Isabelle Bunisset au bout de Céline
C'était un pari fou, franchement casse gueule, mais Isabelle Bunisset le réussit. Pendant 15 ans, pour préparer sa thèse, elle est universitaire à Bordeaux, elle a vécu avec Céline et dans ce court roman, très rythmé, elle est l'écrivain maudit entre le 30 juin 1961 à 16h00 et le 1er juillet 5 heure du matin, quand il passe l'arme à gauche. Nous sommes dans sa maison de Meudon, Céline souffre, divague et il peste, encore, contre la terre entière, son destin, son exil, Gaston Gallimard, Françoise Giroud, Jean-Paul Sartre, les journalistes. Isabelle Bunisset ne le juge pas, elle l'imagine, incapable de trouver la paix, il veut juste finir "Rigodon" son livre testament et ne se repend pas de ses écrits antisémites.
Une écriture particulièrement ciselée
Le piège était de singer le style de Céline, Isabelle Bunisset est dans un entre-deux qui fonctionne car c'est une voix intérieure fictionnelle, page 77 elle écrit: "C'est la vie qu'il faut refoutre en ordre, pas ceux qui la regardent en face. Quand on se penche sur la page, on demande à comprendre, à souffrir moins, à se réconcilier. Quand vous avez tâté de la chair flasque et gangrenée, c'en est fini de pontifier". Le rapport de l'auteur du voyage au bout de la nuit, au langage parlé, c'est l'un des enjeux de ce livre. Si Céline a donné une voix aux sans –voix, à cette populace qu’il estimait bien plus que les élites littéraires, c’était au prix d’un travail énorme d’écriture, ciselant la musique de chaque phrase. D’une certaine façon Isabelle Bunisset fait un voyage à rebours, elle part des livres laissés par l’auteur, qui la hantent, remonte le temps et s’immisce dans cette dernière nuit d’agonie dans son esprit, là où résonnait le parler de la rue, là où il le mettait en forme, inventant une langue qui n’existe pas et dont l’écho continue de nous fasciner.
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