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"C'est intenable pour une entreprise" : la hausse des prix de l'énergie inquiète le secteur industriel

L'explosion des prix de l'énergie met au défi le secteur industriel, et fait craindre le pire pour les salariés dans les usines.

Article rédigé par franceinfo, Hugo Charpentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
À Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône, certains fleurons de l'industrie aujourd'hui menacés par la flambée continue des prix de l'énergie. (HUGO CHARPENTIER / RADIO FRANCE)

Quand produire coûte trop cher. L'explosion des prix de l'énergie met au défi le secteur industriel. Certaines entreprises ont déjà recours à des interruptions d'activité. D'autres se demandent combien de temps vont-elles pouvoir encore tenir à ce rythme-là.

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Sur les bords de l’étang de Berre et du golfe de Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône se trouvent certains fleurons de l'industrie tricolore. Des fleurons aujourd'hui menacés par la flambée continue des prix de l'énergie, et notamment de l'électricité.

C'est dans un paysage industriel composé de cheminées, de gigantesques cuves, de kilomètres de tuyaux, Au milieu des géants Ineos et Arcelor Mittal, il y a l'usine Kem One, dirigé par Bertrand Beaudet, 350 salariés qui produisent du chlore, de la soude et de l'hydrogène. Une entreprise qui a besoin de beaucoup d'électricité. "La consommation de notre site c'est environ 1 000 gigawattheures par an, indique le directeur de l'usine. Pour se donner une idée, c'est la consommation d'une ville de 250 000 habitants à peu près."

Une perte de compétitivité

En quelques mois, la facture a littéralement explosé. Cela se chiffre à plusieurs millions d'euros de surcoût mais on n'en saura pas beaucoup plus. "Je ne peux pas trop donner des chiffres, pour des raisons de concurrence évidemment, mais le prix de l'électricité sur le marché a été multiplié par dix depuis quelques mois donc effectivement cela a un impact majeur sur nos coûts de production", développe Bertrand Beaudet.

Bertrand Beaudet, le directeur de l'entreprise Kem One à la Fos-sur-Mer. (HUGO CHARPENTIER / RADIO FRANCE)

L'entreprise Kem One doit donc augmenter ses prix. Certains clients étrangers se tournent du coup vers d'autres fournisseurs. "Sur le marché mondial, on perd en compétitivité par rapport à des concurrents chinois ou américains qui eux bénéficient encore des coûts d'électricité et énergétique beaucoup moins élevés que les nôtres, explique le directeur. On a donc du mal aujourd'hui à exporter nos produits.

"Ça a un impact direct sur notre activité, on voit qu'elle est ralentie aujourd'hui sur notre site. Au lieu de fabriquer 1 000 tonnes par jour, on en fabrique plus que 750."

Bertrand Beaudet, directeur de l'usine Kem One

à franceinfo

 

Une production ralentie mais pas de conséquence pour le moment pour les salariés. La direction envisage cependant de baisser l'activité en journée, et de l'augmenter la nuit pour bénéficier de tarif en heure creuse. 

La menace du temps partiel

Mais toutes les entreprises de ce territoire industriel n'ont pas cette chance. Certaines vont demander des efforts à leurs salariés. À Fos-sur-Mer, l'hiver risque d'être long et difficile pour l'entreprise Ascométal. Le groupe sidérurgique français pourrait réduire la voilure. Selon son directeur qui refuse de s'exprimer de vive voix la situation actuelle n'est plus tenable. Les syndicats le rejoignent sur ce point. "On était en 2019 à 680 000 euros par mois, explique Frederic Bruno, le secrétaire du CSE. Et là on peut passer à 4 millions et jusqu'à 8 millions. C'est inimaginable pour une entreprise, c'est complètement impossible. C'est pour ça qu'à mon avis le chômage partiel, il y en aura, mais à quelle hauteur ? On ne sait pas."

Des interruptions de production de plusieurs semaines sont envisagées. Travailler le week-end est aussi une piste qui est sur la table, là encore pour profiter de tarifs moins élevés. Forcément dans l'usine, beaucoup d''inquiétude parmi les 330 salariés. "Les copains des services viennent nous questionner et donc on leur explique la situation, indique le secrétaire du CSE. Les salariés ne sont pas bêtes, ils comprennent la situation. Ils sont prêts quand même, encore une fois, à faire des efforts. Mais ils ne pourront pas en faire tout le temps."

Face à cette situation préoccupante dans ce bassin ouvrier, de plus en de voix s'élèvent pour réclamer une intervention forte de l'État. Sur le site d'Ascométal c'est effectivement ce qu'espèrent les salariés et leurs représentants syndicaux. "Les pouvoirs publics doivent prendre à bras le corps le sujet de façon à éviter des catastrophes industrielles, avance François Barges, délégué CGT, parce que derrière ça, on ne sait pas ce que ça peut devenir dans un an, dans deux ans, en 2023. Les tarifs ont explosé ! Et derrière, c'est toujours pareil et c'est les salariés qui en pâtissent."

"Il s'agit vraiment d'un sujet qui est indépendant des directions locales, générale et compagnie. C'est vraiment le pouvoir public qui doit faire quelque chose par rapport à ça."

François Barges, délégué CGT

à franceinfo

C'est aussi ce que souhaitent une partie des élus locaux. "Il est bien évident que quand la direction commence à parler de chômage partiel, on ne peut que s'inquiéter quoi qu'il arrive, explique René Raimondi est le maire par intérim de Fos-sur-Mer. Dans une ville, on retrouve chez nous les ouvriers, les gens de la sous-traitance, qui souffrent au quotidien de salaires trop bas. Donc le chômage partiel par-dessus sera un drame. Dans le même moment, ces mêmes salariés ont eux aussi un coût de l'énergie qui augmente. Que ce soit l'essence, que ce soit le gaz ou l'électricité demain. Donc il faut aider le temps qu'il faut. Il ne faut pas que ça dure trop longtemps."

Et l'élu avance une piste : "Mais on l'a vu pendant le Covid, l'Etat sait faire quand elle veut faire. Elle a soutenu le commerce, elle a soutenu effectivement ce qui était obligé de fermer. Et c'est bien. Il faut faire la même chose avec l'industrie et ce problème de coût de l'énergie." Un "quoi qu'il en coûte" énergétique pour préserver l'industrie qui emploie plus de trois millions de personnes en France.

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