11-Novembre : dans la Meuse, un monument en hommage aux soldats martiniquais "oubliés de l'histoire" de la Première Guerre mondiale
En cette journée de commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale, samedi 11 novembre, un monument aux morts inédit est installé et inauguré dimanche 12 novembre à Douaumont dans la Meuse. Il rend hommage aux 2 000 soldats martiniquais tués pendant la Grande Guerre. Le village de Douaumont a lui été détruit en 1916 lors de la bataille de Verdun, inhabité, il est devenu un lieu de souvenir.
Cette statue de 21 tonnes, 2m80 de haut et 2 mètres de diamètre, a été conçue par un artiste martiniquais, Hervé Beuze, grâce à la mobilisation de l’association du Pays d’Étain Martinique (APEM) qui œuvre pour la préservation et la promotion de la mémoire combattante. Jusqu’alors, aucun monument spécifique n'était dédié aux soldats martiniquais de la Première Guerre mondiale.
Le sculpteur fait cohabiter dans son œuvre deux symboles : la pierre de Savonnières, une pierre de calcaire typique de la Meuse, et la canne à sucre, emblème des Antilles. "Il y a le geste de la canne à sucre coupée. Et cette tranche de canne coupée est devenue pour la sculpture, le plateau sur lequel le Poilu a émergé, à l’image des soldats à l'époque qui sortaient des tranchées. Des soldats sont morts, leurs corps n'ont pas été retrouvés et on ne sait pas où ils ont été enterrés", décrit Hervé Beuze.
"En Martinique, il y a eu des monuments aux morts dans chaque commune mais sur le sol de la France (métropolitaine), il n'y a pas d'endroit précis pour que les Antillais se recueillent."
Hervé Beuze, artiste martiniquaisà franceinfo
"C'est important d’avoir un lieu de recueillement, un élément fort qui permet d'honorer cette mémoire, surtout pour tous ceux qui ont un lien familial et aussi, pour tous ceux qui ont une fibre nationale importante", poursuit l'artiste.
"Oubliés de l'Histoire"
L’absence de monument spécifique aux soldats martiniquais de la Première Guerre mondiale dans l’Hexagone met en lumière le fait qu'ils ont été "les oubliés de l’histoire", selon Sabine Andrivon Milton, historienne, spécialiste de l'histoire militaire martiniquaise. "Il y a eu des plaques commémoratives faisant référence aux soldats des colonies mais pas spécifiquement à ceux de la Martinique. Il a fallu attendre le centenaire pour qu'on puisse vraiment reparler de l'implication des soldats antillo-guyanais dans cette guerre", précise-t-elle.
Une conscription a eu lieu en 1913 pour les Martiniquais. Il n’y a pas eu de bataillon spécifique, ils ont été dispersés, intégrés à tous les bataillons et notamment dans les Dardanelles. "Les autorités militaires estimaient que la température allait y être plus clémente, indique l’historienne. Mais ça n’a pas été le cas". Selon Sabine Andrivon Milton, les soldats martiniquais étaient patriotes : "Ils avaient envie de montrer qu’ils étaient français". Sur les 9 000 soldats martiniquais mobilisés, 2 000 ont été tués par la guerre, mais aussi par la maladie et le froid.
"On sort de l’esclavage, on leur a donné la nationalité donc ils ont voulu montrer qu’ils étaient prêts à verser leur sang pour la France."
Sabine Andrivon Milton, historienneà franceinfo
Pour cette spécialiste de l’histoire militaire martiniquaise, ce monument est vraiment une mémoire importante. "Il symbolise le fait qu’au niveau national, on a enfin pris conscience de leur place. C’est une revendication que l'on entend en Martinique. Certains se demandent si on sait en métropole que ces soldats ont existé, et ce qu’ils ont fait pour eux. Certes, ce monument, ce n’est 'rien', on s’attend toujours à plus mais c’est déjà ça, c’est symbolique. Et au-delà de la guerre 1914-1918, cela rend aussi hommage à tous les soldats martiniquais qui ont participé aux différents conflits, et qui sont morts", estime Sabine Andrivon Milton.
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