Première démonstration d'une culture "cumulative" animale

Pour la première fois, on a vraiment vu un animal accumuler de la connaissance, un bourdon. Les précisions d'Hervé Poirier.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Un bourdon en plein vol. Accumuler du savoir, ce n’est pas le propre de l’humain. La preuve vient d'être faite. (Illustration) (KIMBERLY HOSEY / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous parle aujourd’hui de la première véritable démonstration d’une culture cumulative, dans le monde animal. 

L’expérience a été menée sur des bourdons. Et elle démontre que ces petits insectes sont capables d’apprendre un nouveau comportement complexe qu’il n’aurait pas été capables d’inventer eux-mêmes, simplement en regardant leur congénère le réaliser avec succès. C’est cette culture cumulative qui a permis aux humains de réussir finalement à construire une voiture ou un smart-phone. C’est une grande première chez un invertébré.

franceinfo : Hervé, vous nous dites que pour la première fois, on a vraiment vu un animal accumuler de la connaissance. Et que cet animal, c’est le bourdon ! il va falloir nous expliquer. 

Hervé Poirier : La culture cumulative, c’est le secret de l’inventivité humaine. Personne n’est capable de concevoir tout seul une voiture, un téléphone, une fusée ou un ordinateur. Ces technologies n’ont pu être conçues que parce que l’humain sait accumuler les connaissances acquises par d’autres.  

Est-ce propre à notre espèce ? Les spécialistes des animaux pensent que non. Le lavage des aliments par un macaque, ou la conception d’outils en feuille par un corbeau, sont des exemples souvent cités de culture cumulative animale. Sauf cela n’a jamais été vraiment prouvé. 

Car ces comportements sont relativement simples : ils pourraient être réinventé par un macaque ou un corbeau sans apprentissage social. Pour la première fois, avec le bourdon, c’est clair : on a vu à l’œuvre une culture cumulative. On a vu cet insecte réussir à faire des choses qu’ils n’auraient pas été capables d’inventer tout seul. 

Il s’agit de quoi exactement, quand on parle de culture cumulative ? 

L’expérience a été menée à l’Université Queen Mary à Londres. Il y a une boîte transparente qui contient une récompense sucrée : pour l’ouvrir, il faut d'abord pousser une languette bleue, ce qui dégage une languette rouge, qu’il faut à nouveau pousser. Complexe. 

Tellement complexe que trois colonies de bourdons qui longtemps essayé, n’ont jamais réussi à déverrouiller le système. Mais les biologistes ont formé 6 bourdons à la résolution de ce problème, en les faisant patiemment progresser, étape par étape. Chacun a ensuite été placé avec un autre bourdon, naïf, qui découvre le dispositif.  

Or après 30 à 40 séances de 20 minutes, un tiers de ces novices a réussi à son tour à ouvrir la boîte ! Ce comportement, ils ne sont pas capables de l’inventer eux-mêmes : ils l’ont donc bel et bien appris, en regardant leur mentor relever le défi avec succès. CQFD... 

Et à quoi cela leur sert, cette culture cumulative ? 

Pas à ouvrir des boîtes ou construire des fusées… En milieu naturel, ce n’est pas très clair. Et sans doute assez limité, puisque les colonies de bourdons ne durent que deux à trois mois : pas le temps d’accumuler beaucoup de savoir. 

La culture cumulative pourrait être plus impressionnante chez d’autres insectes sociaux proches, comme les abeilles domestiques, qui forment des colonies qui durent des années, voire des décennies. En tout cas, la preuve est maintenant faite : accumuler du savoir, ce n’est pas le propre de l’humain. 

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