d'une aide pour mettre fin à leurs jours. Mais les exigences sont strictes. La loi stipule que chaque cas doit être évalué par deux médecins, dont l'un doit être qualifié en médecine palliative. Au moins 12 semaines doivent ensuite s'écouler avant que l'accès au suicide assisté ne soit accordé, le but est ici de s'assurer que la demande n'est pas due à une crise temporaire. Ce délai obligatoire est raccourci à deux semaines pour les patients en phase terminale d'une maladie. Enfin, les directives anticipées de fin de vie, qui sont valables un an, doivent être validées devant un notaire, avant de pouvoir retirer en pharmacie la préparation mortelle.

Des critères trop exigeants pour les associations

Lorsque cette loi a été votée, il n'y a pas eu de grandes protestations en Autriche, pays où l'Église catholique a pourtant un poids important. Tous les partis parlementaires ont validé le texte, à l'exception de l'extrême droite. Aujourd'hui, les critiques se concentrent plutôt sur le fait que la loi ne va pas assez loin. Les critères et exigences imposés sont, dans la pratique, des obstacles trop importants estime la société autrichienne pour une fin de vie humaine. L'association critique par exemple le délai de 12 semaines imposé, jugé trop long, mais aussi le fait que les directives anticipées de fin de vie ne sont valables qu'un an, car le renouvellement annuel, devant un notaire, entraîne des coûts importants. L'association a donc déposé une nouvelle requête auprès de la Cour constitutionnelle, avec l'espoir, à l'avenir, d'entraîner un assouplissement de la loi.

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