70 ans de la TVA : "C'est un impôt qui frappe les ménages les plus modestes", considère le professeur d'économie Alain Trannoy

La TVA, l'impôt général sur la consommation fête ses 70 ans. Alain Trannoy, directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'École d'Économie d'Aix-Marseille, spécialisé dans l'étude de la fiscalité et des inégalités est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
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Temps de lecture : 4min
La TVA célèbre ses 70 ans d'existence. (photo d'illustration) (PHOTOGRAPHY TAKEN BY MARIO GUTIÉ / MOMENT RF)

La TVA a été mise au point en 1954, par Maurice Laudé. 70 ans après sa création, il en existe quatre types, le taux standard à 20%, le taux intermédiaire à 10%, le taux réduit, à 5,5% et le taux super réduit à 2,1%.

franceinfo : La TVA reste-t-il le premier impôt en volume collecté par le fisc ?

Alain Trannoy : Oui, 200 milliards d'euros, c'est vraiment le premier impôt, c'est un impôt de rendement. C'est un impôt pour couvrir les dépenses, et donc quand cet impôt ne rentre pas autant, ça met en danger l'ensemble de l'équilibre des finances publiques.

Ce sont donc des financements en moins, notamment par exemple pour des collectivités locales ?

Oui, tout à fait. L'inflation, l'année dernière, était de 5%. Donc, si la consommation avait été étale, on aurait dû avoir une augmentation des recettes de TVA de 5%. Or, on a une augmentation que de 2%. Il y a 6 milliards qui manquent de recettes de TVA, au moins sur le budget de 2023. Pour le premier trimestre de 2024, ça semble se poursuivre sur la même lancée.

Je voudrais votre avis, sur tout un débat qui existe depuis des années autour de la TVA sur le caractère redistributif ou anti-redistributif. C'est un impôt qui frappe plus durement les ménages les plus modestes ?

Absolument. Ça frappe les ménages les plus modestes, tout simplement parce qu'ils ont moins d'argent pour épargner. Donc leur taux de dépenses par rapport aux revenus est, pour les plus modestes, de 100%, voire supérieur même quelquefois à 100%. De ce fait-là, étant donné que la consommation est de moins en moins importante en proportion du revenu, forcément, les recettes de TVA sont prélevées plus spécialement sur les ménages modestes.

C'est un peu compensé par le fait que sur l'alimentaire, qui pèse plus fort pour les budgets modestes, le taux n'est que de 5%. Donc les taux réduits compensent un peu cet effet du fait que la consommation baisse en proportion du revenu. Mais les calculs qu'on avait faits avec un autre économiste montraient que les effets des TVA et des autres produits d'assises, comme les taxes sur les tabacs, les alcools et les usages des produits pétroliers, compensaient à moitié l'effet progressif de l'impôt sur le revenu. C’est-à-dire que vous aviez un effet progressif de l'impôt sur le revenu qui était mangé à moitié par l'effet régressif de la TVA et de l'ensemble des assises.

Mais je crois qu'il ne faut pas raisonner impôt par impôt parce que ce serait trop facile d'avoir un impôt parfait. Donc il faut avoir des impôts qui produisent du rendement. Il faut avoir des impôts qui ne soient pas trop nocifs pour l'activité économique. Il faut avoir des impôts qui soient relativement justes. Ce qui compte, c'est la combinaison globale. Aujourd'hui, la TVA ajoutée à l'impôt sur le revenu, c'est quand même favorable à la redistribution. Il y a quand même un bilan redistributif progressif, au moins jusqu'à un certain niveau. Donc ce sont bien les plus riches qui payent plus en proportion, que les plus modestes.

Je voudrais avoir votre point de vue sur une notion qui est un peu un serpent de mer, la TVA sociale. L'idée de taxer plus le consommateur pour alléger les cotisations sur les salariés, qu'en pensez-vous ?

C'est une idée qui apparaît séduisante sur le papier, mais les simulations qui ont été opérées montrent que, après quelques années d'effets positifs, en fait, on se retrouve globalement à un effet relativement neutre. La TVA sociale, c'est augmenter les taux de TVA et diminuer les cotisations sociales. Comme la consommation est étale, ce n'est certainement pas le moment de l'introduire, mais de toute façon, ce n'est pas un médicament miracle pour l'économie française.

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