"'The Crown' est la meilleure série de Netflix" : le journaliste de "Télérama" Pierre Langlais commente les nouveaux épisodes de la saga
Pierre Langlais est un grand connaisseur des séries et il en a même fait sa spécialité à Télérama, où il est journaliste. Chanceux, il a vu les quatre premiers épisodes de la sixième et dernière saison de The Crown, qui sort sur Netflix jeudi 15 novembre. Pour les six derniers, il faudra patienter jusqu’au 14 décembre prochain. Après avoir publié : Créer une série, aux éditions Hors collection en 2021, le critique s’apprête à publier en février prochain : Réaliser une série dans lequel, on pourra retrouver un entretien réalisé avec l’une des réalisateurs de la série.
franceinfo : Quatre épisodes sont en ligne depuis ce matin et après, a priori, cela en sera fini de The Crown. Vous nous confirmez que c'est bien la dernière saison ?
Pierre Langlais : Oui, normalement, c'est la fin. C'est annoncé de longue date, mais après, on ne sait jamais, les séries se développent, ça fait des spin-off, des crossovers, plein de trucs où il y a des histoires parallèles qui sont créées, mais cette série-là, en tant que telle, a priori, c'est la fin.
Cette saison 6 va de 1997 à 2005, des derniers jours de Diana au remariage de Charles avec Camilla. Qu'avez-vous pensé des quatre premiers épisodes ? Sont-ils à la hauteur de ce qu'on voit depuis 2016 ?
Pour moi, ils sont légèrement en dessous. Ils sont un peu moins bons. Un des intérêts de The Crown, c'est qu'à chaque épisode ou presque, on change de point de vue, on change d'angle, on parle d'un fait historique en particulier, parfois d'une anecdote. Et on va creuser comme ça les personnages. Là, ces quatre épisodes sont entièrement tournés autour de l'embryon de relation de Diana et Dodi Al-Fayed et le fameux accident, qui sans entrer dans le détail est hors-champ. Évidemment, il y a une forme de pudeur dans l'écriture de cette série et en même temps de plonger dans l'intimité et là, pour moi, il y a une chose qui est très frontale, qui est dit très clairement qui est : Les paparazzis ont assassiné Diana ou presque. C'est le Requiem de Diana et le procès des paparazzis. Il y a quelque chose d'intéressant qui est dit, ici ou là, sur le poids de la célébrité, sur la difficulté d'exister dans ce monde ultra-médiatisé, etc. À une époque où c'était en pleine explosion - internet arrivait, il en est question - mais émotionnellement, humainement, on est dans des émotions un petit peu plus frontales, un petit peu plus lourdes, parfois même un peu embarrassantes, ce qui n'est pas vraiment le terrain de The Crown, qui est une série extrêmement subtile d'habitude.
Dans cette saison, attention spoiler, la grande histoire ne se mélange plus à la petite. On ne parle que de la famille royale, il n'y a plus l'histoire de l'Angleterre et l'histoire du monde.
C'était déjà un petit peu le cas dans la saison précédente où en fait, l'évolution de la série, mais qui est aussi une évolution du monde, et c'est ça qui était intéressant. La série nous questionne sur ce que représente l'histoire. Comment les hommes politiques, finalement, deviennent des personnages qui vont s'autofabriquer et comment la couronne, cette chose abstraite, inhumaine, matérielle, pouvait rentrer dans les têtes des individus. Comment Diana est l'incarnation de ça, c'est-à-dire une femme vivante, ouverte, simple, directe, là où la famille royale est complètement engoncée dans son image. Cette saison va parler un petit peu de ça et de l'intérieur de cette bulle qu'est effectivement l'intimité de Diana.
Selon vous, est-ce que c'est l'une des meilleures séries Netflix ?
"’The Crown’ a réussi pendant toutes ces années à développer un propos des personnages d'une qualité d'écriture, d'interprétation, de mise en scène quand même assez inédit et franchement inédit sur Netflix."
Pierre Langlais, journalisteà franceinfo
Pour moi, c'est la meilleure série. Alors après, il y a de plus petites séries, des mini-séries comme on dit, donc fermées sur une dizaine d'épisodes comme Unbelievable, il y a quelques années, qui mérite largement une note maximale. Mais The Crown, c'est une grande série sur la durée et ça ne se voit plus trop, en fait. Il y a de plus en plus de séries closes où on a quelques épisodes et hop, c'est fini.
Avec la fin de The Crown, Netflix va quand même perdre une poule aux œufs d'or, mais elle serait en train de développer l'équivalent américain de The Crown en quelque sorte, puisqu'il s'agit d'une série sur les Kennedy. Avez-vous des infos sur ce projet ?
Je n'ai pas d'infos précises. Ce n'est pas la première fois qu'une série va porter sur les Kennedy, il y a déjà eu des films et des séries faits aux États-Unis, rarement de très grande qualité. Donc il y a certainement quelque chose de très fort à faire. En revanche, là, je pense qu'avec les Kennedy, il est évidemment question d'histoire, mais encore plus de vie intime. Espérons qu'il ne fasse pas un copier-coller, qu'ils ne plaquent pas les recettes de The Crown sur les Kennedy.
D’après vous, est-ce que la télévision arrive, aujourd'hui, à se mettre au niveau des plateformes côté séries ?
La question qu’on peut se poser est : comment va-t-on continuer à inventer des histoires originales, pointues, qui changent les codes, qui les défis dans un monde de globalité comme ça, où tout le monde s'abonne à plein de plateformes ? Globalement, au niveau mondial, il n'y a pas de problème. Il y a des chaînes du câble comme on dit, des chaînes un peu plus pointues qui étaient là bien avant les séries de plateformes. Et d'ailleurs, la question, c'est plutôt : est-ce que les séries de plateformes ne vont pas se fondre dans une forme de banalité parce qu'il y a beaucoup d'abonnés ? On va être obligés de faire des choses grand public. Aujourd'hui, cette distinction-là n'existe quasiment plus, c'est-à-dire qu'il y a des séries, elles sont sur des plateformes, celles qui sont diffusées sur les chaînes sont ensuite disponibles sur des plateformes des chaînes, puis sur des plateformes. Ce monde-là est en train de fusionner. C'est en train de devenir quelque chose de massif, de global.
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