Cet article date de plus d'un an.

Amazonie : qui est Raoni, le chef kayapo qui achève ce week-end une tournée européenne de presque un mois pour collecter des fonds pour les tribus et la forêt amazonienne ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le chef Raoni à Lyon le 22 mai 2023. (JOEL PHILIPPON / MAXPPP)

Raoni achève dimanche 4 juin une tournée européenne de presque un mois par un rendez-vous à l’Elysée avec Emmanuel Macron. Même s’il surgit régulièrement en Europe – c’est sa neuvième campagne mondiale dédiée à la protection de la forêt amazonienne – il garde au fil de ces apparitions un caractère de total intrus par cette lèvre en forme de coupole très reconnaissable. Ses vêtements, son cri d'alarme permanent pour l'environnement et même sa langue qui est un casse-tête pour les interprètes à chaque fois. Il parle peu le portugais donc pour le traduire en français par exemple, il faut un premier interprète de sa langue au portugais, et un second du portugais au français. 

>> Amazonie : "J'ai besoin de vous" pour sauver la forêt, clame le chef indigène Raoni à Paris

Même s’il vient régulièrement en Europe, il n’est pas dans son monde ici. De son vrai nom, Ropni Metuktire, il raconte lui-même qu'il avait 20 ans la première fois où il a vu une personne blanche. Il est né au début des années 1930, "sans doute en 1932" dit le site internet raoni.com, au cœur du Mato Grosso, un Etat dans le centre-ouest du Brésil. Il vit une enfance nomade, sous la responsabilité de son frère qui lui installe à 15 ans un labret, cet ornement sur la lèvre inférieure, qu’il change plusieurs fois et atteint sa taille finale assez vite, au bout de quatre mois. A 15 ans, il est donc identifié comme guerrier prêt à mourir pour sa terre. 

Une rencontre a été déterminante pour lui, celle avec les frères Villas Boas, deux indigénistes qui viennent passer du temps avec lui et qui l’emmènent en ville faire quelques courses. Ce déplacement sera fatal. Dans la foulée, des diarrhées et des grippes surgissent. Il perd ses deux grands-mères et son père. Il quitte alors le village, plein de colère, où il ne reviendra que bien plus tard pour devenir le chef des kayapos de ce territoire du Xingu, son père lui ayant transmis tous les rites et savoirs ancestraux. 

Le film Raoni au festival de Cannes en 1977

Son nom surgit pour la première fois en Europe à l’occasion du festival de Cannes en 1977, avec un film de Jean-Pierre Dutilleux qui porte son nom, Raoni. Le film installe ce combat, déjà, contre le gouvernement brésilien pour préserver leur identité culturelle et leur territoire. Ils sont alors 120 000 dans les réserves contre quatre millions "avant la conquête" comme c'est écrit à l’époque dans le journal le Monde. Dans cet article, il apparaît que le combat n’est pas que médiatique car cet été-là, "dans le Haut-Xingu, onze travailleurs qui avaient commencé à déboiser la forêt près de leur réserve sont assassinés à coups de gourdin par des Indiens sous la conduite de Raoni". "Tous les Blancs doivent mourir !" avait-il dit.

Le vrai déclic, c'est en 1989. Le monde entier le découvre lorsqu’il fait sa grande tournée avec le chanteur Sting. Ils se rendent dans 17 pays. C’est la première fois que Raoni met les pieds hors du Brésil. Il n'a pas loin de 60 ans. Les caméras et les photographes ne le lâchent plus. Il crée la Fondation Rainforest qui existe toujours et qui récoltera cette année-là 20 millions de francs. La prise de conscience est planétaire, au point que quatre ans plus tard, en 1993, un territoire kayapo est officiellement démarqué, constituant la plus grande réserve de forêts tropicales de la planète.

Les chefs d’Etat se bousculent pour le recevoir. François Mitterrand sera le premier, suivi par Jacques Chirac, le roi d'Espagne, le prince Charles, l'empereur du Japon, le pape Jean-Paul II. Le G7 débloque des fonds. Il est de tous les sommets internationaux, notamment à Paris, lors de la COP21 où il met en garde les chefs d’Etat contre les fausses bonnes idées, à l'image des barrages hydroélectriques qui menacent la forêt : "Un autre de nos grands soucis, ce sont ces barrages hydroélectriques, car ils peuvent apporter beaucoup de problèmes au peuple indien"

"Si les hommes politiques décidaient de faire de tels barrages, cela rendrait notre vie encore plus difficile"

Raoni

à la COP 21

"Nous allons lutter contre ces projets. J'espère qu'avec ce sommet, nous aurons des aides pour la démarcation des terres de tous les peuples indigènes au monde", avait-il déclaré. 

Les barrages sont l’un de ses grands combats, notamment sa lutte contre le projet de Belo Monte, dans le nord du Brésil. Raoni a donc aujourd’hui autour de 90 ans et la relève est prête. Pour cette tournée européenne qui s’achève, il était accompagné d’autres chefs indigènes : le chef yawalapiti prénommé Tapi, il a 45 ans, il est le premier à avoir fait des études supérieures à Brasilia. Il y a aussi Watatakalu qui porte le combat des femmes d’Amazonie. Son neveu Bemoro était également du voyage. 

>> VIDEO. Le chef indien Raoni refuse toujours la construction du barrage de Belo Monte

En 2020, Raoni avait été hospitalisé, très faible et déprimé, après la mort de son épouse Bekwyjka, sa conseillère depuis plus de 60 ans. Aujourd'hui, il semble avoir retrouvé toutes ses forces et il en aura besoin, puisqu'en quittant l’Elysée, dimanche 4 juin, il s'envolera pour Brasilia où il doit participer à une grande manifestation prévue mercredi 7 juin. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.