Reportage
"Ça me fait mal pour la communauté juive que, 70 ans après, on attaque les gens comme ça" : forte émotion à la marche contre l'antisémitisme à Paris

Parmi les 105 000 participants à la marche contre l'antisémitisme à Paris, il y avait des personnes d'horizons très divers : issus de la communauté juive mais aussi Français attachés aux valeurs de la République.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le cortège de la marche contre l'antisémitisme place des Invalides à Paris le 12 novembre 2023. (CLAIRE SERIE / HANS LUCAS)

À Paris, 105 000 personnes ont défilé dimanche 12 novembre contre l'antisémitisme, selon la préfecture de police. Beaucoup de personnalités politiques étaient présentes bien sûr, mais le cortège rassemblait aussi des personnes venues d'horizons différents. Il y avait d'abord et avant tout beaucoup de Français de confession juive, rassurés de voir une telle mobilisation. "Je vois beaucoup de gens unis contre l'antisémitisme, contre toutes les violences et je trouve ça beau, confie Samuel. Je trouve que c'est un moment fort, je ne me voyais pas ne pas être là aujourd'hui et je suis content de voir qu'il y a autant de monde."

Un sentiment partagé par Agnès, qui témoigne : "Ca me fait plaisir, je vois que nous ne sommes pas tout seuls, nous ne sommes pas abandonnés." Comme cette manifestante de 75 ans, il y avait de très nombreuses personnes âgées dans le cortège. "Mon grand-père a été gazé à Verdun, mon père a sacrifié toute sa jeunesse pour aller défendre la France contre les nazis, raconte Agnès. Ça veut dire que ça peut recommencer, que ça recommence… Je suis atterrée, c'est terrifiant." Cette idée revient chez de nombreux manifestants comme Jean-Paul et Annie, 80 ans. "On ne veut pas que ça recommence", martèle Annie tandis que son époux ajoute : "Mon grand-père a fait la guerre de 14 pendant quatre ans, mon père a vécu la guerre de 40 et dans ma jeunesse, j'ai encore ressenti les effets de la guerre parce que, de 1947 à 1950, la vie n'était pas facile."

On a subi les conséquences des guerres et on a peur que ça recommence.

Jean-Paul, participant à la marche contre l'antisémitisme

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Ce couple d'octogénaires, qui se présente comme agnostique, n'a aucun lien avec la communauté juive. Ils refusent simplement la résurgence du climat antisémite qu'ils ont connu dans leur jeunesse. Mais Annie et Jean-Paul ne sont pas les seuls à marcher sans appartenir à la communauté juive. Le cortège compte aussi beaucoup de Français attachés aux valeurs de la République, certains portant des drapeaux tricolores ou chantant spontanément La Marseillaise. Hugues, 57 ans, défile avec un drap sur lequel est écrit à l'encre noire : "Et après, c'est quoi ? Les synagogues ? Français souviens-toi, Français réveille-toi." "Parce que ça commence comme ça, explique le quinquagénaire. On commence à brûler les portes des Juifs, on commence à les frapper dans la rue et on finit par brûler une synagogue. On est dans une France hyper violente donc on n'en est pas loin." Et Hugues ajoute, très ému : "Ça me fait mal pour la communauté juive que, 70 ans après, on attaque les gens comme ça."

Une participation hautement symbolique pour les sympathisants du RN

Dans ce message, rien de politique. D'ailleurs, beaucoup de participants insistent sur ce point, comme Renaud : "Il faut passer au-dessus de ces débats politiciens politicards sans intérêt. Que ça soit le RN, que ça soit tous les autres partis, on s'en fiche complètement. Nous sommes là pour une cause. Je ne suis pas juif mais je me sens juif aujourd'hui. Cette marche contre l'antisémitisme, elle est primordiale. On était tous Charlie il y a quelques années, maintenant je pense qu'il faut être tous juifs."

Cependant pour certains participants à la manifestation, il y a bien des motivations politiques. Pour les sympathisants du Rassemblement national notamment, être présents dans cette mobilisation est hautement symbolique. C'est le cas de Thierry, venu du Val-d'Oise. "Pourquoi y a-t-il des gens qui veulent nous faire vivre le début des années 1940 en attaquant les gens de confession juive ?, s'interroge-t-il. Aujourd'hui je pense que c'est une grande journée de dédiabolisation du RN. Entendre les commentaires de la communauté juive, ça fait énormément plaisir, ça m'a beaucoup touché." Selon Thierry, comme de nombreux manifestants, ce fait politique est sans doute l'événement de cette manifestation. Car beaucoup se demandent si, contre l'antisémitisme, cette marche aura vraiment suffi à marquer les esprits.

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