Le billet sciences. Vers une aviation verte grâce à l’hydrogène ?
Le ministre de l'Economie Bruno Lemaire a annoncé cette semaine un avion zéro émission, volant à l'hydrogène, d'ici 15 ans. La transition verte dans l'aviation est-elle lancée ?
Cette semaine, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie a proposé 15 milliards d’euros pour soutenir la filièrere aaéronautique, avec l’annonce d’un avion zéro émission à l’hydrogène pour 2035, Mais est-ce réaliste ?
L'Association internationale du transport aérien a chiffré à 286 milliards d’euros l'impact de la pandémie sur le chiffre d'affaires des compagnies aériennes en 2020, soit une chute de 55% par rapport à 2019. Avec déjà près de 15 milliards déboursés, le gouvernement français vient en aide à la filière française mais demande en contrepartie une accélération de la transition verte vers une aviation durable.
La France en avance
L’hydrogène pourrait être une solution, surtout que la France est un leader mondial dans ce domaine. Cela fait par exemple 50 ans que la société française Air Liquide fabrique des réservoirs et fournit de l’hydrogène pour le spatial. On pourrait d’ailleurs s’en servir comme carburant dans les réacteurs actuels légèrement modifiés, tant et si bien qu’on puisse le stocker à bord : "On a du coup un moteur qui est complètement décarbonné et absolument sans particules, parce que les particules sont aussi responsables des trainées d’avions, qui en faisant écran sont-elles même responsables de la moitié de l’impact sur le changement climatique de la part de l’aviation" dit Pierre Crespi directeur de l’innovation chez Air Liquide.
Mais encore faut-il fabriquer de l’hydrogène "propre" c’est-à-dire non extrait des produits pétroliers comme c’est le cas actuellement pour 95% de la production, tout simplement parce que c’est moins cher. Une façon vertueuse de fabriquer l’hydrogène est de l’extraire de la molécule d’eau (H2O) par électrolyse, à condition que le courant soit issu des énergies renouvelables.
En faisant passer l’hydrogène dans une pile à combustible, on produit de l’électricité avec, comme seul déchet, de l’eau potable ! c’est ce qui existe depuis de nombreuses années dans la station orbitale. Pour se passer des énergies fossiles, on parle également de carburant synthétique, fabriqué à partir de CO2, et d’hydrogène. C’est un peu comme dans la nature : du carbone, de l'hydrogène, et de la photosynthèse. Et on peut le faire de suite avec l’avantage de capter les émissions de CO2 que nous rejetons. "On pourrait imaginer capter le CO2 d’une cheminée d’usine et puis avec de l’hydrogène vert, on peut produire un carburant synthétique et diviser par deux les émissions de CO2 de l’ensemble de l’aviation. Toutes les briques de l’aviation verte sont là, il suffit maintenant de les mettre en oeuvre", poursuit Pierre Crespi.
Des technologies manquantes
Le problème aujourd’hui réside dans le stockage de l’hydrogène. Pour les voitures on utilise de l’hydrogène gazeux dans des réservoirs sous haute pression avec l’avantage de faire le plein en trois minutes comme pour l’essence ou le GPL. Mais pour l’avion, c’est plus compliqué, c’est lourd et ça prend de la place, alors la solution est de stocker sous forme liquide, c’est-à-dire maintenu à moins 250 degrés. "On va devoir passer à l’hydrogène liquide que l’on stocke dans une espèce de bouteille Thermos extrêmement résistante et on pourra certainement, d’ici une dizaine d’années, sur des avions régionaux d’une centaine de places, dont les hélices seraient, non pas entraînées par un moteur à kérosène, mais par de l’électricité issu des piles à combustibles avec un réservoir qui permettrait de faire 2 à 3 heures de vols", dit Pierre Crespi
L’hydrogène qui peut se fabriquer partout dans le monde, éviterait notre dépendance au pétrole. Si la filière était développée dans tous les secteurs comme le routier, le ferroviaire ou le maritime, il deviendrait compétitif, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui faute de donner un prix au carbone qui soit dissuasif.
L’aide à l’innovation de cette semaine est bienvenue, mais elle doit se faire à l’échelle européenne, faute de quoi nous resterons au bord du chemin tracé par nos amis américains ou chinois.
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