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Abstention : comment la Belgique, la Norvège et le Japon luttent contre le désintérêt des électeurs

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction Bruxelles, Oslo et Tokyo où l'enjeu électoral suscite des réactions bien différentes.

Article rédigé par franceinfo, Frédéric Faux, Pierre Benazet - Karyn Nishimura
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Une électrice japonaise glisse un bulletin dans l'urne lors de l'élection de la chambre basse du parlement, le 31 octobre 2021 à Tokyo (Japon). (FRANCK ROBICHON / EPA)

À dix jours du premier tour de la présidentielle en France, le club des correspondants s'intéresse à l'abstention, enjeu majeur de l'élection. Comment font les autres démocraties pour inciter les électeurs à voter ? Exemple au Japon, en Norvège et en Belgique.

En Belgique, le vote est obligatoire

La Belgique a décidé d'attaquer le mal à la racine en rendant le vote obligatoire. Elle fait partie des deux pays européens, avec la Grèce, a avoir décidé d'obliger les citoyens à aller voter. Et si pour les Belges, le vote est obligatoire depuis plus d'un siècle, ça n'empêche pas l'abstention.

Lors des dernières législatives, l'élection la plus importante en Belgique, l'abstention a atteint près de 12%. Les catégories socio-professionnelles les moins favorisées sont celles où il y a le plus d'abstentionnistes. Un paradoxe pour l'histoire parce que lorsqu'en 1893, le vote a été rendu obligatoire par les partis de gauche, l'objectif était de permettre aux ouvriers d'aller voter. Les abstentionnistes sont surtout urbains, aujourd'hui. Ceux qui s'abstiennent le plus sont les Bruxellois. Ceux qui s'abstiennent le moins sont les Flamands et les Wallons sont au milieu. Par ailleurs, les Belges s'abstiennent moins aux municipales qu'aux législatives.

Des lois belges prévoient pourtant des sanctions à l'encontre de ceux qui ne vont pas voter. Mais elles ne sont pas appliquées, à part pour les assesseurs et les présidents de bureaux de vote, ceux qui ne se présentent pas sans raison valable, en tout cas. Pour les électeurs, l'amende est en principe de 80 euros, 200 euros en cas de récidive. Puis, après quatre abstentions, les électeurs sont rayés des listes pour dix ans. La dernière condamnation remonte à 15 ans et les poursuites étaient quasi inexistantes depuis. Le ministre de la Justice a clairement affirmé publiquement que ce n'était pas une priorité avec des tribunaux déjà surchargés, même avant la pandémie.

Un collectif de citoyens belges souhaite créer un "parti blanc" en faveur des abstentionnistes, un parti dont les élus promettraient de s'abstenir lors de tous les votes à l'Assemblée. L'objectif est de parvenir à inscrire une prise en compte des votes blancs et nuls dans la loi électorale. Selon certains, le système de coalitions entraîne un désintérêt des électeurs belges. Les citoyens estiment qu'il y a moins d'enjeu qu'à l'élection présidentielle française qui elle, en revanche, est très suivie par les Belges francophones.

La Norvège facilite les démarches et développe l'intérêt des électeurs

En Scandinavie, et plus particulièrement en Norvège, la participation aux élections est généralement élevée. Lors des dernières législatives norvégiennes, début septembre, elle a dépassé les 77%. Cette faible abstention est le fruit de toute une série de mesures destinées à faciliter le vote, et l’intérêt pour le scrutin.

Au lieu de culpabiliser les électeurs, on pourrait songer aussi à leur faciliter la vie. En Norvège, un mois avant la date officielle du scrutin, des stands apparaissent dans les centre-villes, dans les centres commerciaux, où vous pouvez voter quelque soit votre lieu de résidence. Il suffit de montrer votre carte d’identité et une carte d’électeur que vous recevez sur votre téléphone portable. Dans ces conditions, il est clair que celui ou celle qui s'abstient le fait vraiment par conviction ou parce qu’il n’est pas satisfait de l’offre électorale. Et non en raison de contraintes administratives.

Les autorités norvégiennes cherchent aussi à développer l'intérêt des citoyens pour les enjeux électoraux. Le scrutin proportionnel y est pour beaucoup. Quelque soit votre vote, si votre parti dépasse la barre des 4%, vous pouvez être sûr qu’il sera représenté. Ces partis, aussi, ne se contentent pas de meetings ou de débats télévisés. Plusieurs semaines avant le scrutin – et c’est une tradition que l’on retrouve dans beaucoup de pays nordiques - les partis politiques s’installent dans les rues, sur les places, pour aller à la rencontre des électeurs.

La Norvège est aussi l’un des rares pays dans le monde à organiser dans tous ses lycées, des élections qui précèdent les vraies élections. Avec les mêmes candidats, les mêmes partis. Le résultat ne compte pas, mais pour les jeunes c’est une véritable introduction à la démocratie représentative, en condition réelle. 

Un désintérêt pour la politique au Japon

Au Japon, pays sans président, où règne un empereur sans fonction politique exécutive et où le Premier ministre - élu par les parlementaires - change souvent, les citoyens ne se bousculent pas vers les urnes. Il y a peu de débats et parler de politique entre amis ou en famille est presque tabou. L’abstention aux élections législatives tourne autour de 45%.

Plus les électeurs sont jeunes, moins ils votent. L’abstention est ainsi de 60 à 68% chez les moins de 30 ans, contre seulement 28% chez les sexagénaires et autour de 45% chez les quadragénaires. Les jeunes préfèrent mener des actions concrètes. Ils pensent qu’un bulletin de vote ne sert à rien et se sentent éloignés de politiciens âgés qui pourraient souvent, il est vrai, être leurs grands-parents. 

Si la politique suscite peu d'enthousiasme c'est aussi parce qu'il y a tout simplement peu d’enjeu. Les Japonais votent pour désigner des députés, des sénateurs, des élus locaux, très clientélistes d’ailleurs, mais ils ne choisissent pas directement le Premier ministre. Ce dernier est élu par les parlementaires et n’a pas de mandat à durée fixe. L’enjeu n’est pas du tout le même que lors d’une présidentielle française.

En outre, depuis 1955, c’est presque en permanence le même omnipotent parti de droite qui dirige le pays. Aucune opposition durable n’a su se mettre en place. Il y a eu une baisse notoire de la participation ces dix dernières années après l’échec en 2012 d’une brève alternance de centre-gauche qui a grillé les espoirs de beaucoup.

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