Cet article date de plus de sept ans.

Le brief éco. L'Europe, championne de la finance de l’ombre

Le poids de la finance parallèle ne fait que gonfler d’année en année, y compris en Europe. Et ce, en toute légalité.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Cugny
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La finance de l'ombre avait déclenché la crise mondiale il y 10 ans, notamment avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. (JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

92 000 milliards de dollars (85 000 milliards d’euros) : c’est le montant des sommes traitées dans le monde par la finance parallèle. Ce chiffre est contenu dans le dernier rapport du Conseil de stabilité financière. Une somme astronomique qui ne fait que gonfler d’année en année, y compris en Europe. Et ce, en toute légalité.

Une odeur de soufre ? 

En anglais, la finance parallèle a un nom : on parle de "shadow banking", littéralement "la banque de l’ombre". La version anglo-saxonne a le mérite d’appeler un chat un chat. Quand on parle de marché parallèle, cela sent le soufre. Mais il ne s’agit pas d’un trafic illicite car ce type de finance est on ne peut plus officiel. Il s’agit de structures qui gèrent le crédit en dehors du système bancaire traditionnel (fonds immobiliers, par exemple) mais qui ne sont pas soumises aux règles des autres établissements comme les banques, les compagnies d’assurances, etc. Ces structures parallèles gèrent du crédit sans être rattachées à la banque centrale.

Système observé mais pas régulé 

Le Conseil de stabilité financière, qui publie les chiffres, a été créé lors d'une réunion du G20 à Séoul en 2010 pour suivre cette finance de l’ombre qui avait déclenché la crise mondiale trois ans plus tôt, notamment avec la faillite de la banque américaine Lehman-Brothers. Où en sommes-nous en 2017 ? Le volume d’argent traité aujourd'hui par la finance parallèle est supérieur à ce qu’il était avant la crise. Les 92 000 milliards de dollars en question représentent l’équivalent de 150% du PIB mondial (150% de la richesse que produisent chaque année les pays développés). L’Europe est passée devant les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, le Canada et le Japon… Impossible de savoir ce qu'il en est pour le Luxembourg. 

Pas de leçons tirées des crises précédentes 

Ce système d‘intermédiation financière parallèle peut avoir son utilité pour financer certains pans de l’économie réelle. Mais il manque d’encadrement, d’où les dérives constatées. Le shadow banking crée le finance bashing (le dénigrement systématique), engendre des réactions extrêmes de l’opinion et alimente le populisme. "La finance n’a pas à être morale, mais elle ne doit pas être immorale", diront certains. Un vrai sujet de réflexion pour les politiques. Pourquoi pas Emmanuel Macron, qui veut "réformer l’Europe" ? Cette Europe de la régulation à qui il manque visiblement un bras quand on regarde tous ces chiffres délirants.

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