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"Une présidence ne suffira pas" : la réconciliation entre les deux Amériques, mission impossible pour Joe Biden ?

Joe Biden pourra-t-il rassembler l’Amérique ? C’était la promesse au cœur de sa campagne, il l’a répétée dans son premier discours de président élu. Il veut rassembler une Amérique très divisée sous l'ère Trump. Mais en aura-t-il la capacité ?

Article rédigé par franceinfo, Jérôme Jadot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une supportrice de Joe Biden au milieu de partisans de Donald Trump, le 7 novembre 2020 à Sterling (Virginie) (CHRIS KLEPONIS - POOL VIA CNP / CONSOLIDATED NEWS PHOTOS)

L'élection de Joe Biden n’a pas apaisé tout le monde À l’annonce de sa victoire, on a vu quelques face-à-face tendus devant des centres de dépouillement. Par exemple à Atlanta, en Géorgie, où Chris Hill, chef d’une milice d’extrême droite, fusil d’assaut sur la poitrine, parle de l'élection comme d'une "tentative de coup d’Etat. Ces communistes, technocrates, qui veulent la corruption et des taxes à mort. On dirait des ordures."

Pour ces supporters de Donald Trump très déterminés, pas question de reconnaître une défaite de leur champion, en tout cas tant que lui-même ne l’aura pas fait. Brandon Spencer, agent immobilier, drapé dans un drapeau américain, n'est toutefois pas trop inquiet : "Joe Biden va devoir être gentil avec la droite parce que nous avons la Cour suprême, on a encore le Sénat, on a gagné beaucoup de sièges à la Chambre des représentants… Donc il n’y aura rien de déterminant pour nous dans les quatre prochaines années." Ces électeurs républicains se disent plus ou moins inquiets, mais en tout cas pas prêts à jouer la carte du rassemblement.

D'autres au contraire veulent faire confiance au nouveau président. Ken, républicain pendant des décennies jusqu'à cette année, est commercial à Washington : "Joe Biden va remettre tout le monde ensemble. C'est un centriste, ce ne sera pas l’extrémiste que redoute le Parti Républicain. En 47 ans de vie politique, il a toujours été comme ça : il va tendre la main."

On est dans un système à deux chambres, tout est question de compromis. C’est la seule façon de faire avancer le pays.

Ken, électeur républicain

à franceinfo

On ne se fréquente parfois plus entre voisins ou entre proches. Eren, qui habite en Californie, l'a vécu au sein de sa famille : "J'ai des cousins auxquels je ne parle plus, parce que ce sont des supporters de Trump. Ils ont posté des messages anti-musulmans… Je pense et j'espère qu'on va maintenant pouvoir recommencer à zéro. Et si Biden se bat pour tous les Américains, on pourra redevenir une famille, j'espère. Ce n'est jamais trop tard. On verra."

Rassembler les Américains, un rêve ?

Les désaccords seront certes toujours là : sur le réchauffement climatique, l'avortement, les taxes, reconnaît Eren. Mais selon elle, ces désaccords pourraient plus facilement s’exprimer sans véhémence et avec un président qui ne souffle pas sur les braises. Pure utopie pour Catherine, rencontrée dans une manifestation Black Lives Matter à Washington : "Il y a beaucoup de suprématistes blancs dans ce pays, et beaucoup de gens de couleur. Comment voulez-vous les rassembler ? On n'est pas du tout en situation de le faire. Une présidence ne suffira pas !"

Selon Yasha Mounk, politologue à l'université John Hopkins, la société américaine ne serait en fait pas si profondément divisée. En tout cas moins que ses élites : "L'élite gauchiste dit que le pays est profondément raciste, qu'il faut abolir la police. Et à droite, certains disent que la violence policière n'est pas un problème. Mais la grande majorité des Américains reconnaît un problème de discrimination dans les interventions policières, et en même temps veut davantage de police, pas moins de police !"

Il y aurait donc des chemins de compromis sur les grands sujets de division. Et aux yeux de Yasha Mounk, Joe Biden est plutôt bien placé pour les emprunter. Il aura réussi, dit le politologue, quand les Américains parleront à nouveau de sport en allant boire un verre, plutôt que de politique. 

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