Renault : avec une rentabilité record en 2023, le directeur général Luca de Meo oriente résolument la marque "vers l'innovation"

En 2023, le constructeur français a connu une excellente année, avec un résultat net de 2,2 milliards d'euros. La marque au losange se porte très bien avec un retour aux bénéfices et une rentabilité record. Le directeur général de Renault, Luca de Meo, est l'invité éco de franceinfo jeudi.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8 min
Luca de Meo, directeur général de Renault. (RADIOFRANCE)

Après quatre années moroses, les ventes de Renault en 2023 ont grimpé de 9%, avec plus de deux millions de véhicules vendus, notamment ceux de la marque Dacia et les SUV. Son chiffre d'affaires est en hausse de 13,1%, ce qui correspond à 52,4 milliards d'euros.

La stratégie de diversification du directeur général donne donc de bons résultats et ses voitures se vendent très bien au-delà de la France, notamment au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne. Pour continuer sa course en 2024, la groupe compte aussi renforcer sa transition vers l'électrique, avec le lancement de la nouvelle Renault 5 et le projet Ampere, site industriel ambitieux de production de véhicules électriques dans le nord de la France.

Jeudi 15 février, Luca de Meo est l'invité éco de franceinfo.

franceinfo : Vous êtes arrivé, il y a trois ans maintenant, à la tête d'une entreprise extrêmement meurtrie par l'affaire Carlos Ghosn, une entreprise qui faisait une course frénétique au volume. De quelle stratégie les bons résultats d'aujourd'hui résultent-ils ? Des voitures vendues plus cher et qui coûtent moins cher à fabriquer ?

Luca de Meo : On a appliqué une politique différente par rapport au passé. On a essayé de se centrer sur la valeur, de donner aux clients du contenu qu'ils étaient prêts éventuellement à payer. Et on a limité la croissance, pendant une période, pour remettre la maison en bon ordre. Je pense aujourd'hui que Renault est une entreprise qui fonctionne bien. C'est le meilleur résultat en 125 ans d'histoire de Renault, c'est quand même une performance assez exceptionnelle. Donc le mérite va à toutes les équipes et à tous nos partenaires.

Sur le créneau du 100% électrique, vous allez lancer la Renault 5 cet été. Peut-elle faire aussi bien que son ancêtre des années 80 et que la Clio aujourd'hui ? En gros, devenir numéro un ?

L'ancêtre, on en a vendu quelque neuf millions dans toute sa carrière, qui a été très longue. On a aujourd'hui en tête de proposer la meilleure voiture citadine électrique au monde. J'espère qu'on aura réussi notre pari, mais la voiture est assez exceptionnelle. On va la présenter à Genève et on va ouvrir les commandes disons au printemps. Elle sera chez les concessionnaires à partir de septembre. Et j'espère que ce produit très symbolique pourra vraiment relancer Renault au niveau mondial et nous permettre de faire le virage de l'électrique et rentrer vraiment dans les volumes. Parce que je pense que c'est le but de tous les constructeurs en ce moment.

De vendre beaucoup de ce modèle ?

Pendant une génération, et un peu plus, il y aura encore deux marchés : le marché du thermique et le marché de l'électrique. Mais je pense qu'au final, l'électrique sera très prédominant en Europe.

À quel prix sera vendue cette Renault électrique, fabriquée en France ?

Le prix d'entrée va être aux alentours de 25 000 euros et puis ça pourra éventuellement monter, mais c'est un prix très compétitif. Aujourd'hui, on vend une Mégane entre 37 et 38 000 euros, donc ça fait déjà un seuil d'accès à l'électrique beaucoup plus bas.

On peut donc fabriquer une voiture à 25 000 euros en France, puisque cette voiture est fabriquée à Douai ?

La réponse est oui.

Vos concurrents ont choisi d'autres pays pour leurs petits modèles. La C3 est fabriquée en Slovaquie à 23 000 euros, la 2008 est fabriquée en Espagne...

Le projet Ampere est d'abord un projet industriel assez impressionnant. On est en train de monter, dans le nord de la France, la plus grande plateforme de production de voitures électriques en Europe avec une capacité de 600 000 voitures à terme. Il y a deux giga-factories, deux usines d'assemblage - à Douai et à Maubeuge -, l'usine qui va faire des moteurs électriques. Il y aura 11 000 personnes, dont 35% seront d'ingénieurs. Donc c'est vraiment un projet industriel. Et notre défi, c'était justement de démontrer qu'on est capables de produire des voitures compétitives en France. Et j'espère qu'on va gagner notre pari.

Ces voitures vont bénéficier des nouveaux critères du bonus écologique, qui privilégie les voitures fabriquées en France et en Europe. Même si la Dacia Spring n'en bénéficiera pas puisqu'elle est fabriquée en Chine, est-ce une bonne mesure ?

Le soutien du gouvernement français et d'autres gouvernements européens est le bienvenu. Pour l'instant, les voitures électriques coûtent plus cher que les voitures thermiques, avec des prix encore très hauts. La demande n'est donc pas encore naturelle et il faut un coup de pouce. Un jour, on pourra se priver de ces subventions, mais, pour l'instant, c'est très utile.

La presse italienne a évoqué la possibilité d'une fusion entre Renault et Stellantis, une hypothèse qui a été écartée ce matin sur franceinfo par le patron de Stellantis, Carlos Tavares. De qui pourriez-vous vous rapprocher aujourd'hui ?

On a quand même, dans les trois dernières années, nouer des partenariats différents, comme avec Valeo ou STMicroelectronics, pour faire des choses. Et même un partenariat avec Google. Je pense que le nouveau monde de l'automobile est un monde beaucoup plus horizontal.

Donc des partenariats plutôt que des fusions ?

On n'a pas de projet de ce type-là et je pense que les résultats qu'on a cette année démontrent qu'on est peut-être sur la bonne approche. Il y a beaucoup de technologies nouvelles qu'on n'est pas habitués à traiter, donc à travers ce type de relations avec d'autres secteurs, on apprend beaucoup.

Aujourd'hui, Renault peut-il s'allier à d'autres horizons, et aux Chinois notamment ?

Toutes les options sont ouvertes. Mais pour l'instant, le schéma qu'on a mis en place a l'air de très bien marcher. Et je ne suis pas sûr que l'enjeu de la taille soit la clé pour tous les problèmes d'une entreprise d'automobile. Il faut construire des organisations plus agiles pour gérer la volatilité et des organisations très orientées vers l'innovation. Nous, on essaye de faire de Renault une entreprise très moderne et une entreprise très orientée vers le client. Quand on fait quelque chose pour les clients, normalement, on ne se trompe presque jamais.

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