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Édito
La panthéonisation, une arme politique pour Emmanuel Macron
Le fait de choisir Missak Manouchian est déjà un acte politique : il est le premier résistant étranger et le premier résistant communiste à entrer au Panthéon, mercredi 21 février. Cette panthéonisation est donc doublement symbolique. C’est la réparation d’une injustice pour la résistance communiste qui, malgré son rôle, n’avait pas encore eu les honneurs du Panthéon. Et c’est un président, qui cherche à convaincre que le dépassement politique a encore du sens, qui a pris cette décision.
Cette journée est aussi un tournant pour la résistance étrangère, "parce qu’à prononcer, vos noms sont difficiles", disait Aragon dans son poème en hommage à ces immigrés résistants. Le message que veut faire passer l’Élysée, c’est "qu’être Français, c’est un état d’esprit, une préférence". L'Élysée qui veut faire de cette panthéonisation un message contre les "pulsionnaires de l’identitaire", ce qui signifie le Rassemblement national et Éric Zemmour… Il faut souligner que ça n’allait pas de soi.
Une opération blanchiment ?
Il y a deux mois, Emmanuel Macron faisait tout pour faire voter une loi immigration consacrant la préférence nationale, avec les voix du parti de Marine Le Pen. Il n’était pas question de "préférence" pour être Français, mais plutôt de recul des droits des étrangers. Il y a quelques jours, c’est Gérald Darmanin qui proposait la fin du droit du sol à Mayotte. Aujourd’hui, Emmanuel Macron, qui n’est pas à une contradiction près, envoie le message opposé.
Et c’est très calculé, il s’agit de corriger le tir vis-à-vis de la gauche et de recréer du clivage entre lui et Marine Le Pen, après s’être invité dans son jardin. La ficelle est un peu grosse quand Emmanuel Macron va jusqu’à critiquer sa rivale dans une interview au journal communiste L’Humanité, une première pour un président en exercice sous la Ve République.
Un argument de campagne
La panthéonisation est une arme politique pour le chef de l’État. Elle est devenue, depuis 1958, une prérogative du président. C’est un peu le fait du prince, aucun texte ne précise les critères d’entrée. Une panthéonisation finalement, c’est un miroir tendu vers celui qui prend la décision de panthéoniser. Avant Missak Manouchian, avec la résistante Joséphine Baker, première personnalité noire à rejoindre le Panthéon en 2021, le chef de l’État voulait se faire le chantre d’une France métissée et unie par-delà les clivages. Il se campait, déjà, en leader progressiste face à Marine Le Pen, un peu plus d’un an avant la présidentielle. À moins de quatre mois des élections européennes, cette panthéonisation de Missak Manouchhian ressemble bien à un argumentaire de campagne.
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