Desplechin entre à la Comédie-Française

Ça fait partie des désirs d’Éric Ruf le nouvel administrateur de la maison de Molière, lancer des invitations pour bouger les lignes du "français". Arnaud Desplechin, qui avait travaillé au cinéma avec certains comédiens maison comme Michel Vuillermoz dans "Comment je me suis disputé", avait à la fois très envie et très peur de faire du théâtre. Il passe l'examen haut la main, même si on sent qu'il n'a pas totalement osé pousser certains interprètes à oublier leurs réflexes très classiques: Michel Vuillermoz est bouleversant, mais Anne Kessler gagnerait à plus nuancer son jeu. Ils forment tous les deux ce couple infernal, qui se déchire dans la pièce du suédois Strindberg, qui date de 1887.

Lui est militaire, elle femme bourgeoise, est mère au foyer, ils s'affrontent jusqu'au carnage autour de l'avenir de leur fille. Strindberg a écrit un drame très moderne pour l'époque, bourré d'ambigüités, il est autant misogyne que féministe, c'est elle qui gagne, pousse son mari vers la folie. Une violence sentimentale qui fascine Arnaud Desplechin, le cinéaste distille dans cette guerre des sexes une empathie pour les personnages qui sonne juste et pour y parvenir il a beaucoup pensé au cinéma d'un autre grand artiste suédois, Ingmar Bergman.

"Père" de Strindberg, mis en scène par Arnaud Desplechin jusqu'au 4 janvier 2016 à la comédie française.