Économie de guerre : "Le milieu bancaire est encore fragile pour prêter aux PME" selon le député Christophe Plassard

Emmanuel Macron était en déplacement à Bergerac, pour rencontrer plusieurs patrons de l'industrie de l'armement français. Christophe Plassard, député Horizons de Charente-Maritime, auteur d’un rapport sur l’économie de guerre, est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Le député Horizons, Christophe Plassard, invité éco de franceinfo. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Christophe Plassard est député Horizon de Charente Maritime, rapporteur du budget de la Défense. Il a signé, en 2023, un rapport sur l'économie de guerre. Il appelait entre autres, à relocaliser des productions critiques. En déplacement, à Bergerac, chez Eurenco, Emmanuel Macron parle de relocalisation des poudres plus largement.

franceinfo : Où en sommes-nous sur cette question-là ?

Christophe Plassard : Le travail de rapporteur était essentiellement de trouver, la manière de traduire en actes les instructions du président de la République, à savoir d'aller plus vite, moins cher et plus fort. Après, c'est la direction générale de l'armement qui a listé ce qui pouvait être des points critiques. Je crois qu'il y a quelques centaines de points qui ont été identifiés et qui sont petit à petit traités, soit simplement en ayant sécurisé quelque chose qui existait déjà, soit en ayant, c'est le cas aujourd'hui, aidé et accompagné la relocalisation de quelque chose qui n'était plus fait en France.

Vos recommandations sont-elles globalement suivies aujourd'hui ou y a-t-il encore des points sur lesquels vous aimeriez qu'on avance ?

Il y a encore un point, et d'ailleurs je porte une loi dans ce sens-là. C'est notamment le financement des PME. Les grosses entreprises de cette économie de guerre et de la base industrielle et technologique de la défense sont des entreprises solides, qui ont déjà une taille internationale. En revanche, ce que j'avais signalé, c'était notamment la nécessité du soutien à l'innovation ou l'accompagnement d'entreprises qui aujourd'hui sont dans le civil et qui pourraient basculer dans le militaire. Je pense aux entreprises qui travaillent pour la sécurité civile et qui pourraient tout à fait avoir des applications. Lorsqu'on fait un robot pour des pompiers, on est tout à fait capable de faire un robot, par exemple, pour déminer un champ de bataille.

Est-il complexe pour ces entreprises d'accéder aux financements ? Quelles sont les difficultés qu'elles rencontrent ?

Il y a deux types de difficultés. Il y a ce qu'on appelle les fonds propres, c’est-à-dire aider l'entreprise à grossir, et aider l'entreprise à trouver du capital. Ça, c'est quelque chose qui commence à bouger. Il y a des fonds spécifiques qui se créent, il y a des choses qui évoluent, même si on doit encore travailler le sujet. Après, il y a le besoin de financement pour la croissance, comme un nouveau bâtiment ou une nouvelle ligne de production qui nécessitent du crédit. Et c'est vrai que pour des raisons un peu complexes, mais notamment de notoriété et de critères RSE, le milieu bancaire, aujourd'hui, est encore fragile pour prêter aux PME.

Vous portez effectivement une proposition, vous souhaitez flécher une partie de l'épargne du livret A, vers l'industrie de la défense, tout le monde n'est pas d'accord. Bruno Le Maire, lui, lance plutôt l'idée de la création d'un produit d'épargne européen qui serait chargé, entre autres, de financer notre effort de défense. Serait-ce une bonne idée pour vous ?

Je pense que les deux sont valables. Ce que vous évoquez dans le projet ou l'envie de Bruno Le Maire est quelque chose de moyen terme, ce n'est pas quelque chose qui peut se déclencher rapidement. Or, l'économie de guerre, c'est aujourd'hui et les besoins y sont immédiats. Donc la solution que je propose a pour intérêt de pouvoir mobiliser des fonds qui sont déjà disponibles et qui sont déjà fléchés sur les PME. Il n’est bien évidemment pas question du tout de toucher à ce qui va vers le logement. C'est d'ailleurs sécurisé au sein de la Caisse des Dépôts. Mais 40% des dépôts qui sont les dépôts de ces livrets A sont dans les banques et les banques les investissent déjà dans les PME à 80%. Je demande juste que de la même façon qu'on flèche une partie de ce financement vers l'économie sociale et solidaire ou vers l'économie de la transition écologique, une partie de cet argent, qui est déjà fléchée vers des PME, le soit vers des PME de la base industrielle et technologique de la défense.

Entendez-vous les critiques qui disent que ce n'est pas à ça que doit servir l'épargne des Français, notamment ces produits d'épargne là ?

Alors je l'entends, sauf que je pense qu'on doit faire preuve de pédagogie. Aujourd'hui, pour qu'on puisse œuvrer sur les secteurs que je viens d'évoquer, il faut un pays qui soit sécurisé et souverain. Aujourd'hui, dans le monde dans lequel on évolue, pour avoir un monde souverain économiquement et socialement, il faut qu'il le soit aussi en termes de sécurité. Et donc la première des choses dont on a besoin, c'est assurer la sécurité de notre pays et assurer la souveraineté de notre pays. Investir dans la défense et la souveraineté, ce n'est pas uniquement investir dans les bombes. C'est également, le cyber, le spatial, les communications et ça fait partie de ce qui permet d'assurer la sécurité du pays et qui permet ensuite de déclencher tout le reste.

Vous êtes également membre de la commission des finances de l'Assemblée. Vous connaissez l'état actuel des finances publiques et du déficit. Est-ce qu'on a les moyens de ce passage, dont parle Emmanuel Macron depuis deux ans, en économie de guerre, alors que l'exécutif est en quête d'économies ?

Le financement de l'économie est multiple, mais il y a notamment un des secteurs sur lequel l'industrie française est très performante, c'est celle de l'export. Le fait d'augmenter les cadences, d'innover, de pouvoir produire plus vite et donc moins cher, nous met aussi en position d'être plus compétitif à l'export. Une grande partie de ce que nous produisons a aussi pour but d'alimenter, nos alliés et le marché de l'export sur lesquels les Français sont passés d'ailleurs, de la troisième à la deuxième puissance mondiale.

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