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Covid-19 : le travail des enfants en hausse en Indonésie, en Malaisie et en Tanzanie en raison de la pandémie

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction l'Indonésie, la Malaisie et la Tanzanie où le travail des enfants a augmenté avec la pandémie de Covid-19.

Article rédigé par franceinfo - Gabrielle Maréchaux et Charlotte Simonart
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des enfants au travail à Kasulu, en Tanzanie, le 28 novembre 2017.  (BERAUD / BSIP VIA AFP)

Le Covid-19 n'a pas fait baisser le travail des enfants en Indonésie, en Malaisie et en Tanzanie, au contraire. En cause : une déscolarisation des enfants. Le nombre d'enfants qui travaillent dans le monde est passé de 152 millions en 2016 à 160 millions, en 2021, en raison de la croissance démographique, des crises et de la pauvreté, selon l'Organisation internationale du travail (OIT) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef).

En Indonésie et en Malaisie, les enfants travaillent plus pendant les crises

Cette réalité semble d’abord paradoxale : alors que bon nombres d’adultes perdaient leur travail en Indonésie comme en Malaisie, des enfants, eux, se sont mis à travailler pendant la pandémie. Lorsqu'on se penche sur l’évolution de ce fléau ces dernières décennies, un phénomène semble invariablement se répéter. Dès qu'un événement appauvrit la population, que ce soit la crise financière asiatique de 1997, le tsunami de 2004, des parents ont tendance à déscolariser leurs enfants pour les faire travailler. La fermeture des écoles en temps de pandémie n’a pu que faciliter cette tendance.

Il est encore difficile de savoir combien d’enfants elle concerne, mais les chercheurs s’accordent sur le chiffre, rien qu’en Indonésie, de 11 millions d’enfants menacés de travailler plutôt que d’aller à l’école. Si ce chiffre inquiète, il désole aussi tous les acteurs de terrain car ces dernières années, ce fléau avait réussi à décroître en Asie du Sud-Est, et avec la pandémie ils craignent de revenir des années en arrière.

Le labeur de ces enfants contribue parfois directement à produire des biens de consommations que nous achetons tous les jours. Cela est particulièrement vrai dans les plantations d’huile de palme. Par une tragique ironie, cette matière première est d’ailleurs utilisée en abondance dans les produits que consomment les petits Français, du lait infantile aux biscuits et pâtes à tartiner. Là encore, il est difficile d’avoir des chiffres précis. L’Organisation internationale du Travail parle d'un million et demi d’enfants travaillant dans le secteur agricole indonésien en général, au sein duquel l’huile de palme est l’une des cultures les plus importantes. 
Il faut aussi avoir en tête qu’un enfant sur deux en Indonésie n’a pas de certificat de naissance, il est donc très difficile de surveiller leur devenir. 

En Malaisie, les plantations d’huile de palme exploitent, elles, des enfants majoritairement étrangers, venus souvent clandestinement avec leurs parents. Ils passent donc encore plus sous les radars officiels. Cette inconnue sur le nombre exact est d’ailleurs très symptomatique du problème : les enfants ne sont pas employés directement par les propriétaires des plantations, ils viennent gratuitement aider leurs parents à accomplir les objectifs fixés. Et ce, même dans les plantations qui revendiquent un label "équitable" assure une enquête d’Associated Press. Car lorsque les plantations sont inspectées, les enfants restent chez eux. 

En Tanzanie, les jeunes filles particulièrement menacées

L’Afrique subsaharienne est l’une des régions du monde les plus concernées par le travail des enfants. On estime qu’un enfant sur cinq travaille sur le continent. En Afrique de l’Est, la situation est particulièrement problématique en Tanzanie, où 70% des enfants de 5 à 17 ans travaillent. Ces chiffres repartent à la hausse pour la première fois depuis 20 ans en raison de la pandémie et de ses conséquences économiques comme dans beaucoup de pays.

Le sort des fillettes inquiète particulièrement les organisations de défense des droits des enfants. Une fille sur trois subit des agressions sexuelles avant l’âge de 18 ans, parmi d’autres formes de violences et d’harcèlements qu’elles endurent. Une réalité invisible car cela se passe en général sur leur lieu de travail. Elles sont domestiques, femmes de ménage, cuisinières. Mais aussi petites mains dans les mines ou encore dans les champs de tabac pour récolter les feuilles sous un soleil de plomb. Tout cela dans des conditions de travail souvent dangereuses.

La pauvreté des foyers tanzaniens explique ce phénomène en grande partie car 80% des Tanzaniens vivent avec moins de deux dollars par jour. Et ils comptent sur leurs enfants comme source de revenus.

Mais les jeunes filles sont aussi victimes d’une mentalité sexiste profondément ancrée dans la société tanzanienne. Elles sont considérées comme inférieures aux garçons et la société leur assigne des rôles bien spécifiques, comme tenir une maison ou encore participer aux frais du foyer, explique l’ONG Plan International. C’est ainsi qu’elles exercent une activité professionnelle souvent à leur domicile au lieu d’aller à l’école. Une véritable exploitation banalisée dans le pays à laquelle il faut apporter des réponses législatives mais surtout faire un travail de sensibilisation pour changer les mentalités.

Samia Suluhu, présidente arrivée à la tête de l'État tanzanien en mars 2021, marque un virage politique majeur en Tanzanie. Elle a déjà féminisé le gouvernement et les postes politiques clés et suscite beaucoup d’espoir. Notamment pour les jeunes filles enceintes ou les mères adolescentes qui sont exclues de l’école publique par la loi tanzanienne. Le nouveau gouvernement promet aujourd’hui des collèges spécialisés pour ces étudiantes. Un pas positif mais pas encore de révolution annoncée en faveur de l’éducation des jeunes filles. 

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