"Les agriculteurs ne sont pas invisibles, ils sont méprisés", assure Karine Le Marchand
Karine Le Marchand, animatrice et productrice de télévision est l’incarnation de l’émission "L’amour est dans le pré" depuis 2010. En parallèle, elle anime d’autres émissions telles que "La France a un incroyable talent" depuis 2020 et a interviewé des hommes et des femmes politiques dans "Une ambition intime" en 2016. Lundi 27 novembre à 21h10 l’icône des agriculteurs propose sur M6 le documentaire : Familles de paysans, 100 ans d’histoire, une plongée dans le monde agricole passé et actuel, à base d’images d’archives, mais aussi de témoignages. Un film qu’elle n’hésite pas à qualifier "d’un peu politique" puisqu’il met le doigt sur toutes les problématiques et les difficultés rencontrées par ceux qui nous nourrissent et leurs familles.
franceinfo : Votre film retrace un siècle d'histoire agricole en France avec des images d'archives et le témoignage de six familles. Est-ce un hommage que vous souhaitez rendre au monde paysan ?
Karine Le Marchand : C'est un hommage, une prise de conscience, une explication aussi, une vulgarisation de tout ce système qui s'est mis en place malgré eux, malgré nous, et dont on subit les conséquences tous ensemble.
Les agriculteurs se sentent oubliés, on les "invisibilise" ?
Ils ne sont pas invisibles, ils sont méprisés. On ne reconnaît pas leur travail, on ne leur dit pas : "Merci". On les sollicite au cours de l'histoire... Même depuis la Première Guerre mondiale, ce sont eux qui sont allés au front en premier. Ils étaient tout devant. Et puis ensuite, on leur a demandé de faire l'effort d'Après-guerre, de nourrir à nouveau les Français. Puis après il y a eu l'exode rural. Le général de Gaulle a décidé, avec son ministre Edgard Pisani, de passer de deux millions de fermes à 500 000 en un temps record, en mettant de force les petits paysans qui vivaient un peu en autarcie à la retraite forcée, pour devenir un pays très compétitif.
Vous évoquez les difficultés des agriculteurs : 200 fermes disparaissent chaque jour en France et c'est une profession qui compte énormément de suicides, un par jour. C'est avec des sanglots dans la voix que certains se confient à vous sur leurs conditions de vie et leurs mal-être. Qu'attendez-vous de ce film et des téléspectateurs ?
Que d'abord, ils comprennent ce qui s'est passé et qu'on arrête avec l'agribashing. Oui, il y a des pesticides, oui il y a des engrais, mais les agriculteurs ont été des pions, on leur a dit ce qu'il fallait faire. À l'époque, il faut savoir qu'ils n'avaient pas du tout de protection, pas de formation, il n'y avait même pas de pictogrammes sur les bidons et ils en payent les conséquences au niveau de la santé aujourd'hui. Oui, les terres sont polluées, mais ce n'était pas une volonté au départ. Ça, c'est un exemple. La condition des femmes a beaucoup évolué, mais elle était très en retard aussi. Il faut rendre hommage à ces femmes, aussi, d'agriculteurs qui ont tout pris sur leurs épaules, sans considération.
"Il faut se rendre compte en tant que consommateur pourquoi les prix sont chers dans les supermarchés, par exemple, et pourquoi on paye si mal nos agriculteurs. On pointe du doigt tout un système et c'est devenu sans le vouloir presque un film un petit peu politique."
Karine Le Marchand, animatrice et productriceà franceinfo
C'est un film politique.
Oui, parce qu'au final, à travers leurs yeux, leurs regards, leurs archives, ils nous racontent 100 ans d'histoire et on s'insurge de leur docilité.
"On s'insurge des conditions qui sont faites aux agriculteurs et aussi du peu de reconnaissance à leur endroit. "
Karine Le Marchandfranceinfo
La saison 18 de "L'amour est dans le pré" s'est achevée lundi dernier avec 4 300 000 téléspectateurs en moyenne en comptant le Replay. C'est l'émission la plus puissante de M6, mais c'est la pire saison en termes d'amour : un seul couple à la fin et pas le meilleur... N'y a-t-il pas un petit problème de casting ?
On va faire plus attention à vérifier les informations des prétendants en amont, au niveau du travail et de leur condition sociale. Que ce ne soit pas un hôtel chez nos agriculteurs. Et je crois que c'est très compliqué en ce moment, d'une manière générale. C'est compliqué de faire un couple parce qu'on est super angoissés. J'ai hâte d'enterrer 2023 parce que je trouve que c'était une année horrible pour tout le monde et c'est difficile de croire en de belles choses en ce moment.
C'est la première fois qu'on vous voit tirer les oreilles des agriculteurs ou des prétendantes et d'une prétendante en particulier : Justine. Elle est avec un agriculteur handicapé et s'est assez mal comportée avec lui pendant toute la saison ?
On n'a pas tout montré, c'était pire. C'est très compliqué, c'est comme si votre meilleur ami sortait avec une conne. Lui diriez-vous ? Il est fou amoureux, a envie de rester avec elle. Vous lui dites gentiment une fois, deux fois, "mais tu sais ce que tu fais machin" et cetera. Et puis après on dit : "Ben voilà, c'est la vie". Là, dans ce cas précis, on voyait bien que Justine avait des comportements qui n'étaient pas adaptés à une histoire d'amour et que Patrice, lui-même, ne prenait pas son courage à deux mains pour mettre des limites. Et on avait tous peur qu'il y ait une espèce d'abus de faiblesse. On a une psy qui est partie là-bas et qui a beaucoup parlé aux deux. Chacun d'eux a un passé difficile donc c'est aussi compliqué de faire couple. Il ne faut pas non plus l'accabler. Bref. C'est Patrice qui est venu me voir avant en me disant : "Je n'arrive pas à parler à Justine. J'ai besoin que tu m'aides parce que je n'ose pas". J'ai répondu : "Tu es sûr ?" et il me dit "Oui, il y a beaucoup de choses qui ne vont pas". "D’accord, je vais poser toutes les questions, en revanche, j'ai besoin que toi, tu répondes". Et c'est ce qu'il a fait. Il suffisait de l'aider. Après, c'est la vie, après les gens font ce qu'ils veulent et il y a des gens qui préfèrent être mal accompagnés que seuls.
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