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Les mensonges d'Athènes (2000-2009)

Longtemps recalé par Bruxelles du fait de son non-respect des critères de convergence définis par le traité de Maastricht,en janvier 2001 le pays est enfin prêt et entre dans la zone euro. Mais par deux fois, en 2004 et 2009, Athènes finit par avouer ses mensonges destinés à contenter Bruxelles. Plus qu'un miracle grec, il s'agit en réalité d'un mirage qui explique en partie la crise actuelle.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Le Parthenon à Athènes © Maxppp)

Le 19  juin 2000, c'est jour de fête à Athènes. Après beaucoup d'efforts consentis, et comme le souhaitent les deux tiers de la population grecque, Bruxelles annonce la bonne nouvelle : 

La Grèce entrera dans la zone euro à partir du 1er janvier prochain

Pour la Grèce, le chemin vers la monnaie unique fut un chemin de croix. Ainsi, lorsqu'en 1998, la Commission Européenne annonce les 11 pays qui pourront adopter la monnaie unique, la Grèce n'en fait pas parti, en raison de son nom respect des fameux critères de convergence du traité de Maastricht de 1992.

Mais convaincu que l'avenir de son pays passe par une entrée dans la zone euro, le Premier ministre socialiste Kostas Simitis engage la Grèce dans un processus d'ajustement dont Dominique Strauss Kahn vante à l'époque la crédibilité. Gel du salaire des fonctionnaires, privatisations, hausses d'impôts, dévaluation de la Drachme au printemps 1998. C'est une véritable politique d'austérité à laquelle sont soumis les Grecs. Et déjà des manifestations populaires avaient enflammé un pays hostile au gouvernement socialiste et aux conditions de Bruxelles. À Athènes, on brûle même des drapeaux européens.

Toutefois, les efforts semblent payer. Le 9 mars 2000, le dossier de candidature est prêt et il est approuvé trois mois plus tard avec les félicitations de la Commission pour les politiques saines menées par Athènes.

C'est le miracle grec

L'entrée dans la zone euro offre un grand bol d'air au pays qui dispose enfin d'une monnaie forte et qui peut donc emprunter facilement sur les marchés. Tout en restant dans les clous fixés par les critères de convergence, dont le plafonnement des déficits à 3% du PIB. Pourtant, déjà à l'époque, dans les milieux économiques, on peut voir certaines réticences à l'idée que la Grèce devienne le 12e pays membre de la zone euro. Mais comme l'avait asséné Valéry Giscard d'Estaing en 1970 pour défendre l'entrée de la Grèce dans la CEE :

"On ne fait pas jouer Platon en deuxième division ! "

C'est le 15 novembre 2004 que la vérité éclate. Le pays organisateur des derniers Jeux Olympiques est également Champion d'Europe de la duperie. C'est au Ministre grec des Finances que revient la tâche de l'annoncer à l'Eurogroupe. Et il est bien forcé de reconnaître le mensonge :

"Il a été prouvé que le déficit n'était pas retombé sous les 3% une seule année depuis 1999. "

Ainsi, le miracle grec n'était rien d'autre qu'un mirage. Entre 1997 et 1999, le déficit n'est pas passé de 4% à 1.8% mais de 6,6% à 3.4% et au lendemain de l'annonce, la Une du Figaro est sans appel :

"La Grèce n'était pas qualifiée pour entrer dans l'Euro ! "

Comptabilisation inventive des commandes d'armements, excédents surestimés des caisses d'assurance sociale. De fait le gouvernement socialiste de Kostas Simitis avait largement trafiqué les comptes publics, bien aidé à partir de 2001 par Goldman Sachs. Alors la main sur le coeur, le gouvernement conservateur dirigé par Kostas Karamanlis qui prend le pouvoir en 2004 promet de faire les efforts nécessaires. Las, dans un contexte de crise économique, en octobre 2009, les socialistes reviennent au pouvoir. Et à la surprise générale, le nouveau Premier ministre Georgios Papandreou fait une annonce qui plonge les partenaires de la zone euro dans la stupeur et l'inquiétude. C'est la fin d'un mensonge d'Etat. Le Premier ministre lève le voile sur le véritable montant du déficit grec. Annoncé à 6%, il est en réalité de 12.7%. Craignant de se retrouver en faillite, le gouvernement grec demande l'aide internationale en avril 2010, ce qui déclenche quelques mois plus tard les mécanismes d'aide européens. Mais cette aide ne se fait pas sans contrepartie. Et cette contrepartie, voulue notamment par les Allemands, c'est un plan d'austérité drastique qui plongera Athènes dans une grave crise économique, politique et sociale dont l'origine profonde se trouve aussi dans les mensonges d'Athènes.

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