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Corruption en politique : comment traite-t-on le problème en Europe du Nord et en Malaisie ?

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction l'Europe du Nord et la Malaisie pour faire le point sur la lutte contre la corruption.

Article rédigé par franceinfo - Frédéric Faux, Gabrielle Maréchaux
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Des manifestants en Malaisie qui tiennent des pancartes à l'effigie d'Azam Baki, chef de l'agence anti-corruption lui-même accusé de corruption, le 22 janvier 2022. (ARIF KARTONO / AFP)

Les institutions françaises ne sont pas épargnées par la corruption, d'après l'ONG Transparency International qui publie son classement 2021 des pays où le phénomène est le plus perceptible. La France grapille une place par rapport à 2020 pour arriver à la 22e position sur 180 pays étudiés, avec un score de 71 sur 100, mais l'Hexagone stagne autour de la 20e place depuis dix ans. L'ONG souligne des reculs notables dans la lutte contre la corruption, illustrés par les récents scandales politiques. La situation est-elle comparable chez nos voisins d'Europe du Nord ou en Malaisie ? Tour d'horizon.

L'Europe du Nord, élève modèle du classement

C’est vrai que le tir groupé est impressionnant. À la première place on trouve ex æquo la Finlande et le Danemark, avec 88 points sur 100. Et juste en dessous arrivent la Suède et la Norvège, avec 85 points. On ne trouve que la Nouvelle-Zélande et Singapour pour pouvoir s’intercaler, dans les six premières places. Tous les autres, ce sont des pays nordiques.

Historiquement, certains voient dans cette rigueur morale la marque de la religion protestante. Il y a aussi ici un culte de la transparence, et l’idée que l’argent public n’appartient pas tant à l’État, mais aux contribuables. Pour prendre l’exemple de la Suède, aucun politique n’a de voiture payée par les caisses de l’État, ce serait impensable. Seul le Premier ministre a un appartement de fonction, pour lequel il paie un loyer. Cette utilisation de l’argent public est contrôlée par un bureau national de l'audit, ainsi que par la presse qui a accès à toutes les dépenses jusqu'au moindre ticket de caisse.

Mais n'allons pas jusqu'à affirmer que ce sont des sociétés parfaites, où toutes les transactions se font de manière transparente. Les représentants de Transparency International insistent tous sur ce point : ce classement se base sur un indice de la perception de la corruption, et pas de la corruption elle-même. Il ne mesure pas par exemple les abus de pouvoir ou les délits d’initiés qui surviennent souvent dans des petits pays comme les pays nordiques, où tout le monde se connaît, où les réseaux sont très endogames. Jesper Olsen, responsable de Transparency International au Danemark, l'illustre sur un autre aspect. 

"En 2020 une grande enquête à montré que 1% des Danois avait utilisé au cours de l’année écoulée un pot de vin ou un paiement pour obtenir une faveur d’un service public. Cela montre qu’aucun pays n’est épargné par la corruption."

Jesper Olsen, responsable de Transparency International au Danemark

à franceinfo

En Suède le chiffre était similaire et en plus dans ce pays un cinquième des sondés déclarait avoir utilisé des contacts personnels pour accéder à divers services, sans faire la queue – par exemple une place dans une école, ou un rendez-vous avec un spécialiste. Comme quoi personne n’est parfait, même dans les pays du nord !

En Malaisie, la corruption touche ceux en charge de la combattre

Azam Baki, le chef de l'agence anti-corruption, a acheté pour plus de 200 000 euros d’actions, soit bien plus que ce qui est autorisé pour les fonctionnaires. Le bruit autour de cette affaire, que certains appellent désormais l’AzamGate, n'est pas vu d'un bon oeil par tous en Malaisie. En effet, le média qui a diffusé l’enquête révélant les activités boursières du chef de l’anti-corruption a informé avoir été la cible de cyber-attaque suite à cette publication. Le principal intéressé a porté plainte en diffamation contre son auteure, la journaliste indépendante Lalitha Kunarat nam, lui demandant au passage 2 millions d’euros de dédommagement.

Du côté des autorités, la manifestation qui a été soutenue samedi 22 janvier par 33 ONG et 11 organisations politiques n’était pas tellement du goût de la police qui a invoqué le coronavirus pour l’interdire. Les autorités ont d'ailleurs interrogé certains de ses organisateurs et ont fini par bloquer le trafic des voitures et des transports en commun de Kuala Lumpur en amont du rassemblement. Quelques centaines d’irréductibles ont tout de même bravé ces interdictions et obstacles dont un retraité désabusé : "Par le passé, le parti actuellement au pouvoir a déjà eu beaucoup de scandales, mais au moins il essayait de le cacher. Aujourd’hui c’est si flagrant... Et ils ne sont pas gênés ; en gros ils disent au peuple, regardez : on peut faire ce qu’on veut et s’en sortir !"

Azam Baki n’a effectivement jamais nié l’existence de ces transactions mais a assuré que c’était son frère qui avait utilisé son compte en banque, une information depuis contredite par les autorités de surveillance boursière du pays, mais qui n’a pas suscité d’enquête de la part de la justice malaisienne pour l’instant. 

>>> Malaisie : le scandale de corruption qui menace le pouvoir

Ce n'est pas le premier scandale de corruption pour la Malaisie. En 2018, la police arrêtait ainsi l’ancien Premier ministre du pays dans le cadre de l’affaire 1MDB. Souvent qualifié de plus grand scandale financier du monde, ce sigle fait référence au détournement de presque 8 milliards d’argent public. Quatre ans plus tard, l’escroc supposé derrière cette gigantesque affaire de corruption, un homme d’affaire du nom de Jho Low, n’a jamais été retrouvé ou arrêté et les Malaisiens devront bientôt choisir un nouveau dirigeant tandis que la confiance entre les autorités et la population semble toujours bien fragile. Dernier exemple en date de cela, lors des inondations historiques qui ont choqué et ravagé le pays fin 2021, sur Twitter le hashtag "Ne donnez pas d’argent au gouvernement" était parmi les plus partagés. Derrière cette formule, on pouvait lire la frustration d’une certaine partie de la population qui a vu les habitants menacés par la montée des eaux sauvés par des concitoyens plutôt que par les pouvoirs publics, et qui incitait donc les donateurs potentiels à ne pas faire confiance aux organes gouvernementaux et à plutôt se tourner vers des ONG.

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