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Guerre en Ukraine : pourquoi l'armée russe n’arrive toujours pas, comme lors de la première phase du conflit, à progresser sur le terrain

Près de trois mois après le début de l'invasion russe, les soldats de Vladimir Poutine n'avancent pas significativement en Ukraine. La guerre est entrée dans une phase d'usure. Comment l'un des deux camps pourra-t-il prendre l'ascendant ?

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un soldat de l'unité des forces spéciales ukrainiennes Kraken passe devant une épave dans le village de Rus'ka Lozova, au nord de Kharkiv, le 16 mai 2022. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Cela fait 84 jours, quasiment trois mois que la Russie a déclenché son offensive en Ukraine, et son armée semble bien peu progresser. Les Ukrainiens ont même repoussé les forces russes derrière la frontière et repris le contrôle de la ville de Kharkiv, deuxième plus grande ville du pays, à moins de 40 kilomètres de la frontière russo-ukrainienne, prise pour cible depuis le début du conflit.

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Une vidéo, datant du lundi 16 mai, montre une douzaine de soldats ukrainiens se rassemblant autour d'une borne frontière jaune et bleue, qu'ils viennent de réinstaller. Geste symbolique : Kharkiv faisait partie des cibles initiales de l'armée russe. Elle se désengage désormais de la région, mais l'image impacte et entretient l'idée que la deuxième armée du monde, sur le papier, a été largement surestimée.

La traversée ratée de la rivière Donets

Les forces russes subissent-elles revers sur revers ? En tout cas, elles n'arrivent pas à progresser. En ce moment, dans le Donbass, dans l'est ukrainien, c'est le retour de la guerre de tranchées, une guerre de positions pilonnées d'un côté et de l'autre par l'artillerie. Avec, ces derniers jours, un avantage aux ukrainiens. Les russes n'arrivent pas à percer. "On note une vraie difficulté des forces russes à manœuvrer et à avancer, relate le colonel Pascal Ianni, porte-parole du chef d'état-major des armées. J'en veux pour preuve l'échec de la traversée de la rivière Donets, où a priori les forces russes ont perdu l'équivalent d'une brigade complète."

C'est une bataille qui a été documentée par les Ukrainiens qui ont publié plusieurs vidéos. Les troupes russes ont regroupé un grand nombre de véhicules sur la rive avant d'installer un pont pour traverser le cours d'eau en direction de Sievierodonetsk. "Une brigade complète, c'est de l'ordre de 5 000 à 6 000 hommes, précise le colonel Pascal Ianni. Pourtant, le franchissement était indispensable pour avancer, et les artilleurs ukrainiens ont particulièrement bien manœuvré puisqu'ils ont attendu que la brigade soit amassée à proximité du point de franchissement de cette rivière pour produire un effort de feu. Et donc ils ont neutralisé la quasi totalité de la brigade."

Ce qui est frappant, c'est que l'armée russe ne réussit pas plus dans cette deuxième phase de la guerre, que dans la première. Entre fin février et début avril, les Russes prévoyaient une invasion totale de l'Ukraine en misant sur des grandes manœuvres dynamiques. Mais ça n'a pas fonctionné : manque d'essence, pannes, défaut d'approvisionnement. Cette fois, avec des forces russes concentrées dans l'est, avec une logistique plus facile, moins étirée, ça ne paraît pas mieux marcher.

La moitié de l'armée ukrainienne mobilisée dans l'est du pays

Quelles sont les explications ? Il y a une constante : l'armée russe est surestimée tandis que l'armée ukrainienne est sous-estimée. La moitié de l'armée ukrainienne est mobilisée dans l'est du pays. Depuis 2014 et l'annexion de la Crimée, cette dernière a fortifié ses positions. Elle a eu huit ans pour ériger des barrages, aménager le terrain à son avantage. Ensuite, il y a des explications qui tiennent au fonctionnement respectif des deux forces. "Clairement, l'armée ukrainienne dispose d'unités qui sont plutôt bien entraînées, plutôt bien commandées, où on voit une vraie capacité de prise d'initiative aux échelons les plus bas, ce qui donne une grande souplesse dans ce combat, analyse le colonel Pascal Ianni. Le second point, ce qu'on peut voir et ce qui nous est rapporté, c'est que finalement, on retrouve les mêmes difficultés au sein des forces russes, c'est-à-dire à priori des difficultés de chaînes de commandement, de capacité de manœuvres tactiques puisque les forces russes n'arrivent pas à percer et à prendre vraiment l'initiative."

"On a certainement un petit peu, voire beaucoup, surestimé la capacité de l'armée russe à mener des manœuvres de très grande ampleur."

Colonel Pascal Ianni, porte-parole du chef d'état-major des armées

à franceinfo

Alors quelle sera l'issue de la guerre ? La Russie a-t-elle déjà perdu, sur le terrain ? Personne, dans les cercles militaires français, ne se risque à répondre. Prudence : l'enjeu, dans les prochaines semaines, les prochains mois, ce sera la capacité, pour les Russes comme pour les Ukrainiens, à renouveler les unités, à s'approvisionner en armes et munitions. Un enjeu plus important côté ukrainien parce que toute leur logistique vient de l'ouest du pays, et si les russes parviennent à casser les lignes de soutien, la situation à l'est deviendra très compliquée pour les Ukrainiens. Dans la première phase de la guerre, c'est justement en harcelant les forces russes sur leurs arrières et en bloquant leur logistique qu'ils ont obligé Moscou à revoir et changer ses plans de guerre.

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