Pêche interdite dans le golfe de Gascogne : "Les propos de la Commission européenne ne sont pas entendables", selon le Comité national des pêches
La pêche est à nouveau autorisée depuis le 21 février dans le golfe de Gascogne. Elle était interdite depuis un mois de la Bretagne aux Pyrénées Atlantiques sur décision du Conseil d'État saisi par des associations environnementales pour épargner les dauphins et les marsouins, victimes involontaires des pêcheurs, mais victimes de captures accidentelles. Olivier Le Nézet est le président du Comité national des pêches. Il vient d'une famille de pécheurs, de Lorient. On le désigne comme l'homme fort de la pêche.
franceinfo : On va commencer par parler de la météo. Elle n'est pas du côté des pécheurs dans le golfe de Gascogne. Est-ce qu'ils ont pu sortir enfin du port ?
Olivier Le Nézet : Non. Au moment où on se parle, malheureusement, il y a une tempête sur nos côtes atlantiques et donc c'est une peine supplémentaire qui s'ajoute à celle déjà de l'arrêt d'un mois d'interdiction pour certains types d'engins de pêche à risque pour éviter les captures accidentelles.
Dès que le ciel le permettra, qu'est-ce qu'ils vont aller pêcher ?
Ils vont pêcher des espèces de saison qui sont la sole, le bar, des espèces appréciées par nos consommateurs qui pendant un mois n'ont pas pu en déguster avec la même quantité qu'ils trouvent régulièrement dans les poissonneries dues à cette fermeture. Elle est injuste pour plusieurs raisons et surtout, la profession avait à cœur de trouver des solutions technologiques et aussi de connaissance pour éviter ces captures accidentelles de petits cétacés.
Encore un mot sur les étals. Les prix ont augmenté pendant ce mois de pause ?
Oui, les prix ont augmenté, évidemment et donc le consommateur paye aussi un lourd tribut de cette décision de justice d'interdire à certains types de navires et de métier de pouvoir aller en mer. Ces conséquences sont multiples parce qu'elles ont un impact, certes, comme vous l'avez dit pour le consommateur, pour trouver ces produits, mais ça augmente aussi les produits de pays tiers qui, eux sont moins respectueux de l'environnement, mais aussi du volet social et donc des marins pêcheurs.
Et les conséquences pour les marins pêcheurs ? Le manque à gagner, vous l'évaluer dès maintenant ?
Oui, les conséquences sont très importantes. Les premiers chiffres que l'on peut avoir, qui ne sont pas tout à fait stabilisés puisque la fermeture vient de se terminer. Ils sont encore à consolider. Mais ce qu'on peut déjà estimer, c'est que le chiffre d'affaires a diminué d'à peu près de 60% dans les criées et les ports de pêche. Mais on a perdu à peu près aussi 50% des volumes. Donc c'est colossal en termes de perte de chiffre d'affaires et de volume.
Le gouvernement a promis d'indemniser rapidement tous les pécheurs cloués à quai. Où est-ce qu'on en est ? Est-ce qu'il y a d'ailleurs urgence pour certains professionnels ?
Oui, l'urgence est totale. On ne peut pas avoir une fermeture pendant un mois sans qu'il n'y ait une prise en compte et la décision de justice a été de prendre en compte l'impact sur les pêcheurs. Donc, là, le 24 février, ça fait deux mois jour pour jour que la décision est tombée. Le guichet n'est toujours pas ouvert et les modalités, nous ne les connaissons pas non plus. Donc l'urgence est totale et l'anxiété l'est encore plus. Je dirais même qu'il y a des entreprises qui sont dans une approche de ne pas pouvoir continuer leur activité. Mais l'impact a été aussi sur la filière aval, le mariage, les poissonniers, mais aussi les transporteurs. Donc c'est toute une filière qui a été touchée et cet impact se chiffrera certainement avec neuf chiffres et plusieurs centaines de millions d'euros. Donc l'État, là aussi, devra faire un état des lieux de l'impact socio-économique de cette fermeture pendant un mois.
Paris a annoncé des aides entre 80 et 85% du chiffre d'affaires perdu. Mais est-ce que Bruxelles a d'ores et déjà dit oui ?
Dès aujourd'hui, on attend cette décision. Je vous ai dit, les modalités, nous ne les connaissons pas. Nous n'avons pas encore la réponse définitive du ministre sur le sujet. Et puis surtout, c'est qu'il y a déjà des voix qui circulent, entre autres à Bruxelles, qui mettent en avant que justement cette fermeture a été une réussite. Je regrette, c'est complètement absurde de la part de la Commission. Il est très clair qu'aujourd'hui, les propos, comme on a pu l'entendre aujourd'hui dans certains médias de la Commission européenne ne sont pas acceptables et ne sont pas entendables. Le Comité national des pêches ira justement et prendra aussi les mesures qui s'imposent auprès de la Commission européenne pour pouvoir justement aussi s'exprimer auprès d'eux et leur demander des justifications. Les premiers chiffres que l'on a sur les échouages de petits cétacés sont en augmentation. Donc il faut étudier ces chiffres. Il faut aussi que les autopsies soient vraiment approfondies pour que l'on puisse déterminer les causes de ces échouages le long de nos littoraux.
Pourtant, vous avez échappé à trois ou quatre mois de fermeture du golfe de Gascogne. C'est ce que demandaient les associations de défense de l'environnement pour sauver ces dauphins sur la façade atlantique française. Je rappelle qu'il en meurt 9 000 dans vos eaux chaque année. C'est deux fois trop pour la survie des cétacés. Mais pour vous, c'est inenvisageable ? C'est non aujourd'hui et ce sera non demain.
Quand on donne un chiffre de 9 000 décès de cétacés, c'est par extrapolation. La réalité des échouages est inférieure à ce chiffre qui est donné. Aujourd'hui, ce que l'on peut constater, c'est qu'il y en a plus pendant que les navires sont à l'arrêt. Donc, je souhaite que le plan d'action qui a été porté, mené et validé par la Commission européenne pour justement éviter ces captures accidentelles par de la technologie, mais aussi par la connaissance, puisse se mettre en œuvre dès l'année prochaine. Ce n'est pas en mettant les navires à quai que l'on trouvera des solutions. Et donc je rappellerai un dernier point sur la partie des cétacés. Il est très clair qu'aujourd'hui le pêcheur ne souhaite pas être indemnisé, mais il souhaite pouvoir continuer son métier et cohabiter avec sa propre biodiversité.
Retrouvez cette interview en vidéo :
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.