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Transition énergétique : "On a un grand potentiel inexploité de production d’énergie locale à partir des déchets et des eaux usées", se réjouit la directrice générale de Veolia

La sortie des énergies fossiles est-elle bien en ligne de mire ? C'est tout l'objet de la COP28 qui se tient à Dubaï, jusqu'au 12 décembre. La journée de mardi est consacrée à l'énergie, sujet qui est au cœur des activités d'Estelle Brachlianoff, directrice générale de Veolia.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Estelle Brachlianoff, directrice générale de Veolia (France Info)

Estelle Brachlianoff est la directrice générale de Veolia, entreprise tricolore mondialisée spécialisée dans le traitement de l'eau et des déchets, mais aussi dans l'énergie. Elle revient justement de Dubaï où se tient la COP28. La journée du mardi 5 décembre était consacrée à l'énergie.

Franceinfo : Avez-vous l'impression qu'il y a une réelle volonté de sortir des énergies fossiles ?

Estelle Brachlianoff : Vous avez raison, j'ai été à Dubaï, à la COP. C'est ma première COP en tant que patronne de Veolia et ce que j'y ai vu, ce que j'y ai entendu, ce sont des débats sur le mix énergétique et comment l'accélérer, donc comment faire plus de renouvelable, plus vite. Et comment transitionner, transformer, par exemple pour sortir du charbon le plus vite possible.

Sentez-vous qu'il y a une volonté réelle, politique, aussi bien de la part des Etats que de la part des entreprises ?

Les mots "accélération", "transformation du mix énergétique", j'ai dit qu'ils étaient partout, en tout cas dans les tables rondes et les événements auxquels j'ai assisté. J'ai notamment participé à une table ronde sur l'accélération de la sortie du charbon. Vous savez que c'est un des plus grands polluants au sens CO2 des énergies fossiles. Autour de la table, il y avait Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, Emmanuel Macron et moi-même, représentant une entreprise et donc apporteur de solutions concrètes avec tout ce que sait faire le secteur privé pour mettre de l'efficacité, de l'innovation au service de la transformation écologique.

Parmi les métiers de Veolia, il y a le traitement et la valorisation des déchets. J'ai vu que pour le chimiste Solvay, vous aviez mis au point un combustible solide à partir de déchets. C'est à Dombasle-sur-Meurthe. Ça remplace le charbon ?

Oui, on a des exemples partout en France de ce type-là. Globalement, il y a dans le mix énergétique, il y a quelque chose dont on parle à mon sens trop peu : c'est l'énergie à partir des déchets, à partir des eaux usées, l'énergie qui est perdue. Donc finalement, c'est tout ce que les autres ne veulent pas ou ne veulent plus. À Veolia, on le transforme pour en faire un carburant alternatif, par exemple, aux énergies fossiles. Et donc à Dombasle, en Lorraine, pour Solvay, on a remplacé du charbon par un combustible fait à partir de déchets non recyclable. En région parisienne, on produit aussi du biogaz, du méthane, la même chose que le gaz naturel, mais à partir de la dégradation des déchets. Donc plein d'exemples comme ça, où on se rend compte qu'on a un potentiel encore en grande partie inexploité de production d'énergie locale.

Mais pourquoi est-ce inexploité ? Ça coûte trop cher ? C'est tabou ? Parce qu'on ne le sait pas ?

Jusqu'à une période récente, on ne réalisait pas le potentiel de tout ça et on n'en avait peut-être pas tout à fait besoin. Aujourd'hui, quand je vous dis que c'est de l'énergie locale, cela veut dire qu'elle est produite dans les régions, dans les territoires en France. C'est une énergie de chez nous qui sert à alimenter les besoins énergétiques de chez nous. Donc, plutôt que de dépendre de l'import de carburant fossile d'un autre pays - préoccupation qui est montée depuis le début de la guerre en Ukraine -, on se met à chercher de l'énergie partout où on peut la trouver.

Mais au départ, cela demande des investissements et donc cela coûte plus cher.

Alors au départ, ça demande des investissements, mais en l'occurrence, cela ne coûte pas nécessairement plus cher que toutes les alternatives qui existent.

"C'est une énergie qui est locale, qui est abordable, qui crée des emplois sur nos territoires et qui est vertueuse au niveau environnemental."

Estelle Brachlianoff

à franceinfo

Et pour l'instant, c'est dérisoire.

Pour l'instant c'est quelques pourcents. Mais si on met bout à bout toutes ces sources d'énergie à partir de déchets ou d'eaux usées, ça représente quand même 45% du gaz qu'on importait de Russie avant. Donc dans le mix de solutions, ça a toute sa place. Pour moi, c'est une grande traduction du fait que la transformation écologique, elle peut finalement prendre soin de tout le monde. Je vous parlais de créations d'emplois localement, donc ça n'est pas nécessairement une façon d'opposer les uns et les autres. Là, on unit nos forces et on arrive à trouver un potentiel.

La France est votre premier marché avec 25% de votre chiffre d'affaires. Il y a donc la transformation, la valorisation des déchets. Il y a aussi le recyclage. On est très mauvais en France concernant le recyclage du plastique. L'objectif européen, c'est de recycler 50% des emballages en plastique en 2025. Aujourd'hui, on est en dessous de 27%. Comment l'expliquez-vous ? Comment l'analysez-vous ?

Vous avez raison, Véolia, c'est une entreprise mondiale. 20% de son chiffre d'affaires est en France, 60% en Europe et 40% en dehors d'Europe, donc vous avez raison, ça nous permet de tirer des leçons de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Sur le sujet du recyclage, la France est dans le verre à moitié vide ou à moitié plein. On n'est pas parmi les mauvais élèves, on n'est pas non plus dans les meilleurs, qui seraient les pays scandinaves. Donc on n'a pas à rougir, mais on a encore des progrès à faire. Les déchets non recyclables, autant en fabriquer de l'énergie. Et les déchets recyclables, ça vaut le coup de les mettre dans la poubelle jaune parce qu'on arrive très bien à les recycler.

Ce n'est qu'une question de poubelle jaune ?

Pour ceux qui se posent la question de savoir si cela sert à quelque chose, la réponse est oui. On fabrique derrière des nouvelles bouteilles d'eau à partir des bouteilles que vous mettez dans votre poubelle jaune et des nouvelles sources de papier et de carton. Donc oui, ça sert à quelque chose. Est-ce qu'on peut faire mieux ? Oui.

Mais c'est à nous de faire mieux, donc aux utilisateurs.

C'est à tout le monde. Là aussi, je pense qu'il n'y a pas de baguette magique. C'est à chacun de faire attention à jeter dans la bonne poubelle. C'est aussi éviter le gâchis, en utilisant par exemple une bouteille d'eau en plastique, alors que vous pouvez tout à fait avoir une gourde et prendre de l'eau du robinet. C'est une série de réponses.

Tous les déchets qui ne sont pas recyclés ou valorisés sont brûlés, ce qui émet du CO2 : 14 millions de tonnes de CO2 en France, ai-je lu. Que faut-il en faire ? Le capter ? Il y a un grand débat aujourd'hui autour de la captation de CO2.

Quand on parle de solutions pour décarboner, il y a le mix énergétique, avec notamment les sources d'énergie locales ; il y a le recyclage qui est beaucoup plus vertueux au niveau de l'émission de carbone que de fabriquer du plastique à partir de pétrole ; et il y a aussi à la fin, sans doute un jour, des solutions de capture et d'utilisation ou de capture et stockage de carbone. Je crois que la question est celle de l'échelle de temps. Un jour, on en aura besoin donc il faut qu'on travaille et qu'on innove pour arriver à le faire fonctionner à l'échelle industrielle. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Notamment pour des questions de coût, car ça coûte très cher.

Ça coûte très cher, ça prend de la place, donc un jour, ça fonctionnera, je n'ai pas de doute là-dessus. Mais ce que je n'aimerais pas, c'est que ce soit une façon de se dire "on n'a qu'à pas mettre toutes les autres solutions en place qui sont disponibles tout de suite et qu'on peut mettre à l'échelle tout de suite, parce qu'on attend qu'un jour la capture de carbone fonctionne." Donc la priorité pour moi, c'est d'accélérer le déploiement des technologies qui existent et qui vous permettent de décarboner. Et pour accélérer, il y a un sujet sur lequel j'ai envie d'insister, c'est la simplification : simplifier les procédures administratives pour fabriquer des projets de production d'énergie locale ou de recyclage, c'est très long, c'est très compliqué, et c'est sans doute trop long et trop compliqué.

Et donc la captation de CO2 ne remplace pas la sortie des énergies fossiles.

"La captation de CO2 sera utile un jour, mais ne remplaçons pas le sujet de la décarbonation de l'existant."

Estelle Brachlianoff

à franceinfo

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