Voici l'être vivant doté du plus gros génome jamais découvert
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous parle d’une petite plante qui n’a l’air de rien, mais qui sidère les botanistes : elle a le plus gros génome de la planète ! À quoi sert le gigantisme du génome de cette petite fougère ?
franceinfo : Cette petite fougère détient un record absolu ?
Hervé Poirier : Cette petite plante a 160 milliards 750 millions de lettres dans son génome ! Record absolu, oui. C’est 11 milliards de plus, que la petite fleur japonaise qui détenait jusqu’ici le record. Surtout, c’est 50 fois plus que nous ! Une vraie blessure narcissique pour l’humain, qui s’imagine facilement au sommet de l’arbre du vivant.
Les chercheurs qui viennent de présenter ce monstre sont des spécialistes de cette quête des grands génomes. Ce sont eux qui, il y a 10 ans, avaient déjà repéré la petite fleur japonaise. Et ils pensent qu’ils auront maintenant du mal à trouver mieux. Donc oui, nous avons probablement là, l’être vivant doté du plus gros génome de la planète !
Et à quoi elle ressemble, cette petite plante ?
À pas grand-chose en fait... C’est un psilote, un cousin de la fougère, qui pousse dans les forêts de Nouvelle-Calédonie – Tmesipteris oblanceolata pour les intimes. C’est juste une tige d'une vingtaines de centimètres, toute menue, sans véritable racine, sans vraies feuilles, sans fleur. Elle est sans doute assez proche des premières plantes d’il y a 400 millions d’années. Bref, ce monstre passe facilement inaperçu – on peut facilement marcher dessus sans s'en rendre compte.
Mais pourquoi une plante aussi simple et archaïque a-t-elle développé un génome aussi gargantuesque ?
C’est la question qui fascine les botanistes. Dès les années 60, ils avaient remarqué qu’il n'existe pas de relation entre la complexité d'un organisme et la taille de son génome. Ils ont appelé cela "l’énigme de la valeur C"– c pour "complexe". Alors à quoi sert ce gigantisme génétique ? A priori, pour notre petit psilote, c’est plutôt un handicap énergétique. Il faut bien qu’il amasse beaucoup d’atomes, donc beaucoup de minéraux, pour former son ADN et le dupliquer à chaque division cellulaire.
Et puis, seule une petite partie de son génome correspond à des gènes, qui codent pour des fonctions – le reste est non codant. Comment la machinerie cellulaire de la plante réussit-elle à y accéder dans tout ce fatras ? On n’en sait rien : le génome du psilote n’a pas été séquencé, juste quantifié. Et vu sa taille, pas sûr que les techniques modernes soient suffisantes pour trouver les gènes dedans.
Bref, le psilote est un monstre mystérieux, qui rend "l’énigme de la valeur C" plus intrigante que jamais… Tâchez donc de ne pas l’écraser par mégarde, si vous vous baladez dans les sous-bois néo-calédoniens : c’est le plus grand géant de la botanique.
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