Entreprises : Bpifrance "décarbone le tissu productif français", assure son directeur général Nicolas Dufourcq

La Banque publique d'investissement a lancé un plan climat avec 20 milliards d'euros pour accélérer la transition écologique des entreprises. "Notre rôle, c'est de les mettre en transition dès maintenant", affirme sur franceinfo Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Nicolas Dufourcq le 28 mars 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

C'est l'un des bras armés de l'État en matière de financement des entreprises. La Banque publique d'investissement (Bpifrance) participe au développement de l'économie en aidant les entreprises à grandir par le biais de prêts, de participations financières notamment. Et parmi les grands axes de sa stratégie d'aide aux entreprises, il y a l'accélération de la transition énergétique et écologique, avec un plan climat lancé il y a quatre ans et 20 milliards d'euros à la clé.

Bpifrance travaille avec "les PME et les ETI industrielles partout" en France, explique Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance, jeudi 28 mars sur franceinfo. "On leur propose des prêts qui sont des prêts très longs, où on ne prend aucune garantie sur le patrimoine de l'entrepreneur ou de l'entreprise, avec en plus des remboursements et des taux favorables".

franceinfo : Les 20 milliards d'euros ont-ils été dépensés avec un an d'avance ?

Nicolas Dufourcq : L'argent est investi. Il est attribué à des entreprises sous forme de prêts qui seront remboursés, évidemment. Et puis il y a également des subventions qui sont des subventions à l'innovation et parfois des très grosses subventions aux grosses usines de batteries dans le nord de la France. C'est tout ça qui fait 20 milliards d'euros.

Où va l'argent précisément ? Vous participez au financement de la décarbonation des entreprises, notamment industrielles.

Absolument, on décarbone le tissu productif français. Et puis on investit énormément aussi pour augmenter la production des énergies renouvelables en France. On est même la banque numéro un, la première banque française pour le financement de l'éolien et du photovoltaïque, toutes catégories confondues, avec à peu près 2 milliards d'euros de crédits par an, ce qui sont des volumes importants. Donc les champs éoliens que vous voyez en mer, le photovoltaïque, à chaque fois que vous passez avec votre voiture à côté, il y a probablement un prêt ou même parfois un gros prêt, ce sont des dizaines ou des centaines de millions d'euros de la BPI. 

"La décarbonation de l'industrie, ça consiste d'abord à aider les entreprises industrielles à passer à l'électricité, parce qu'il y en a beaucoup qui sont au gaz ou au fioul."

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

franceinfo

Les entreprises ne se décarboneraient pas si vous ne participiez pas ?

C'est cher. Il faut changer souvent les processus, les machines et par conséquent investir. Elles ne le feraient pas dès maintenant. Notre rôle, c'est de les mettre en transition dès maintenant. Donc on fait ce qu'on appelle un porte-à-porte de masse avec nos collaborateurs. Puisque la banque, on peut considérer que c'est une énorme banque qui est à Paris, mais en fait non, ce sont 55 petites banques qui sont en province, très proches des entrepreneurs, guichet unique. Et nos collaborateurs, dans leur voiture, font le porte-à-porte de masse pour aller voir les patrons de PME en leur disant, on s'y met dès maintenant.

Quelles entreprises allez-vous voir ? Celles qui polluent le plus, celles qui ont le plus besoin de se décarboner, celles qui ont le plus besoin d'argent ?

Celles qui polluent le plus, ce sont les très très grosses. Elles sont traitées en direct par nos cousins de l'Agence de l'environnement qui s'appelle l'ADEME. Ce sont des sommes très importantes, ce sont beaucoup de subventions d'État, le président de la République l'a annoncé, on est sur des dizaines de milliards d'euros de subventions pour aider Arcelor à se décarboner. Ça, ce n'est pas nous. Nous, ce sont les PME et les ETI industrielles partout. Mercredi, j'étais à Châteauroux par exemple, la semaine prochaine je vais à Nantes. Et donc, qu'est-ce qu'on leur propose ? On leur propose des prêts qui sont des prêts très longs où on ne prend aucune garantie sur le patrimoine de l'entrepreneur ou de l'entreprise, avec en plus des remboursements et des taux favorables.

Vous participez aussi à la croissance de ce qu'on appelle les GreenTech. De quoi parle-t-on précisément ?

Alors, les GreenTech, c'est très intéressant. Ce sont des start-up qui sont dans la plupart des cas lancées, construites par des chercheurs des universités scientifiques françaises qui décident de devenir entrepreneurs. 

"Il faut savoir que la France est un pays de cocagne pour les chercheurs qui souhaitent devenir entrepreneurs."

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

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Parce que la boîte à outils qui va les accompagner à partir du moment où ils ont fait ce choix, qui est un choix quand même important dans leur vie, est incroyablement profonde. Vous avez une première subvention, une deuxième, une troisième. Vous passez un petit concours i-Lab, un concours i-Nov. Et vous arrivez à cette situation que j'ai vue, par exemple un des derniers, où j'ai inauguré l'usine Umiami à Strasbourg, construite par un entrepreneur de 28 ans que nous accompagnons depuis qu'il a 25 ans. Et en quatre ans, donc, il a levé 100 millions d'euros. Ça, c'est la France d'aujourd'hui.

Sur les 100 millions, nous avons mis 42 millions, rendez-vous compte. Et pourquoi ? Parce qu'il est très bon. Son innovation est très bonne, c'est une GreenTech. Et ensuite trimestre après trimestre, ses temps de passage sont bons, donc on continue de l'accompagner jusqu'à faire monter une usine nouvelle à Strasbourg, que j'ai donc inaugurée la semaine dernière.

Et donc 20 milliards ces quatre dernières années et 35 milliards à venir, à quel horizon ?

Pareil, quatre ans.

Ces 35 milliards vont-ils suffire ? Jean Pisani-Ferry, l'économiste, chiffre à 66 milliards par an le coût de la transition écologique, dont la moitié d'argent public.

Oui, il a tout à fait raison. Donc nous, on se partage un peu le travail. Il y a les très grands groupes qui n'ont pas besoin des financements de la BPI. Ils ont la BPI à leur capital, mais ils n'ont pas besoin d'avoir de notre part des injections de capitaux supplémentaires ou des prêts. Ils ont besoin parfois d'avoir des subventions. Et donc, dans les 35 milliards en question, vous allez voir des subventions du programme France 2030 sur par exemple des gigafactories d'électrolyseurs pour l'hydrogène. Mais vous allez trouver essentiellement du financement des énergies renouvelables, donc éolien, photovoltaïque, on continue et on accélère. Vous allez trouver aussi la décarbonation des PME et ETI industrielles françaises. Et puis on va continuer de développer tout l'écosystème de ce qu'on appelle la DeepTech et la GreenTech.

L'argent, est-il à la hauteur de l'ambition ?

En tout cas, c'est déjà une grande chance qu'on puisse déployer 35 milliards dans ces conditions-là. Honnêtement, il y a beaucoup de pays européens qui ne font pas ça aujourd'hui.

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