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Perquisitions pour soupçons de fraude fiscale : qui est Jean-François Bohnert le magistrat qui pilote le parquet national financier ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
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Jean-François Bohnert, directeur du Parquet national financier, à Paris le 15 avril 2021. (JOEL SAGET / AFP)

Le parquet national financier (PNF) est né fin 2013 dans la foulée de l’affaire Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande qui avait un compte caché à l'étranger. Depuis, il est devenu l’arme principale du nouvel arsenal antifraude avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et l'Office central de lutte anticorruption. On a beaucoup parlé des affaires Fillon ou Sarkozy, mais les différentes actions anti-fraude ou anti-corruption ont permis de ramener, en tout, 12 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Et la combine fiscale, qui vaut aux cinq banques les perquisitions du jour, pourrait représenter plus d’un milliard d’euros subtilisés au fisc. 

Le grand public connaît peu le pilote de ce PNF. Jean-François Bohnert a 61 ans, il est alsacien, parfaitement trilingue, français, anglais, allemand. Formé à l’Ecole nationale de la magistrature, il démarre en 1987, comme substitut du procureur au tribunal de Strasbourg, mais très vite, il bifurque vers une carrière européenne. En 1993, il a 31 ans : il est détaché en Allemagne auprès du ministère de la Défense où il est juge d'instruction au tribunal aux armées des forces françaises. En 1998, c’est pour le ministère des Affaires étrangères qu’il devient le premier "magistrat de liaison" français chargé d’améliorer la coopération judiciaire avec l'Allemagne. En 2003 : il déménage à La Haye où il devient numéro deux d’Eurojust, l'organisme européen de coopération en matière de justice.  

Les reproches de plusieurs magistrats

Il finit par rentrer en France en 2007, avec différents postes : à Dijon comme procureur adjoint au tribunal de grande instance, à Bourges comme avocat général près la cour d'appel, puis à Rouen comme procureur pendant trois ans et enfin procureur général à la cour d'appel de Reims. Grâce à son parcours européen, Jean-François Bonhert est à deux doigts de devenir le premier procureur européen antifraude, un poste qui reviendra finalement à une Roumaine. C’est à ce moment-là que son nom s’impose, comme un "lot de consolation" diront certains, pour prendre la tête du PNF en 2019, où il succède à Eliane Houlette. L’homme est décrit comme jovial, plutôt rond mais pas très courageux. Plusieurs magistrats lui reprochent clairement de n’agir que quand il ne peut plus faire autrement. 

L’an dernier, c’est pourtant lui qui déclenche l’enquête sur les liens entre le sommet de l’État et le cabinet McKinsey. Mais précisément, il lui a été reproché d’avoir tardé. En 2017, le PNF avait déclenché l’enquête sur l’emploi fictif de Penelope Fillon en 24 heures après un article du Canard enchaîné. Là, il s’est écoulé deux semaines entre le rapport de la commission sénatoriale et la décision du PNF de creuser les accusations de blanchiment aggravé de fraude fiscale qui visaient le cabinet de conseil américain. D’ailleurs, il ne l’a rendue public qu’une semaine après, ce qui, là encore, lui a été reproché dans ce dossier qui concernait potentiellement les comptes de campagne d’Emmanuel Macron.

Des condamnations à "des niveaux très sérieux" à l'actif du PNF

Quel bilan dresse-t-il aujourd’hui de l'action du PNF parfois soupçonné de ne pas être aussi dur avec les puissants qu'avec les petits ? La question lui a été posée récemment par un auditeur de France Inter dans le 13 heures de Bruno Duvic. Voici ce qu’il a répondu : "Encore récemment, nous avons fait condamner deux anciens ministres et un ancien dirigeant de parti politique. Ce sont les preuves des avancées. Ce sont des personnes physiques ou morales qui sont condamnées à des niveaux très très sérieux, qu'il s'agisse de peines d'emprisonnement ou de peines d'amendes. C'est peut-être un procès un peu dur qu'on nous fait, en tous cas, il m'incite à faire encore mieux." 

Michel Mercier, garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy, de trois ans de prison avec sursis pour des emplois fictifs accordés à sa femme et sa fille. Quant à l'ancien patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, il a été condamné à dix mois de prison avec sursis pour avoir octroyé un emploi fictif à sa belle-mère. Le PNF traite aujourd'hui 700 dossiers avec des effectifs qui passeront en septembre à 20 magistrats – et même 25 si l’on compte les cinq assistants spécialisés.

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