Ukraine : qui est Rafael Grossi, le patron de l’AIEA qui a débarqué à la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, en territoire occupé par les Russes ?
Sa première visite à la centrale de Zaporijjia en septembre avait déjà marqué les esprits. Pour sa deuxième, le directeur général de l’AIEA (Agence International pour l’Energie Atomique) est arrivé mercredi 29 mars à bord d'un véhicule blindé de l'armée russe, encadré par des soldats en tenue de combat, sous l’œil des journalistes qui avaient été conviés par les russes. On est en zone occupée et avec une "activité militaire en hausse", estime Rafael Grossi. Il s’en inquiète et espère, de ce déplacement, que les deux pays s’entendent sur quelques engagements, a minima celui de ne pas attaquer la centrale. À ce stade, les ukrainiens demandent toujours le retrait des troupes de Moscou. Et Moscou accuse Kiev de vouloir reprendre le site par la force, au mépris du risque encouru.
L’engagement total de Rafael Grossi dans ce dossier lui vaut en tout cas d’avoir été reconduit au début du mois par acclamation unanime des 35 membres du Conseil des gouverneurs de l’AIEA après avoir imposé, dit-on, un style "audacieux" durant son premier mandat. Il a aussi été très actif sur le volet du nucléaire iranien, allant plusieurs fois à Téhéran.
Pas un technicien du nucléaire, mais un diplomate
Rafael Grossi a 62 ans, il a huit enfants. Il est argentin, c’est d’ailleurs le premier sud-américain à diriger l’AIEA depuis sa création en 1957. Il avait succédé en 2019 au Japonais Yukiya Amano qui venait de mourir au bout de 10 ans de mandat. Ce n’est pas un technicien du nucléaire, mais bien un diplomate. Il a fait ses études en sciences politiques à l’université catholique d’Argentine avant de devenir docteur en relations internationales et politique internationales, à Genève. Un parcours de diplomate classique, d’abord au ministère des Affaires étrangères avant de diriger les ambassades argentines en Belgique et au Luxembourg. Tout en officiant en parallèle à l’OTAN, puis à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques à la Haye. Depuis 2013, il était ambassadeur d’argentine à Vienne en Autriche et représentait déjà son pays au sein de l’AIEA avant d’en prendre la direction.
C’est donc bien en diplomate qu’il tente depuis un an de faire cesser les combats autour de la centrale de Zaporijjia. Il rencontre l’ukrainien Volodymyr Zelensky, échange avec le russe Vladimir Poutine et avec les chefs d’État du monde entier. Mais il est aussi arrivé aujourd’hui avec trois inspecteurs de l’AIEA qui viennent relever l’équipe sur place. Une équipe qui surveille la sécurité du site toujours opérée par les ukrainiens qui sont restés, même managés par des russes. C'est ce qu'il racontait ici dans une interview à BFMTV fin novembre dans un français impeccable ! "C'est une situation incroyable, inédite, paradoxale", expliquait-il. Les opérateurs de la centrale sont toujours les ukrainiens qui étaient là. C'est une centrale qui pendant un moment comptait 12 000 employés. Là il y a plus ou moins 4000 qui travaillent. Ils méritent un coup de chapeau de toute la communauté internationale. C'est une centrale nucléaire, c'est un risque énorme. Je suis très content d'avoir pu installer une cellule AIEA sur place. Ils se débrouillent héroïquement." Aujourd’hui, la centrale ne produit plus d'électricité que pour une tâche qui est primordiale : refroidir les réacteurs à l'arrêt et éviter une surchauffe qui serait désastreuse. Mais même cette production-là est régulièrement interrompue.
Un rapport particulier avec la langue française
Dans les nombreuses interviews qu’il donne aux médias francophones, en tout cas, son français impeccable étonne. L’argentin n’a pourtant pas d’origines françaises. Il l'a appris à l'école, puis à l'Alliance française à Buenos Aires. Rafael Grossi explique que le français - littérature, théâtre, ou cinéma français - ont toujours tenu une place centrale dans sa vie. Ses enfants le parlent aussi couramment que l'espagnol. Au gré de ses postes, lui-même s’est mis à parler le néerlandais, l'allemand forcément et l'anglais bien sûr. Mais dans ce métier de diplomate, il affirme qu'il ne se passe pas un jour sans qu'il ait un entretien ou un coup de fil à passer en français.
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