Comment la lutte contre l'immigration clandestine s'intensifie au Maroc, en Grèce et aux Pays-Bas
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction le Maroc, la Grèce et les Pays-Bas, trois pays confrontés à des flux migratoires clandestins importants.
L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) estime à 123 000 le nombre de traversées de la Méditerranée vers l’Europe par des migrants en 2021. Des chiffres qui repartent à la hausse après deux années de baisse liée au Covid-19. Au total 3231 personnes ont perdu la vie en tentant de traverser la Méditerranée l’an passé.
Au Maroc, des liens diplomatiques renforcés avec l'Espagne
Quatorze petits kilomètres séparent les côtes africaines et européennes via le détroit de Gibraltar. Passeurs et clandestins redoublent d’imagination pour relier les deux rives. C’est quand la mer est le plus calme, comme cet été, que les migrants se jettent à l’assaut des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ou carrément des côtes européennes. Le quotidien espagnol El Mundo rapporte que les passages de jets ski et bateaux pneumatiques ultras rapides se sont multipliés cet été.
Les passeurs facturent 3000 euros la traversée de 20 minutes. Dans les faits 80 migrants débarqueraient quotidiennement en Andalousie. Pourtant ces derniers mois, la lutte contre l’immigration clandestine s’est intensifiée à la faveur du resserrement des liens diplomatiques entre le Madrid et Rabat. Les autorités se félicitent de chiffres en baisse : -27% de traversées clandestines du détroit et -55% d’entrées illégales dans les enclaves espagnoles. L’Union européenne a annoncé une enveloppe de 500 millions d’euros pour aider le Maroc à lutter contre l’immigration clandestine.
Ces moyens seront-ils suffisant pour doucher les envies d’émigration ? Rien n’est moins sûr. Début septembre par exemple, une jeune marocaine de 25 ans, a été retrouvée morte asphyxiée dans le coffre de la voiture de son frère qui venait de débarquer au port d’Algesiras.
On perd la vie en mer, mais aussi sur terre pour rejoindre l’Europe. Melilla, ce petit confetti espagnol en terre africaine a subi l’assaut de 2000 migrants fin juin. Si 130 d’entre eux ont réussi à passer, 23 ont trouvé la mort. Aujourd’hui plusieurs migrants sont poursuivis et condamnés à de la prison ferme, notamment pour les violences qui ont fait 140 blessés parmi les forces de l’ordre marocaine, 13 d’entre eux viennent d’être condamnés à deux an et demi de prison ferme. Leurs origines soudanaises et tchadiennes laissent apparaitre qu’une nouvelle route sahélienne Est-Ouest s’est ouverte. Certainement pour éviter le territoire libyen devenu trop dangereux pour les migrants.
La Grèce renforce ses patrouilles terrestres et maritimes
Le flux des demandeurs d'asile qui arrivent en Grèce dans le but de continuer le voyage vers l'Europe du nord ne cesse de s'amplifier. Pour l'arrêter Athènes durcit sa politique migratoire mais les tentatives d'entrer dans le pays se poursuivent.
Selon le ministre des Migrations Notis Mitarakis, la Grèce a bloqué 154 102 migrants à sa frontière terrestre et maritime en 2022 dont 50000 dans les trois premières semaines d'aout. Ces chiffres ne cessent d'augmenter et Athènes accuse la Turquie de laisser volontairement passer ces demandeurs d'asile vers l'Europe afin de faire pression tant sur l'Union européenne que sur la Grèce avec qui elle entretient des relations extrêmement tendues et mauvaises en ce moment.
La réponse d'Athènes pour faire face à ce flux migratoire est d'une part de fermer une grande partie des camps de migrants, de leur limiter les accès aux subventions, et surtout de renforcer les patrouilles tant terrestres que maritimes le long de ses frontières. 250 gardes-frontières supplémentaires vont été embauchés, le mur de barbelés qui sépare la Grèce de la Turquie va être rallongé de 80 kilomètres, jusqu'à présent il en faisait 40. Et selon tous les rapports d'ONG les renvois en haute mer des bateaux de migrants vont se poursuivre. Avec la fermeture des camps d’accueil, les demandeurs d’asile se retrouvent littéralement à la rue. C'est le cas en ce moment d'une centaine de Yézidis dans le nord du pays et le phénomène risque de s'amplifier.
Au Pays-Bas des conditions d’accueil déplorables
Après deux ans de covid où le flux des arrivées s’était tari, les Néerlandais voient de nouveau affluer les migrants et les Pays-Bas ont bien du mal à gérer leur arrivée alors que l’organisme d’accueil des demandeurs d’asile avait déjà tiré la sonnette d’alarme en octobre dernier devant le manque structurel de lieux d’accueil aux Pays-Bas.
Les demandes d’asile se font dans un centre principal, à Ter Apel, dans le nord des Pays-Bas et les conditions d’accueil pitoyables qui y régnaient ont été décrites comme inhumaines par plusieurs ONG. Près de 700 migrants dormaient sur des cartons devant les bâtiments du COA, l’organisme d’accueil. Certains étaient là depuis deux semaines avec pour seule et unique installation à leur disposition des toilettes portables sales. Des inspections ont conclu à "l’alerte sanitaire". Elles avaient été déclenchées après la mort d’un nourrisson de trois mois dans le gymnase où dorment aussi des demandeurs d’asile.
On met en cause d’abord des capacités d’accueil réduites durant la pandémie, ensuite l’arrivée massive d’Ukrainiens, enfin et surtout la pénurie généralisée de logements aux Pays-Bas. Résultat : Ter Appel déborde. Médecins sans frontières a même dépêché une équipe de soignants et compare Ter Apel au centre de réfugiés de Moria sur l’île grecque de Lesbos. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a écrit au gouvernement néerlandais pour demander des mesures. Le roi Guillaume-Alexandre s’est lui-même rendu à Ter Apel à la rencontre des migrants et le Premier ministre Mark Rutte a été forcé d’admettre "des scènes honteuses". Depuis, le génie militaire a été mobilisé pour construire un deuxième centre d’accueil et entre-temps des autocars viennent régulièrement chercher les candidats à l’asile qui n’ont pas de place pour loger à l’intérieur et les emmènent vers des lieux d’accueil temporaire. À plus long terme, le gouvernement batave veut réduire le nombre de demandeurs d’asile aux Pays-Bas et supprimer le regroupement familial.
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