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Entre sobriété et "décroissance", la complexe "chasse au gaspi" pour le gouvernement

En attendant de dévoiler fin septembre son plan de sobriété, l’exécutif appelle les Français à lutter dès maintenant contre les gaspillages d’énergie. L'édito politique de Neila Latrous.

Article rédigé par franceinfo - Neila Latrous
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Emmanuel Macron, le 5 juillet 2022 à Paris. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

C’est le retour de la "chasse au gaspi" ! C'était alors en1973 avec le premier choc pétrolier. Les Français découvraient les premiers discours de responsables politiques en direct à la télévision, pour leur demander de réduire leur consommation d’énergie. C’est ainsi Georges Pompidou qui en appelle alors "à l'esprit d'économie du peuple français" : "Economisons l'essence, l'électricité, le chauffage... et cela suffira à diminuer notre consommation", disait-il.

Il fallait mettre un terme aux gaspillages : est alors proposé de limiter la vitesse sur les routes, diminuer le trafic aérien, interdir l’éclairage des vitrines… Six ans plus tard, nouveau choc pétrolier. Une mascotte est alors créée : Gaspi.

40 ans plus tard, retour en 2022 : Olivier Véran réclame aux Français de "petits gestes", comme débrancher un maximum de prises électriques lorsqu’on part en vacances, couper le wifi, baisser la climatisation ou éteindre la lumière dans les pièces qui ne sont pas utilisées...

Bruxelles menace

Mais il faut se rendre à l’évidence : sur les gestes du quotidien, ce qui est proposé n’est pas radicalement différent de ce que l’on a déjà entendu dès les années 1970. Même si l’exécutif promet de faire peser son "plan de sobriété" avant tout sur l’Etat et sur les grands consommateurs d’énergie, à savoir les entreprises, la grande nouveauté tient plutôt au cadre dans lequel ce plan de sobriété va être mis en œuvre.

D’abord, la volonté de Bruxelles de prendre la main sur les grands arbitrages. Alors qu’Olivier Véran écarte toute contrainte sur les économies d'énergie, la Commission européenne est claire : il faut baisser de 15% la consommation de gaz… et ce sera contraignant, si la crise énergétique s’aggrave. Les Etats seront liés par un pacte. Or, Emmanuel Macron a dit deux choses pendant sa campagne : plus de souveraineté, plus de solidarité européenne. A court terme, les deux ne seront pas facilement conciliables.

La deuxième différence par rapport au choc pétrolier des années 1970, c’est l’éveil des consciences sur le réchauffement climatique. Ce qui est proposé par Olivier Véran en matière de chasse au gaspi, et de rénovation du bâtiment, c’est ni plus ni moins ce que la Convention citoyenne pour le climat proposait déjà dans son rapport, il y a deux ans. Le plan de sobriété proposé fin septembre ne peut pas apparaître comme moins disant.

Sobriété et "décroissance"

A l’époque d’ailleurs, Emmanuel Macron s’était écarté d’une partie des mesures, en disant qu’il n’allait pas se convertir à la décroissance. Et c’est son grand défi des prochains mois : convaincre que "sobriété" n’est pas une autre façon de dire "décroissance"”.

On pourrait rappeler, avec un peu d'espièglerie, qu’Emmanuel Macron s’était moqué, sur le dossier de la 5G, des écologistes , qu’il avait qualifiés d’"Amish voulant revenir à la lampe à huile". Voilà le même qui nous réclame aujourd’hui d’éteindre les lumières.

Entre la sobriété et la décroissance, il y a une différence de degré, pas de nature. Le moyen est le même : réduire la consommation, en l’espèce d’énergie. Et cela conduira à un ralentissement de la croissance. Si la plan dévoilé fin septembre ne comprend que des mesures conjoncturelles et réversibles, ça reste de la sobriété. Si le changement est structurel, ça entrera dans le grand chapeau de la décroissance.

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