Javier Cercas : "La fiction sauve, la vérité tue"
Car la fiction de cette histoire c'est la réalité, celle d'Enric Marco, le plus grand affabulateur que l'Espagne ait connu. Le Maradona de l'imposture dit Javier Cercas. 2005, à quelques jours des cérémonies du 60ème anniversaire de la libération des camps de concentration, un historien révèle qu'Enric Marco, le président de l'association des anciens déportés espagnols, n'a jamais été dans les camps nazis. Immense scandale, dans un pays qui depuis la mort de Franco peine à retrouver sa mémoire, l'affaire Marco révèle la part d'ombre de l'Espagne moderne, un pays qui a besoin qu'on lui raconte des histoires.
La littérature en question
"La fiction sauve, la vérité tue" écrit Javier Cercas, qui compare Marco à Don Quichotte, s'interroge sur le mécanisme du mensonge, le besoin d'inventer sa vie, de séduction, il convoque le mythe de Narcisse, c'est passionnant. Javier Cercas a rencontré Enric Marco des dizaines de fois, le récit de ces entretiens est fascinant, car l'imposteur veut apparemment se libérer de son infamie en avouant tous ses méfaits, il a aussi fait croire qu'il était un combattant acharné du franquisme, ce qui est archi faux mais il a pu ainsi prendre les reines après la mort de Franco de la CNT, le syndicat anarchiste, mais Cercas se méfie. Il craint d'être séduit à son tour, ne veut surtout pas le réhabiliter, il veut juste comprendre. Marco a voulu fuir après une enfance misérable, un destin banal, très intelligent il a tout inventé et quand Javier Cercas qui mène une enquête impitoyable découvre un nouveau mensonge, il dit, "allez Javier laisse le moi celui-là". C'est un roman magistral qui en dit autant sur cet imposteur que sur l'auteur. Ce qui se joue ici c’est notre capacité à tous à travestir le réel, à nous délivrer du quotidien par l’imaginaire, donc par le mensonge. Tel Flaubert Javier Cercas proclame « je suis Marco », il pourrait ajouter, toi aussi lecteur.
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