Dette publique : alors que l'étau se resserre en Italie, la situation en Grèce s'améliore et le gouvernement espagnol se veut rassurant

Le temps des restrictions budgétaires est-il revenu en Europe ? La croissance est assez faible et une série de pays ont accumulé les dettes, notamment l'Italie et l'Espagne. À l'inverse, la situation de la Grèce ne cesse de s'améliorer. Les explications de nos correspondants.
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Presque tous les pays de la zone euro ont vu leur dette augmentée. (photo d'illustration). (JAVIER GHERSI / MOMENT RF)

L'Europe est prise dans un étau financier. L'endettement des pays explose dans presque tous les pays, en témoigne la situation de la France où le gouvernement est contraint de serrer la vis, pour réaliser 12 milliards d'économies. En Italie, les prévisions de la croissance pour 2024 s'élèvent à 0,7% et la situation appelle des réponses fortes. En Espagne, la dette diminue, mais le pays reste au quatrième rang des pays avec le plus d'endettement. La première place est toujours occupée par la Grèce, mais sa dette primaire s'améliore.

Une croissance plus faible que prévu en Italie

La mauvaise nouvelle est arrivée en février, de la Commission européenne. La prévision de la croissance de 2024 est passée à 0,7%, soit un demi-point de moins que le chiffre sur lequel Rome a construit son budget. Cela représente un trou de 10 milliards d'euros à combler, sachant que la gestion des finances publiques est un sujet majeur, même si les agences de notation n'ont pas dégradé la note du pays en fin d'année 2023.

À 140% du PIB, la dette italienne est la deuxième plus élevée de la zone euro, derrière celle de la Grèce. Quant au déficit de plus de 4%, il expose le gouvernement à des réprimandes de l'Union européenne, étant donné que les règles de bonne tenue des comptes sont de retour après les années de Covid.

Le gouvernement de Giorgia Meloni refuse d'augmenter les impôts et table sur un plan de privatisation, qui pourrait rapporter une vingtaine de milliards sur plusieurs années. Des parts de l'État, dans La Poste, dans le géant de l'énergie et dans les chemins de fer pourraient être cédées, mais cela peut tout au plus contenir le déficit et non résoudre le problème. Une autre piste est la lutte contre l'évasion fiscale qui prive l'État italien de beaucoup de ressources.

Il y a donc urgence, parce que l'une des plus grandes faiblesses de l'Italie est sa démographie. Le pays vieillit et donc le système de retraite coûte particulièrement cher. À cause de cela, l'OSCE anticipe une dette qui bondirait et deviendrait difficilement gérable dans les 20 ans. L'Italie a des décisions difficiles à prendre si elle ne veut pas se trouver confrontée à moyen terme à une crise sérieuse.

En Espagne, le gouvernement se montre rassurant

Certes, à 107,7% du PIB, la dette est élevée, mais au moins, elle descend et son niveau respecte les engagements de Madrid. 107,7%, ce sont quatre dixièmes de moins et donc de mieux, que ce qui était fixé dans le plan budgétaire envoyé en octobre 2023 à Bruxelles. Pour le ministre de l'Économie, Carlos Cuerpo, c'est la preuve, que "la responsabilité fiscale est compatible avec une croissance durable et juste".

Non seulement, c'est compatible, mais en réalité la croissance est la meilleure explication de la baisse relative de la dette espagnole. Le PIB était en hausse de 2,5% en 2023. Donc, même si la dette monte légèrement, elle représente une part moins importante du PIB. Il y a un effet arithmétique dû à la croissance, plus qu'une baisse des dépenses publiques ou une augmentation des recettes.

La Commission européenne, qui n'est pas toujours très tendre avec les pays qui s'endettent lourdement, a pourtant donné son feu vert au plan budgétaire de l'Espagne. Elle l'a cependant accompagné d'avertissements, puisque, pour Bruxelles, la situation fiscale espagnole est un défi très difficile et surtout, la Commission ne voit pas, dit-elle de "stratégie fiscale crédible à moyen terme".

À l'heure actuelle, l'Espagne n'a toujours pas approuvé son budget pour 2024. L'une des difficultés macroéconomiques de l'Espagne tient à ses faiblesses politiques. Le gouvernement n'a pas de majorité absolue stable au Parlement. Il s'appuie sur le Parti socialiste et Sumar, de gauche radicale, les deux composantes de l'exécutif, mais ce n'est pas suffisant. Il doit compléter ces forces par d'autres formations, notamment des indépendantistes catalans. Or, le gouvernement est occupé à négocier une loi d'amnistie avec ces indépendantistes et en attendant, le budget n'avance pas. La ministre des Finances s'est donnée jusqu'à la fin mars pour boucler le dossier et le budget 2023 a été prolongé pour compenser.

En Grèce, la situation s'améliore

La Grèce a connu 10 ans d'enfer économique de 2009 à 2019, mais désormais elle est passée de la pire élève de la zone euro à la meilleure. En 2024, sa dette devrait revenir à 146 % du PIB, selon les données officielles. La situation du pays est, sans nul doute, meilleure qu'il y a 10 ans et la Commission européenne a même cessé sa surveillance du pays en 2022, mettant un terme à 12 ans de mise sous tutelle humiliante. La note de la dette grecque est sortie de la catégorie spéculative pour passer dans la catégorie investissement. Autrement dit, la confiance revient et ce qui attire les investissements, c'est un gage de qualité dans la logique libérale.

Mais ces chiffres cachent une autre réalité, celle d'une embellie somme toute fragile. Les investissements ont créé des emplois, mais uniquement dans le secteur du BTP et du Tourisme qui, à lui seul compte pour 25% dans le PIB du pays. Ces emplois sont, dans leur écrasante majorité, du temps partiel et il n'y a pas d'usines qui s'installent, pas de PME, qui se créent, or, les PME sont la colonne vertébrale de l'économie grecque, ce qui veut dire que ses fondamentaux ne changent pas.

On se base toujours sur la marine marchande, en perte de vitesse depuis peu, et sur le tourisme qui reste très vulnérable, comme on l'a vu avec la crise du Covid et les conflits régionaux. L'inflation dans le pays est l'une des plus élevées de l’euro zone et la précarité est terriblement haute.

La diminution de la dette va surtout aider le pays à emprunter sur les marchés cette année à des taux très intéressants, mais cela sera au prix d'un véritable développement économique et structurel du pays. Or, celui-ci tarde à venir.

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