Médiamétrie : la vidéo à la demande gagne du terrain face à la télévision en direct

Médiamétrie dévoile le bilan TV 2023, qui montre la constante évolution des usages des téléspectateurs. Pour sa directrice TV, Laurence Deléchapt : "On assiste depuis quelques temps à une plateformisation des acteurs de la télévision."
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Laurence Deléchapt, directrice TV de médiamétrie, le 19 janvier 2023. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Laurence Deléchapt, directrice TV de Médiamétrie, l'institut qui mesure les audiences de la télévision et l'étude des usages des médias audiovisuels et numériques en France, analyse le bilan télé 2023 sur franceinfo. Elle explique comment Médiamétrie s’adapte depuis le 1er janvier aux nouveaux usages des écrans incluant les tablettes, les ordinateurs ou les smartphones. Avec un nouveau mode de calcul, l'institut  analyse la façon dont les chaînes traditionnelles et les plateformes de SVOD innovent, se réinventent afin d’attirer toujours plus de public. "On est à l'ère de la plateformisation", ajoute Laurence Deléchapt Alors qu'un Français regarde chaque jour 4h37 de programmes télé quel que soit le support, c’est la vidéo à la demande qui voit sa part augmenter, notamment avec le visionnage de séries.  
 
franceinfo : Tout d'abord, expliquez-nous pourquoi vous avez intitulé ce bilan : "La TV, plateforme des plateformes". Que voulez-vous dire ? 

Laurence Deléchapt : Aujourd'hui, on est à l'ère de la plateformisation. On a vu l'essor des plateformes de SVOD (Netflix, Prime Video etc.), notamment pendant la période de Covid et qui s'est maintenue dans les habitudes des Français. On assiste depuis quelque temps à une plateformisation des acteurs de la télévision qui ont tous développé des plateformes qui historiquement étaient des plateformes de rattrapage. Elles sont maintenant des vraies plateformes de destination de contenus avec toujours la possibilité de rattraper, mais aussi de les regarder avant leur diffusion à l'antenne. il existe même des contenus purement exclusifs, digitaux. 

Un Français regarde chaque jour 4 h 37 de programmes télé quel que soit le support. Le visionnage d'une chaîne de télé en direct reste le mode de consommation majoritaire. Cela représente deux tiers du temps en vidéo des téléspectateurs, mais cela signifie que le tiers restant, c'est de la vidéo à la demande. C'est une proportion inédite. 

C'est une proportion inédite. Cela a effectivement beaucoup progressé ces dernières années. C'est une hausse de sept points en quatre ans. Alors 4 h 37, c'est la consommation totale de vidéo tout acteur confondu. Ce n'est pas que de la télévision, c'est toute la vidéo qu'on peut consommer même sur YouTube, sur TikTok, sur les plateformes sociales. 

"Dans ces 4 h 37, la télévision représente plus de 70 % de ce temps de consommation. Et pour la proportion on est à un tiers pour le 'On demand' et deux tiers pour le 'live'."

Laurence Deléchapt, directrice TV de Médiamétrie

à franceinfo


Quels genres de contenus sont privilégiés en Replay et en "preview" avant la diffusion linéaire ? 

Le genre par excellence des plateformes, c'est la fiction. Plus de la moitié de la consommation sur les plateformes des chaînes, c'est de la fiction, des films et essentiellement des séries. C'est d'ailleurs le cas aussi sur les plateformes de SVOD comme Netflix, on a une majorité de fictions, qui pour certaines font des scores assez colossaux en Replay. Si vous prenez l'exemple de Panda avec Julien Doré qui a fait 1,5 million de téléspectateurs, en Replay, on a des scores colossaux. Il y a de plus en plus de "Preview", c'est-à-dire la mise à disposition sur la plateforme avant la diffusion à l'antenne et donc l'offre évolue et du coup la consommation aussi dans la foulée. 

À l'inverse, certaines émissions sont très peu vues en Replay mais font d'énormes scores en direct. Je pense aux talk-shows comme "C à vous", "Touche pas à mon poste", "Quotidien". Comment l'expliquez-vous ? 

Dans les offres de talk-shows, beaucoup sont sur le traitement de l'actualité. Et l'actualité, c'est mon analyse, rejoint un petit peu le genre "Information", là où les Français consomment l'information, comme le sport d'ailleurs, très majoritairement en direct pour avoir cette fraîcheur d'accès à l'information. 

Pour rester sur le sport, tant que les chaînes en proposeront, elles ne pourront pas disparaître. Ça va les sauver ? 

On a vu que deux tiers de la consommation de la télévision, c'est du "live". Il n'y a pas que du sport dans ce "live". Donc le sport, évidemment, c'est le genre fédérateur par excellence. C'est un genre qui est convoité par les plateformes aussi. Le meilleur score de l'année, c'est encore un événement sportif, c'est le quart de finale de la Coupe du monde de rugby qui a réuni plus de 16 millions de téléspectateurs. Donc forcément, ça attise les convoitises. Maintenant, les grands événements sportifs qui fédèrent beaucoup les gens autour de l'écran ne sont pas si nombreux que ça. Et puis il y a les enjeux financiers notamment en terme d'acquisition de ces droits qui sont assez compliqués. De ce fait, je ne suis pas sûre que le sport sauve le "live". Je ne pense pas que le "live" ait besoin que du sport. 

Parlons de la nouvelle méthode de calcul des audiences télé de Médiamétrie qui a évolué depuis le 1ᵉʳ janvier dernier. Désormais, Médiamétrie prend en compte tous les foyers, y compris ceux qui n'ont pas de téléviseur et tous les écrans : smartphones, tablettes, ordinateurs. Ça fait 62,5 millions de Français. Y'a-t-il encore aujourd'hui beaucoup de foyers qui n'ont pas la télé ? 

"Il y a 10% des foyers qui n'ont pas ou plus de téléviseurs. C'est un chiffre en hausse. C'est sept points de plus qu'il y a dix ans." 

Laurence Deléchapt, directrice TV de Médiamétrie

à franceinfo


Ce sont plutôt des jeunes, des citadins, des gens qui vivent seuls et c'est plutôt des catégories socioprofessionnelles supérieures. C'est effectivement, un profil un petit peu différent. Alors, ils vont quand même regarder la télévision, mais différemment et un peu moins longtemps. 

Les écrans internet dans la consommation totale des programmes télé représentent 2,5 % donc logiquement, les audiences ont gonflé de 2,5% depuis le 1ᵉʳ janvier ?

2,5 % effectivement, mais comme on a rajouté cette population de gens qui n'ont pas la télévision et qui consomment moins longtemps la télévision, en fait, on a rajouté des gens, cinq millions de personnes en plus dans la mesure. Donc en volume, en nombre de téléspectateurs, on va avoir des audiences qui vont mécaniquement être en hausse. En revanche, en pourcentage, comme on a intégré ces gens qui consomment moins, on va être mécaniquement plutôt à la baisse. 

À qui profite ce visionnage hors téléviseur ? Quelle chaîne ? Quel programme ? 

Alors c'est trop tôt pour donner vraiment le détail, parce que ce sont des audiences qui sont très fragmentées et donc il nous faut quand même de l'accumulation pour pouvoir tirer des conclusions sur des tendances. Ça fait moins de trois semaines aujourd'hui qu'on publie ces nouveaux résultats. Mais cela va profiter à tout le monde parce que, comme je vous le disais en introduction, toutes les chaînes ont développé des stratégies de plateformisation donc ce nouveau périmètre de la mesure répond aux enjeux de tous les acteurs du média. 

Les prochaines étapes chez Médiamétrie, c'est le calcul du "preview" cet été et puis avant la fin de l'année, vous calculerez l'audience des plateformes. Comment ça va se passer ? On saura, contenu par contenu, le nombre de visionnages ? 

Sur un certain nombre de plateformes, oui, c'est notre objectif. On a deux objectifs, mesurer la consommation des plateformes et pouvoir avoir les grands métriques sur la répartition du temps passé. Le fameux un tiers à la demande, aujourd'hui, de savoir qui sont les acteurs qui se répartissent ce tiers de consommation de ces 4 h 37. Et puis effectivement, on compte pouvoir rentrer dans le détail, contenu par contenu, pour les trois plus grosses plateformes de SVOD que sont Netflix, Amazon et Disney+. 

Ce sera une mesure quotidienne ? 

On envisage de les mesurer quotidiennement même si dans un premier temps, ce ne sera pas une restitution quotidienne.

Retrouvez cette interview en vidéo : 

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