Les baleines bleues aiment s’hybrider avec les rorquals communs

Une nouvelle analyse de l’ADN des géantes de l’Atlantique Nord montre qu’elles possèdent en moyenne 3,5 % du génome des rorquals communs – une espèce de baleine assez éloignée sur le plan évolutif et affichant 80 tonnes de moins. Ces improbables hybrides devaient être stériles, or les biologistes ont constaté qu'ils se reproduisent et se perpétuent.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Une baleine bleue (balaenoptera musculus) au Portugal. (Illustration) (GERARD SOURY / THE IMAGE BANK RF / GETTY IMAGES)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon nous parle aujourd'hui de la vie sexuelle des baleines bleues. Des géantes de l’Atlantique Nord dont l'analyse ADN montre qu'elles possèdent en moyenne 3,5% du génome des rorquals communs. Les raisons et les conséquences de ces mélanges restent pour l’heure inconnues.

franceinfo : On découvre que ces baleines bleues aiment s’hybrider avec les rorquals communs ?

Hervé Poirier : Des biologistes canadiens se sont lancés dans une vaste analyse génétique de ce monument de 30 mètres de long et de 150 tonnes – le plus gros animal de la planète. Ils ont séquencé une trentaine de génomes issus de squelettes de musées, d’échouages récents, ou de prélèvement direct, des spécimens venant principalement de l’Atlantique nord. Et surprise : ces géantes possèdent en moyenne 3,5% du génome des rorquals communs – une autre espèce de baleine, assez éloignée sur le plan évolutif, qui s’est séparée de la baleine bleue il y a plus de 8 millions d’années.

Des cas d’hybridation avaient déjà été repérés, mais les scientifiques les pensaient stériles. En fait non, ils se reproduisent, se perpétuent. L’hybridation semble régulière, et se faire toujours dans le même sens : entre une femelle baleine bleue et un mâle rorqual commun, qui affiche pourtant 80 tonnes de moins !

Mais comment deux espèces si différentes peuvent se reproduire ? 

En théorie, ce n’est pas possible : les espèces sont justement définies comme des populations d’individus qui peuvent se reproduire entre eux. Mais la nature n’a que faire de nos définitions. On connaît la mule, issue d’un âne et d’une jument. Un peu moins le cochonglier. Vous connaissez le zébrule ? Un zèbre et une jument. Ou le mouchèvre, né du mouton et de la chèvre ? Le cama ? Chameau plus lama. Sans parler de l’hippocéros – à ma connaissance, ça n’existe pas. Il a été récemment démontré qu’un quart des espèces de papillons peut s’hybrider avec une autre espèce.

Et nous savons depuis 15 ans que nous sommes, nous aussi, des hybrides, avec une part de Neandertal en nous. Cela reste un jeu de dé : à l’instar de la mule, les individus, souvent plus robustes, sont aussi souvent stériles. Mais pas toujours, à l’instar de nos baleines. Et les biologistes sont en fait en train de se rendre compte que l’hybridation est un des moteurs de l’évolution, un moteur plus puissant que ce qu’ils pensaient.

Quelles conséquences vont avoir ces hybridations pour les baleines bleues ?

Impossible à dire pour l’instant. Mais c’est un nouveau paramètre à prendre en compte dans les stratégies de conservation de cette espèce classée en voie de disparition – il reste aujourd’hui entre 5 et 15.000 individus.

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