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"Notre gouvernement ne pratique pas la torture", George W. Bush (2007)

Après les attentats du 11 septembre 2001 et avec l'approbation du Vice-Président Cheney, la CIA prend des largesses avec la Convention de l'ONU contre la torture ratifiée par les États-Unis en 1994. Mise au courant en 2006 des méthodes d'interrogatoires "musclées" Bush n'en défend pas moins son administration. Mais le rapport rendu public par le Sénat en début de semaine est édifiant.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Un détenu de Guantanamo part pour un interrogatoire © Maxppp)

Au début des années 1980, en Amérique latine comme en Europe de l'Est, des sandales impliquant la torture se multiplient.

Une convention contre la torture "light" à Washington

Sous la pression d'Amnesty Internationale, à New York, le 10 décembre 1984, la "Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants" est adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies. Elle entre en vigueur le 26 juin 1987, depuis lors Journée mondiale pour le soutien aux victimes de la torture.

Dans un monde en pleine Guerre froide, les Etats-Unis ne peuvent se permettre de ratifier une telle convention qui entraverait leur puissance. Il faut attendre la fin des années 1980 pour que le contexte change.

Poussé par l'opinion publique, Ronald Reagan la signe en 1988, mais c'est une version édulcorée qu'il présente au Sénat. Il prend ainsi le soin d'y introduire pas moins de 19 amendements qui réduisent la définition même de "torture"

Cette précaution permettant par exemple la privation du sommeil, ou la terrible "privation sensorielle", c'est-à-dire de l'odorat, de la vue ou du touche, ce qui provoque à moyen terme des hallucinations... Autant de choses qui ont largement été outrepassées par la CIA comme le révèle le rapport du Sénat américain rendu public il y a trois jours. 500 pages de rapport déclassifiées, soit 1/10e des 6.000 pages remises à l'administration Obama.

Ainsi, la Convention onusienne est signée par Reagan en 1988, et finalement ratifiée en 1994 sous Clinton, ce qui donne une bonne image à une Amérique sans ennemi clairement identifié, vainqueur par K-O de la Guerre froide, et se prétendant le gendarme du monde.

La CIA fait de la résistance

Tout change un matin de septembre 2001, les attentats du 11 septembre sont un véritable catacysme pour les Etats-Unis.

Et les mots prononcés par Georges Bush le 26 novembre de la même année ne laissent guère planer de doutes.

Tous les moyens seront employés pour retrouver les responsables et prévenir d'autres attentats

"Notre objectif est de les débusquer, les faire courir et les traduire en justice"

Traduire en justice, oui, mais pas la justice civile. Le 13 novembre 2001, Bush signe ainsi un décret présidentiel "Detention, Treatment, and Trial of Certain Non-Citizens inthe War against terrorism". Il autorise par là le recours à des commissions militaires pour juger des personnes suspectées de participation à des actions terroristes ou de soutien à de telles actions. Mais c'est aussi la torture qui plane dans ces mots du présidents américains.

Et en 2002, trois de ses conseillers rédigent des notes afin d'exploiter les limites et les failles de la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre.

Mais en 2003, Bush l'assure :

"Les Etats-Unis se consacrent à l'élimination mondiale de la torture et ils sont à la tête de ce combat en montrant l'exemple "

Car si le Vice-Président Dick Cheney était totalement au courant des agissements de la CIA, Georges Bush, lui, ignorait l'essentiel jusqu'en 2006. Aujourd'hui, épinglé par le rapport du Sénat rendu public, ce même Cheney se défend :

"Nous avons fait exactement ce que nous devions faire pour mettre la main sur ceux qui avaient préparé le 11 septembre, et pour empêcher d'autres attentats. Nous avons rempli ces deux missions"
 

"Ce gouvernement ne torture pas..." explique George W. Bush

En 2006, des articles commencent à fleurir sur des actes de tortures menés par la CIA à Guantanamo et dans d'autres centres plus ou moins secrets dans le monde entier. Mais désormais au courant des méthodes d'interrogatoires de la CIA, Bush s'entête à défendre son administration. Peut-être croit-il vraiment que les pratiques de la CIA n'entrent pas dans la définition de "torture".

"Ce gouvernement ne torture pas ! martèle-t-il en octobre 2007 "

Avant d'ajouter n'avoir qu'un but, protéger le peuple américain.Sauf que Bush a doublement tort. Non seulement il s'agit bien de torture, et l'administration Obama l'a dit très clairement :

"Nous avons fait beaucoup de choses justes, mais nous avons torturé des gens"

Et contrairement à ce qu'affirme Bush, le Sénat précise que la torture n'a sauvé aucune vie américaine

 

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