Incontinence urinaire : un patient vient d'être implanté d'un nouveau sphincter télécommandé et "pourra retrouver une vie sociale normale", assure le docteur Philippe Pouletty
Plus de 2,5 millions de personnes souffriraient d'incontinence urinaire en France, selon l'Assurance-maladie. C'est un problème très sérieux et qui risque de devenir plus important dans les années à venir avec le vieillissement de la population.
Philippe Pouletty, docteur en médecine, cofondateur et directeur général de Truffle Capital, a créé plusieurs entreprises spécialisées dans la recherche médicale. Et l'une d'elles, Affluent Medical, vient d'implanter un sphincter d'un nouveau genre, car télécommandé. Il explique, mardi 12 mars, sur franceinfo, qu'"il n'y a pas de limites à la science et à la technologie, dès lors que vous vous donnez le temps et des gros moyens financiers".
franceinfo : Qu'a-t-il de nouveau, ce sphincter artificiel ?
Philippe Pouletty : C'est un petit boîtier qui s'implante en une trentaine de minutes dans l'abdomen du malade, avec un petit moteur qui va commander ce petit manchon que l'urologue va installer autour de l'urètre du malade. Pour les malades qui souffrent d'incontinence urinaire sévère, on n'en meurt pas, mais c'est épouvantable : vous n'avez plus de vie sociale, vous ne pouvez plus contrôler votre vessie. Et avec cette petite télécommande qui ressemble à une télécommande de voiture, le malade pourra fermer ou ouvrir son sphincter quand il a besoin d'uriner, donc il n'aura plus besoin de couche-culotte. Il pourra retrouver une vie sociale normale, aller au cinéma, au restaurant.
Ça fait 20 ans qu'on implante des sphincters, quelle est la différence ?
Il y avait un sphincter qui avait été développé, il y a 40 ans, très malcommode, que les malades supportaient mal et difficile à commander. C'est une très grande différence par rapport à l'existant. Et ce qui est frappant, c'est que très peu de sociétés s'intéressaient jusqu'à présent à ce très grave problème.
Combien de personnes sont concernées ?
400 millions de personnes dans le monde, surtout des femmes et quelques hommes. À quoi est-ce dû ? Cancer de la vessie, cancer de la prostate chez l'homme, grossesses à répétition chez la femme avec un affaissement de la musculature contrôlant la vessie.
"Un premier patient vient d'être implanté à Prague avec succès, en présence d'un chirurgien éminent de l'hôpital Cochin qui s'est déplacé."
Philippe Poulettyfranceinfo
Bien sûr, il faut être prudent parce qu'on va encore prendre en charge une dizaine, une quinzaine de malades à Prague, en Pologne. Ensuite, il y aura un plus grand essai clinique en Europe qui concernera environ 70 malades, avant que ce produit, si les résultats sont satisfaisants, arrive sur le marché européen, américain et asiatique.
Votre rôle, c'est le financement ?
Nous, ce que nous faisons, c'est créer des entreprises. Quand on voit qu'il y a un énorme besoin, qu'on pense que la science, la technologie peut, en quelques années, développer un produit qui va répondre à ce besoin, que ce soit pour l'incontinence urinaire, des valves cardiaques, des produits contre l'obésité… C'est ça qui nous passionne. Notre but, c'est de mettre à la disposition des dizaines de millions de malades dans le monde ces produits très innovants.
Si vous ne les financez pas, personne ne le fait ? La recherche publique ne le fait pas ?
Non, parce que la mission de la recherche publique, c'est de faire de la science très en amont. Nous, on va prendre le relais pour transformer une grande innovation scientifique en technologie, en produit. Et ça prend des années de développer un produit implantable chez l'homme, que ce soit en cardiologie, en urologie et donc ça coûte très cher. Mais c'est ce qu'on fait à Truffle Capital, avec des sociétés comme Affluent qui est cotée en bourse, mais qui a besoin d'une dizaine d'années avant de pouvoir mettre un produit sur le marché.
Vous êtes notamment à l'origine d'un des premiers cœurs artificiels, Carmat. Aujourd'hui, son succès est mitigé…
Non, le succès de Carmat est prouvé, puisque le cœur a été approuvé en Europe pour une mise sur le marché. C'est une Rolls, c'est une Ferrari, le cœur Carmat, il n'y a pas d'équivalent. Alors ça prend du temps. Mais c'est un peu comme Tesla qui a révolutionné l'automobile : pendant des années, on disait "Arrêtez, cela ne marchera jamais, ça coûte trop cher, etc".
"Je suis convaincu que Carmat sera leader mondial, parce qu'il n'y a que 5% des malades, dont le cœur ne fonctionne plus, qui auront la chance d'avoir une transplantation."
Philippe Poulettyfranceinfo
Les autres vont mourir dans leur lit en quelques années d'insuffisance cardiaque. Mais pour moi, Carmat, c'est déjà le passé. Et nous, ce qui nous passionne, ce sont les entreprises d'aujourd'hui : Affluent Medical, BariaTek contre l'obésité… Et il n'y a pas de limites à la science et à la technologie, dès lors que vous vous donnez le temps et des gros moyens financiers pour développer de tels produits.
Y a-t-il d'autres fonds similaires en Europe ?
Il y a des fonds aux États-Unis - le pays leader pour la biotechnologie au niveau mondial -, la Medtech. Il y a pas mal de fonds en Europe qui financent des entreprises, mais des entreprises existantes, des fonds qui, comme nous, décident un jour de développer une valve cardiaque, de développer un sphincter urinaire artificiel, de développer un produit contre l'obésité. Il y en a très, très peu qui créent les entreprises.
Comment l'expliquez-vous ?
Parce que ça prend du temps. C'est peut-être plus risqué, mais bon, pour nous, ce n'est pas un risque, c'est une passion. Ça prend du temps et on réussit beaucoup plus souvent qu'on ne croit. Dès lors qu'on a des équipes de management très expérimentées, et c'est le cas d'Affluent Medical. Dès lors qu'on ne se fixe pas une échéance trop précise, parce que ça peut prendre quelques années de plus, quelques années de moins. Et dès lors qu'on garde en tête notre mission qui est d'améliorer la vie des malades, d'augmenter la vie des malades.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.