COP28 : la Norvège mise sur le captage de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique

Les solutions pour ralentir le réchauffement climatique seront abordées à la COP28 qui débute jeudi à Dubaï, et notamment le stockage et le captage de CO2. Une technologie utilisée, par exemple, à la cimenterie de Brevik, au sud-ouest d'Oslo.
Article rédigé par Lauriane Delanoë
Radio France
Publié
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Tor Gautestat qui travaille à la cimenterie Heidelberg Materials de Brevik, le 27 novembre 2023. (LAURIANE DELANOE / FRANCEINFO)

Le captage et le stockage du carbone est une technologie dont il sera question lors de la COP28, le sommet mondial pour le climat, qui s’ouvre jeudi 30 novembre à Dubaï. Il s’agit de capturer le CO2 émis par les usines, pour le stocker ensuite très profondément sous terre. De nombreux pays veulent s’y mettre pour limiter le réchauffement climatique. La France va d'ailleurs passer un partenariat dans les prochaines semaines avec la Norvège, pays fer de lance de cette méthode. 

À Brevik, par exemple, à deux heures d'Oslo, il est prévu de capter le carbone directement à la source à la cimenterie de la ville qui est très polluante. Une nouvelle cheminée en acier se dresse, plus haute que ses voisines de béton. "Ce que vous voyez là, c’est l’absorbeur et sa tour. Ça fait 100 mètres de haut, c’est plus haut que Big Ben. On est en plein travaux, vous pouvez sentir l’acier fraîchement coupé", décrit Tor Halvorsrud, l’un des responsables. 

Cet absorbeur va en quelque sorte aspirer tous les gaz et toutes les poussières du four à ciment. Le CO2 sera isolé puis compressé et liquéfié. Enfin, ce carbone partira par bateau jusqu’au site de stockage définitif sous la mer du Nord, un projet porté par TotalEnergies, avec la compagnie pétrolière norvégienne Equinor et Shell. De son côté, la cimenterie Heidelberg Materials prévoit ainsi de capter la moitié de ses émissions. "Cette cimenterie émet au total 800 000 tonnes de CO2 par an et on va en capturer 400 000", indique Tor Halvorsrud. 

"400 000 tonnes de CO2, c'est l’équivalent des émissions de 200 000 voitures thermiques. On supprime ça sur une seule usine."

Tor Halvorsrud, l'un des responsables de la cimenterie

à franceinfo

"Cela représente près d’1 % des émissions de carbone en Norvège. C’est pour cela que le captage est si important", poursuit-il. Les travaux doivent se terminer dans un an pour commencer le captage en 2025. Ce sera alors l’aboutissement de 20 ans de recherches et d'investissements.   

Car ces projets coûtent très cher. C’est justement ce qui ralentit le deuxième gros projet en cours en Norvège, celui de l’incinérateur pour le réseau de chaleur d’Oslo. Il brûle 350 000 tonnes de déchets par an, principalement des résidentiels, mais aussi des déchets industriels et il reçoit également des déchets de l’étranger. Ces déchets brûlés libèrent des centaines de milliers de tonnes de CO2 par an, ce qui fait de ce site le plus gros pollueur de la capitale norvégienne. L’objectif est de capter 90% de ces émissions.  

Presque un milliard d'euros de budget

Sur ce site, des camions et des pelleteuses s’activent sous la neige mais en réalité, ce projet est gelé depuis quelques mois car la direction doit faire des économies. Elle a un budget de presque 1 milliard d’euros, or les coûts explosent. Truls Jemtland, porte-parole de l’entreprise Hafslund Olso Celsio pointe principalement l’inflation, comme ailleurs en Europe. "Tous les matériaux coûtent plus cher, surtout l'acier, justifie-t-il. Et comme le nouveau bâtiment sera immense, on va utiliser beaucoup d’acier. Nous avons aussi des surcoûts liés à des questions locales : par exemple, nous avons besoin de plus d’espace que prévu. Nous cherchons donc à réduire l’emprise de la future usine de captage"

La direction revoit aussi son projet pour le transport du CO2. Elle voulait l’acheminer par des tuyaux jusqu’au port d’Oslo mais cela est trop cher et trop complexe, c'est pourquoi le carbone liquide partira plutôt en camion électrique. "D’ici au port d’Oslo, il y a 10 kilomètres. Nous pensons que c’est faisable. Et nous pourrons montrer l’exemple. En Europe, il y a environ 500 sites de revalorisation des déchets, comme celui-ci. Quand nous réussirons effectivement à construire l’usine, nous prouverons qu’on peut capturer le carbone de ces sites", estime Truls Jemtland. L’incinérateur espère lancer cette usine dans cinq ans, avec un an de retard. La ville d’Oslo compte beaucoup sur ce projet car elle vise la quasi-neutralité carbone d’ici 2030. 

L’incinérateur pour le réseau de chaleur d’Oslo, le 29 novembre 2023. (LAURIANE DELANOE / FRANCEINFO)

Si cela fonctionne, est-ce-que cela veut dire que l'on peut compter sur cette technologie pour régler le problème du réchauffement climatique à l’échelle mondiale ? La réponse est non pour certains experts et certaines ONG. Si les pays les plus riches comme la Norvège peinent à financer ces projets, il est légitime de se demander qui pourra le faire. 

C'est la question de Paal Frisvold, chargé de campagne à Greenpeace Norvège, qui a pourtant longtemps milité pour le captage du carbone : "Quand on a commencé à promouvoir le captage et stockage de CO2, on avait l'idée que ça pouvait se faire avec des coûts très modestes. Aujourd'hui, les coûts ne cessent d'augmenter donc c'est très difficile à réaliser. On a bien besoin de cette technologie pour les secteurs énergétiquement intensifs mais il faut absolument arrêter les émissions, changer les sources d'énergie et changer la technologie pour d'autres industries"

Et si on continue comme aujourd’hui, l’Agence internationale de l’énergie a fait le calcul : pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, il faudrait capter 32 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2050. C’est "totalement inconcevable", écrit cette agence de l’OCDE dans son dernier rapport publié justement pour éclairer les négociations à la COP28. 

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