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L'interview éco. "Nous pouvons encore bloquer le Ceta !"

Karine Jacquemart est la directrice de l'ONG Foodwatch. Opposante au Ceta, adopté mercredi par le Parlement européen, elle était le même jour l'invitée de l'interview éco de Jean Leymarie.

Article rédigé par franceinfo, Jean Leymarie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Karine Jacquemart est la directrice de l'ONG Foodwatch. (RADIO FRANCE / CAPTURE D'ÉCRAN)

Les députés européens ont adopté mercredi 15 février, le Ceta, l'accord controversé de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada. Comme d'autres ONG, Foodwatch se bat depuis plusieurs années contre ce texte. Même si le feu vert du Parlement européen est un revers pour Karine Jacquemart, sa directrice, "il sera largement temps de le stopper avec la ratification en France", a-t-elle déclaré mercredi sur franceinfo.

franceinfo : L'adoption du Ceta par le Parlement européen marque-t-elle pour vous la fin de la bataille ?

Karine Jacquemart : Pas du tout. Malheureusement, nous nous attendions à ce vote. Au niveau des parlementaires européens et français, il y a tout de même une évolution vers un doute, voire un rejet de cet accord. C'est positif. Maintenant que le Ceta est adopté par le Parlement européen, on entre dans la phase de ratification nationale par les 28 États membres. Il sera largement temps de le stopper avec la ratification en France.

Allez-vous mener, pays par pays et notamment en France, la même campagne que vous avez menée au niveau européen ?

Bien sûr, nous allons continuer. Les arguments, les inquiétudes, les menaces restent les mêmes. Le Ceta n'est pas transparent, il est anti-démocratique. Mais il est en plus inconstitutionnel. Nous le contestons d'un point de vue politique, mais aussi d'un point de vue constitutionnel. Nous avons saisi l'avis de Dominique Rousseau, constitutionnaliste, et d'autres juristes de droit international, dont nous venons de publier l'analyse. Le Ceta ne respecte pas le principe d'égalité dans la Constitution française. Cet accord va bien au-delà du commerce. Il va toucher à tous les aspects de notre vie quotidienne et ce n'est pas acceptable, parce qu'il menace les règles qui nous protègent.

Une très grande majorité de députés européens de droite et de gauche ont soutenu ce traité. Ils le voient comme un progrès pour leurs électeurs, pour les citoyens européens... Et s'ils avaient raison ?

Ce n'est non seulement pas l'analyse de Foodwatch, mais ce n'est pas non plus celle d'une très large majorité des acteurs de la société civile et du secteur privé. Le secteur bovin en France par exemple est vent debout contre cet accord. Il est important qu'il y ait un débat démocratique et public.

Le Ceta ne va pas entrer en vigueur immédiatement : il faut que les parlements nationaux l'examinent. Quand une multinationale estime qu'un État bafoue ses intérêts, elle peut présenter son cas à cette Cour, composée de 15 juges permanents nommés par l'Union européenne et le Canada...

Cet accord est anti-démocratique : il met en place des mécanismes tels que cet arbitrage. Seuls les investisseurs étrangers peuvent attaquer des décisions politiques des États ou de la Commission européenne, s'ils estiment que leurs bénéfices sont mis en danger. Par conséquent, cela peut dissuader nos élus, nos représentants politiques, de prendre des décisions d'intérêt général, par exemple sur les pesticides, sur les perturbateurs endocriniens ou sur les OGM. Parce qu'ils pourront être attaqués par des investisseurs étrangers. Or 80% des entreprises américaines qui ont des investissements en Europe ont des filiales au Canada. Signer le Ceta, c'est ouvrir la porte aux investisseurs du Canada et la possibilité aux Américains de nous attaquer. 

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