Pénurie de médicaments : "Le gouvernement a compris qu’il y avait un lien entre le prix, la rentabilité et la disponibilité", selon Jérôme Wirotius, directeur général du laboratoire Biogaran

Depuis l’hiver 2022 se multiplient des pénuries de médicaments, comme l’Amoxicilline, l’antibiotique le plus prescrit en France. Pour résoudre le problème, le gouvernement a annoncé le 3 septembre l’augmentation des prix, en contrepartie de laquelle les laboratoires s’engagent à fournir des stocks suffisants du médicament.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Jérôme Wirotius, directeur général du laboratoire Biogaran (franceinfo)

Jérôme Wirotius, directeur général de Biogaran, laboratoire spécialisé dans les médicaments génériques, assure que tout sera fait pour éviter la pénurie de médicaments constatée l'an dernier.

Le gouvernement a annoncé une série de mesures pour éviter les ruptures de stock subies l'an dernier. Les industriels dont vous faites partie ont obtenu une hausse du prix de l'amoxicilline de 10 %. Est-ce que c'est suffisant?

Jérôme Wirotius : Je pense que la France et les pouvoirs publics, suite à des années de discussions très intense depuis ces trois dernières années, a compris, comme les Français d'ailleurs, qu'il y avait un lien entre prix, viabilité économique au sens large et la disponibilité, ainsi que la souveraineté. C'est-à-dire que tout ça est intimement lié, c'est la raison pour laquelle nous, historiquement, on a toujours décidé de fabriquer en France. Ces mesures-là, pour nous, sont un premier pas qui prouve que les pouvoirs publics ont compris ce lien, entre équation économique et disponibilité.

10 % de hausse, ça représente 20 centimes à peu près de plus pour la boîte de médicaments. Est-ce que du coup, vous garantissez aujourd'hui qu'il y aura suffisamment de médicaments dans les pharmacies cet hiver ? 

En mobilisant très fortement l'ensemble des équipes Biogaran et de nos partenaires industriels, nous avons réussi à garantir 12,8 millions de boîtes d'amoxicilline pour cet hiver 2023-2024. Ce sont des années tout à fait exceptionnelles.

On a un portefeuille de 900 médicaments différents, le prix moyen d'un générique en France est de 3,91 €. Selon une étude faite cette année, qui étudie 20 pays d'Europe qui ont à peu près la même structure que nous, on est le 14ᵉ en termes de prix le plus bas. En Italie, ils sont 38 % en moyenne plus chers.

"Ça fait trois ans qu'on tient à bout de bras un certain nombre de médicaments. L'équation économique n'est plus au rendez-vous pour 144 de nos produits"

Jérôme Wirotius

à franceinfo

Nous pensons d'abord aux patients. 144 médicaments Biogaran qui ne sont plus rentables aujourd'hui, mais nous avons décidé de les conserver jusqu'à maintenant, en maintenant le dialogue avec les pouvoirs publics. On continue de les fabriquer en France et en Europe pour les mettre à disposition des patients. 

"Nous avons alerté très fortement et très vivement les pouvoirs publics qu'on ne pourra pas, ni nous ni les autres laboratoires de génériques, faire une année de plus avec un contexte d'inflation et de nouvelles taxes qui sont aujourd'hui confiscatoires."

Jérôme Wirotius

à franceinfo

Vous évoquez la clause de sauvegarde, taxe sur les laboratoires pharmaceutique. Elle devrait atteindre 1,7 milliard cette année. Vous craignez que cette taxe soit augmentée à nouveau dans le prochain projet de loi de finances de la Sécurité sociale?

Nous, on a un mécanisme de régulation économique qui est différent des médicaments innovants. Quand on arrive sur le marché, c'est que le brevet est terminé. Le modèle du médicament générique, c’est que dès qu’un brevet arrive à échéance, le prix du générique est en moyenne 60 % moins cher que le prix qui le précédait. Et c'est comme ça que les économies sont générées. Et donc, on se dit que cette taxe vise à faire payer les laboratoires qui ont contribué aux plus fortes dépenses de santé et au dépassement du budget de santé, que ce montant-là leur est refacturé. Or, nous, nos prix de départ sont déjà calculés de telle sorte à ce que les économies soient réalisées dès le premier médicament délivré aux patients.

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