Témoignage
"Il pourrait être assassiné, ce n'est pas un délire personnel" : la femme de Julian Assange plaide contre son extradition avant une audience décisive

Le fondateur de WikiLeaks est emprisonné à la prison de Belmarsh, à Londres. Il conteste son extradition devant la justice britannique, avec un rendez-vous crucial mardi.
Article rédigé par Richard Place
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Stella Assange, le 14 août 2022. (RYAN JENKINSON / RYAN JENKINSON/ STORY PICTURE AGENCY)

La vie de Julian Assange est "en danger" : c’est sa femme qui l’affirme. Le fondateur de WikiLeaks risque, selon elle, de mourir en prison. Une audience décisive débute mardi 20 février devant la Haute Cour, à Londres. S’il perd, l’option la plus probable selon son propre camp, il n’aura plus de recours possible au Royaume-Uni et il pourrait être envoyé vers les États-Unis, où il risque de finir sa vie en prison.

L’affaire WikiLeaks débute en 2010, quand le site publie plus de 700 000 documents confidentiels. Ces derniers révèlent des activités diplomatiques et militaires américaines, particulièrement en Irak et en Afghanistan. On y découvre notamment des crimes de guerre.

Les États-Unis considèrent que ces informations mettent la vie d’agents en danger et poursuivent Julian Assange en justice. À Londres, il trouve d’abord refuge à l’ambassade d’Équateur pour éviter des poursuites pour viols en Suède, qui ont depuis été abandonnées. Il sera resté à l'intérieur de l'ambassade de 2012 à 2019. À sa sortie, il a été incarcéré.

"Son état de santé se détériore au fil du temps"

Stella Assange, son épouse, se bat pour sa liberté. Ils se sont mariés il y a deux ans, en prison, et ont deux enfants âgés de cinq ans et six ans et demi. C’est une femme épuisée. Ce jour-là, elle revenait de l’université de Warwick, à plus de deux heures de Londres. Elle y avait fait une conférence comme elle en fait des dizaines, pour plaider la cause de son mari. Elle était rentrée dans la nuit parce qu’elle devait préparer l’anniversaire de son plus jeune fils, le lendemain, et aussi organiser une visite en prison le même jour.

Stella Assange est fatiguée, sur les nerfs, sourit peu et on comprend bien pourquoi. Elle parle à son mari par téléphone une fois par jour et le voit en moyenne deux fois par semaine, un peu plus d’une heure à chaque rendez-vous. Elle y emmène les enfants quand les visites ont lieu le week-end. Ils doivent tous rester assis, sauf pour se dire bonjour et au revoir. "Son état de santé se détériore au fil du temps, se désole-t-elle. Julian est en danger chaque jour dans cette prison. Il est dans une cellule de deux mètres sur trois. Seul, pendant plus de 21 heures par jour. Il y a un bouton d'urgence mais si vous n'êtes pas capable d’appuyer dessus, si vous faites un malaise, vous ne savez pas combien de temps ça prendra avant que quelqu’un vous voie."

"Il risque de s'automutiler, de se suicider"

À Noël, il a été malade, d’importantes quintes de toux, sa femme pense qu’il a peut-être eu le Covid. Il n’a pas été testé et il a fallu attendre trois jours pour qu’un médecin l’examine. Mais la plus grande inquiétude pour ses proches, c’est sa santé mentale. C’est d’ailleurs le principal argument de sa défense pour ne pas l’extrader. "Les psychiatres qui ont examiné Julian en prison sont tous parvenus à la même conclusion : il risque de s'automutiler, de se suicider. L'élément déclencheur ce serait l'isolement et les États-Unis le placeraient sans aucun doute à l’isolement. La conclusion initiale du juge était qu'il serait poussé à se suicider."

Une juge britannique avait effectivement refusé l’extradition il y a trois ans, pour cette raison-là. Mais depuis, d’autres juges ont statué différemment. Stella Assange craint pour la vie de son mari s’il était extradé. À cause de sa santé fragile, mais pas seulement. Elle pense que les États-Unis pourraient aller encore plus loin : "Il pourrait être assassiné et ce n’est pas un délire personnel. Selon certaines informations, Mike Pompeo, alors qu'il était à la tête de la CIA, faisait et demandait des propositions concrètes sur la manière d'assassiner Julian. Des discussions jusqu’à la Maison Blanche pour le kidnapper, le tuer..."

"Ce sont les agences de renseignements qui donnent des recommandations quant à savoir si une personne doit être placée à l’isolement. Il ne fait donc aucun doute qu'ils utiliseront leurs pouvoirs pour le faire, en sachant très bien les risques pour lui."

Stella Assange

franceinfo

Elle fait référence à des discussions au sein de la CIA en 2017, révélées par Yahoo! news où, en effet, le kidnapping voire l’assassinat du fondateur de WikiLeaks ont été évoqués. Le site disait s’appuyer sur une trentaine de témoignages. La CIA n’a évidemment jamais confirmé.

Depuis, on sait aussi qu’une société de sécurité espagnole surveillait Assange et ses visiteurs quand il était à l’ambassade d’Équateur. Des enquêtes sont menées en Espagne et aux États-Unis. Devant la justice, d’anciens employés de cette compagnie affirment qu’ils travaillaient pour la CIA. L’un d’entre eux dit que son enlèvement et même son empoisonnement ont été envisagés à l’époque.

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