"Ici, on m'a laissé ma chance" : la Belgique, un refuge pour les étudiants recalés de Parcoursup
Ni sélection, ni quotas, un large choix de formation et une bonne ambiance... L'Université libre de Bruxelles attire de plus en plus d'étudiants frustrés par le système français et ses concours.
De plus en plus de jeunes Français partent étudier à Bruxelles. Leur nombre a bondi de plus de 25% en cinq ans. Et pas seulement, comme c’était le cas auparavant, dans les filières médicales. Une ruée vers le plat pays et l'une de ses six universités francophones qui commence à faire grincer des dents. Pour comprendre ce phénomène d'attraction exercée par la capitale belge, nous sommes allés à la rencontre de jeunes Français sur le campus de l’Université libre de Bruxelles (ULB). À l’heure du déjeuner, un jour de grand soleil où des grappes d’étudiants, sandwich en main, prennent l’air entre deux cours, il ne nous faut pas bien longtemps, en posant quelques questions, pour savoir où trouver des Français. Bâtiment D, 11e étage où l’on retrouve Charlotte : "Dans ma promotion, sur une cinquantaine d’élèves il y a moins de dix Belges, on n’est quasiment tous français !"
Charlotte, Niçoise, est en master de journalisme à l'ULB. "J’ai passé les concours en France et je les ai tous ratés, raconte-t-elle. J’ai alors cherché un endroit où je n’aurais pas à payer des milliers d’euros et qui me prendrait. En plus c’est un diplôme reconnu à l’échelle européenne… Et donc je suis assez contente d’être là. C’est une belle surprise." "Ici on m’a laissé ma chance", résume l'étudiante expatriée en Belgique qui veut devenir journaliste à la télé.
Bâtiment D, c’est aussi celui où étudient Natan et Zoé, grands cartons à dessin sous le bras. Les deux Français sont arrivés en septembre dernier."Nous on fait de l’architecture, on est en premier année, parce que forcément les écoles en France, c’est compliqué d’y entrer. Mais c’est bien au final, on est contents d’être là", explique Natan.
"Moi, personnellement, je suis arrivé par défaut car en France seule une élite entre dans les écoles d’architecture : pour 2 500 demandes environ il n’ y a que 110 places."
Natan, étudiant en architecture à l'ULBà franceinfo
"Ici, c’est une très bonne école mais qui n’a pas choisi de faire comme en France, poursuit Natan. Ils prennent tout le monde, et ceux qui décrochent, eh bien ils décrochent, car ils n’y arrivent pas. Mais à l’issue de ces études, on termine avec une promo à peu près du même nombre d’élèves qu’en France, sauf qu’ici tout le monde a pu y accéder !"
Ni sélectivité, ni quotas, sauf dans certaines filières médicales, une scolarité un peu plus chère que dans les facultés françaises (environ 850 euros l’année) mais avec un choix de formations plus large qui permet aussi d’éviter les écoles privées souvent très couteuses... Voilà ce qui explique la présence de 5 900 étudiants français sur ce campus bruxellois, soit 15% des effectifs. En pharmacie pour la première fois, il y a même plus de Français en première année que de Belges selon les chiffres fournis par l’université.
Des loyers moins chers qu'à Paris
Beaucoup de recalés de Parcoursup et de masters français partent étudier à Bruxelles mais il y a aussi des jeunes qui ne viennent pas par défaut. C’est le cas de Luana, 22 ans, arrivée après une licence et que l’on rencontre en cours de comptabilité. La jeune femme est en master de gestion culturelle : "Dès que j’ai été acceptée à Bruxelles je me suis dit, bon, je veux travailler dans le milieu de la culture, c’est une grande ville et une capitale européenne." Facile aussi car on peut y étudier en français et rentrer en France le week-end pour voir ses parents.
"Et puis il y a l’ambiance, les Belges sont très sympas, les loyers sont très raisonnables par rapport à Paris et il y a beaucoup de colocations, c’est assez facile de s’installer à Bruxelles."
Luana, étudiante en master de gestion culturelleà franceinfo
La situation est confortable mais elle commence à poser des problèmes à l’administration, comme nous l'affirme Nadine Postiaux, la vice-rectrice à l’enseignement et à la qualité de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Elle est attachée à la libre circulation des étudiants en Europe, mais elle estime que cela ne peut plus durer et elle refuse d’imposer une sélectivité : "La Belgique francophone tient à sa politique de libre accès à l’université. On a mis certains verrous à certains moments, comme par exemple dans le programme de médecine ou de vétérinaire, mais on a une politique, une philosophie, car pour nous un libre accès favorise davantage l’ascenseur social que permet l’enseignement supérieur. C’était notre choix et jusqu’à présent il tenait."
Les étudiants belges désavantagés
Mais cet ascenseur social ne tient plus avec des étudiants français qui arrivent souvent en première année en Belgique après avoir échoué en France. Des élèves qui sont donc souvent plus âgés, plus mûrs et qui réussissent mieux, pointe Nadine Postiaux, que leurs camarades belges tout juste âgés de 18 ans.
Un déséquilibre qui ne peut plus durer estime aussi de son côté Bruno Van Pottelsberghe, le doyen de Solvay, la faculté d’économie et de gestion de l’ULB : "Imaginons qu’on triple le nombre d’ étudiants, on va devoir mettre en place des sélections ou des examens, et on ne pourra plus servir notre société comme on le fait à l’heure actuelle avec la population belge qui paye ses impôts et qui permet de financer les universités. On a donc un système qui n’est pas durable et il faut l’aborder de front, soit au niveau européen, soit en Belgique avec un système de financement différent". Et pourquoi ne pas faire contribuer financièrement la France, s’interrogent les responsables de l’université bruxelloise qui ont interpellé récemment leur gouvernement.
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